Pendant que les dirigeants européens examinaient la possibilité d'infliger des sanctions supplémentaires contre la Russie, l'Autriche a déroulé le tapis rouge mardi pour ... Le président russe Vladimir Poutine.
Vladimir Poutine et Heinz Fischer
© Joe Klamar/AFpVladimir Poutine et Heinz Fischer
En marge de cette visite, l'Autriche a signé une vingtaine d'accords de coopération bilatéraux avec la Russie, dans des domaines tels que l'infrastructure, les communications, la médecine, l'innovation...

Mais la société énergétique autrichienne OMV a également signé un accord avec la compagnie gazière russe Gazprom pour confirmer sa participation au projet de construction d'un gazoduc, South Stream. Ce gazoduc de 2.446 km de long permettrait de fournir les pays du cœur de l'Europe en gaz russe, sans passer par l'Ukraine, en proie à de sérieux troubles politiques depuis plusieurs mois. Son tracé traverse la Mer Noire au sud de la Crimée, puis la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et la Slovénie, pour arriver à Baumgarten, en Autriche (voir carte ci-dessous), où le gaz pourra être dispatché sur les autres pays clients du centre de l'Europe, et notamment l'Allemagne.

Le projet est évalué à 40 Milliards de dollars (environ 30 milliards d'euros), dont 200 millions d'euros pour la portion située en Autriche, dont les deux compagnies signataires ont décidé de partager les coûts. Il permettra de « diversifier l'approvisionnement en énergie » en provenance de Russie. Actuellement, les deux tiers du gaz russe transitent par l'Ukraine, ce qui les vulnérabilise à des blocages potentiels.

C'est la première fois depuis 1968 qu'un pays d'Europe occidentale conclut un accord de fourniture de gaz à long terme avec Moscou.

Cependant, la Commission européenne soutient que le projet South Stream n'est pas conforme avec le droit communautaire parce que le pipeline ne prévoit pas l'accès de tiers. En outre, l'accord est contraire à la stratégie de l'UE pour réduire sa dépendance envers le gaz russe. De ce point de vue, l'accord signé en Autriche est un véritable camouflet pour l'UE.

Pour sa part, Poutine a salué les bonnes relations d'affaires que la Russie entretient avec l'Autriche. La Russie est le 3e plus gros partenaire commercial non-UE du pays, après les États-Unis et la Suisse.

Le président autrichien Heinz Fischer a aussi défendu le projet South Stream, et déclaré qu'il s'opposait aux sanctions contre la Russie, mais il a également dit à M. Poutine que son annexion de la Crimée violait le droit international.

Il est prévu que la section autrichienne de South Stream sera opérationnelle à partir de 2017.

« A peine un mois après que Poutine a conclu l'accord Saint Graal avec Pékin [un contrat de fourniture de 400 milliards de dollars de gaz entre la Chine et la Russie, conclu le mois dernier, ndlr], il a non seulement réussi à formaliser sa conquête des marchés européens avec encore un nouveau pipeline - et un qui évite totalement l'Ukraine - mais il a aussi marqué une autre grande victoire politique en créant une fissure au cœur de la zone euro, après que l'Autriche a défié ouvertement ses partenaires en se mettant aux côtés de Poutine », écrit Zero Hedge.

Mais lors d'une conférence de presse donnée après la signature de l'accord, le CEO de OMV, Gerhard Roiss, a rappelé la dure réalité des faits :
« L'Europe a besoin du gaz russe. L'Europe aura encore plus besoin du gaz russe à l'avenir parce que la production de gaz européen chute ... Je pense que l'Union européenne comprend également cela ».
« Bien sûr, qu'elle comprend », poursuit Zero Hedge. « Le seul problème, c'est qu'elle ne veut pas l'admettre, parce que le faire reviendrait à sceller le sort de l'Europe comme Etat vassal de la Russie dans le domaine de l'énergie. [...] »
« En politique, la question est de savoir qui a le pouvoir, et qui s'y soumet. L'Autriche s'y est soumise aujourd'hui, et en faisant défection à ses partenaires européens, elle a peut-être débuté un processus qui pourrait aboutir à l'éclatement de la zone euro elle-même, avec personne d'autre que Vladimir Poutine pour tirer les ficelles une fois de plus ».
L'Autriche n'est pas le seul pays à soutenir le projet South Stream. Selon Euractiv, le Pemier ministre italien Matteo Renzi plaide aussi en faveur de ce gazoduc auprès de l'UE pour le compte de tous les pays de l'Union qu'il traversera.

La réduction de la dépendance de l'UE à l'égard du gaz russe est l'une des questions qui doit être discutée lors du sommet européen des 26 et 27 juin. Mais ironiquement, selon un projet de conclusions du sommet obtenu par Euractiv, South Stream n'y sera même pas évoqué...
Carte transit du gaz Sud Europe
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