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© Human Rights Watch
Dans un rapport publié lundi, l'organisation Human Rights Watch a accusé le FBI d'avoir incité des citoyens américains musulmans à commettre des attentats, alors que ceux-ci ne seraient probablement jamais passés à l'acte.

Le FBI aurait-il incité des citoyens américains à commettre des actes de terrorisme ? C'est ce qui ressort d'une étude à charge contre les méthodes des services de police américains, publiée lundi 21 juillet par Human Rights Watch (HRW). Selon l'organisation, aidée dans sa démarche par des experts de l'Université de Columbia, le FBI a en effet « encouragé, poussé et parfois même payé » des musulmans américains pour les inciter à commettre des attentats qu'ils n'auraient peut-être jamais envisagés. L'objectif étant de gonfler le nombre d'arrestations, prétendre protéger les Américains et ainsi justifier les lois antiterroristes, selon HRW.

En cause : 27 exemples concrets sur les quelque 500 affaires de terrorisme conduites par les tribunaux américains depuis les attentats du 11-Septembre. Ces affaires ont été décortiquées par HRW, depuis l'enquête jusqu'au procès, en passant par l'inculpation et les conditions de détention. En s'appuyant sur les interviews de 215 personnes, inculpées ou condamnées, ainsi que de leurs proches, avocats, juges ou procureurs, HRW accuse les forces de l'ordre d'avoir « dans certains cas, transformé en terroristes des individus respectueux de la loi, en leur suggérant l'idée de commettre un acte terroriste ».


« La théorie du FBI est que ces individus sont des terroristes en puissance et que s'il ne les avait pas poussés à commettre des actes terroristes, Al-Qaïda l'aurait fait », explique Andrea Prasow, l'un des auteurs de ce rapport de 214 pages.

L'étude cite notamment « les quatre de Newburgh », accusés d'avoir planifié des attentats contre des synagogues et une base militaire américaine en 2009. Or, selon un juge, le gouvernement leur avait « fourni l'idée du crime et les moyens, et (leur avait) dégagé la voie », transformant ainsi en « terroristes » des hommes « dont la bouffonnerie était shakespearienne ».

Dans 30 % des cas, l'agent du FBI a joué un rôle actif

« On a dit aux Américains que leur gouvernement assurait leur sécurité en empêchant et en punissant le terrorisme à l'intérieur des États-Unis », ajoute Andrea Prasow. Mais regardez de plus près et vous réaliserez que nombre de ces personnes n'auraient jamais commis de crime si les forces de l'ordre ne les avaient pas encouragés, poussés, et parfois même payés pour commettre des actes terroristes.

Même s'ils se défendent d'en faire une généralité, les auteurs du rapport estiment que la moitié des condamnations de « terroristes en puissance » résultent de telles opérations sous couverture. Dans 30 % des cas, l'agent infiltré a joué un rôle actif dans le montage du complot.

L'association accuse en outre les autorités de sciemment prendre pour cible la communauté musulmane, avec « un effet immédiat sur les pratiques » des fidèles qui se sentent traqués, a expliqué à la presse Tarek Ismail, conseiller à l'Université de Columbia.

Personnes vulnérables

De plus, toujours selon HRW, le FBI ciblerait souvent des personnes vulnérables, souffrant de troubles mentaux et intellectuels. Le rapport cite pour exemple le cas de Rezwan Ferdaus, condamné à 17 ans de prison à l'âge de 27 ans pour avoir voulu attaquer le Pentagone et le Congrès avec des mini-drones bourrés d'explosifs. L'homme en question souffrait « de toute évidence » de problèmes mentaux, avait estimé un agent du FBI

Face à la mise en cause de ses pratiques, considérées par certains comme des « violations de la vie privée et des libertés civiques », l'agence gouvernementale s'est défendue. Ces opérations sont conduites « avec une précision et une précaution extraordinaires, pour veiller [...] à ce que les suspects ne soient ni piégés ni privés de leurs droits juridiques », a expliqué le ministre américain de la Justice Eric Holder. Ce dernier avait par le passé estimé que tuer un citoyen américain se rendant coupable de terrorisme était un acte légitime.

Le porte-parole du ministère de la Justice, Marc Raimondi, a quant à lui précisé que ces méthodes étaient validées par la Cour suprême et constituaient un « outil de grande valeur pour protéger le pays du terrorisme ».

Développées par le FBI pour lutter contre le crime organisé et étendues au terrorisme après le 11 septembre 2001, ces opérations consistent à infiltrer des agents dans les communautés musulmanes, par le biais de la mosquée ou de l'école. Elles sont considérées comme illégales dans certains pays, dont la France.