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Des avions de combats Rafale français ont bombardé vendredi dernier les forces du groupe Etat Islamique en Iraq (EI). C'était la première opération militaire française déclarée en Irak depuis la Première guerre du Golfe en 1991, la première aussi menée par un pouvoir européen en soutien à la nouvelle guerre engagée par les Etats-Unis qui ont eux, déjà effectué 176 raids aériens contre l'EI depuis le 8 août.

L'Elysée a annoncé son opération dans un communiqué soulignant que ce n'était là que le début d'une campagne de bombardements de la part la France: « Ce matin à 9 h 40, nos avions Rafale ont mené une première frappe contre un dépôt logistique des terroristes. L'objectif a été entièrement détruit. D'autres opérations se poursuivront dans les prochains jours. »

Selon Qassim al-Moussawi, un porte parole du régime fantoche des Etats Unis en Iraq, le dépôt était situé près de la ville de Zoumar et fut attaqué en quatre raids aériens, qui tuèrent des dizaines de combattants de l'EI. Les raids ont été lancés depuis la base aérienne française d'Al Dhafra, près d'Abou Dhabi dans les Emirats arabes unis (EAU)

En lançant ces attaques aériennes, le gouvernement PS de Francois Hollande a définitivement répudié la décision prise par Paris en 2003 de s'opposer à l'invasion et à l'occupation, illégales, de l'Irak par les Etats-Unis. Hollande lui, cherche à se poser en partisan le plus loyal des guerres de Washington au Moyen-Orient et à supplanter la Grande-Bretagne dans ce rôle.

Hollande, qui s'est durablement aliéné la population par sa politique droitière et dont la popularité s'est effondrée, a annoncé les frappes aériennes jeudi 18 septembre dans une conférence de presse nationale. Il y a pris la pose du grand patriote et s'est présenté comme le défenseur désintéressé des peuples irakien et francais.

« Mon premier devoir c'est d'assurer la sécurité de la France » a-t-il déclaré. « J'ai... décidé de répondre à la demande des autorités irakiennes, pour accorder notre soutien aérien. Notre but est de contribuer à la paix et à la sécurité en Irak en affaiblissant les terroristes. »

Le président américain Obama a salué le discours de Hollande et a remercié le gouvernement francais du soutien qu'il apportait à Washington en Irak. « L'un de nos plus anciens et proche alliés, la France est un partenaire solide dans nos efforts contre le terrorisme et nous nous réjouissons de voir à nouveau les militaires francais et américains agir ensemble au nom de notre sécurité et de nos valeurs communes, » a dit Obama.

Le casus belli mis en avant par Paris et Washington - la nécessité de protéger les peuples syrien et irakien face au danger posé par des ismalistes d'extrême droite liés à Al Qaida - est un mensonge cynique. L'EI est en fait une création de l'intervention des Etats-Unis et de leurs alliés européens et arabes en Syrie. Ceux-ci ont injecté des milliards de dollars dans les milices islamistes en Syrie et leur ont fait parvenir d'énormes quantités d'armes pour une guerre par procuration ayant pour objectif le renversement du régime du président Bachar el-Assad. Cette guerre a déjà coûté la vie à plus de 190 000 personnes et en a forcé des millions, près de la moitié de la population syrienne, à s'enfuir.

Washington et Paris exploitent à présent l'offensive de l'EI pour justifier une nouvelle escalade de leurs opérations militaires en Irak, tout en continuant d'appuyer les milices islamistes dans leur guerre contre Assad. C'est tout le Moyen-Orient qui risque la descente dans des conflits ethniques et sectaires, alimentés principalement par l'intervention irresponsable des puissances impérialistes. Cette situation risque à tout moment de se transformer en guerre internationale à grande échelle ou même en guerre mondiale, si les puissances impérialistes décident de s'en prendre à l'Iran ou à ses alliés russes ou chinois, dotés eux, d'armes nucléaires.

Le fait que cette politique impopulaire soit menée par le gouvernement bourgeois « de gauche » dirigé par Hollande et, aux Etats Unis, par une administration arrivée au pouvoir en 2008 sur une vague d'opinion anti-guerre témoigne de l'effondrement des processus démocratiques des deux cotés de l'Atlantique.

Cela atteste également de la profonde intégration des groupes de la pseudo-gauche dans la politique de l'impérialisme. Il y a une dizaine d'années, face à l'opposition de masse à l'agression illégale de l'Iraq par le gouvernment Bush, divers groupes de la pseudo-gauche avaient participé aux manifestations de masse qui avaient précédé l'invasion américaine de l'Irak. Mais à présent que ces guerres sont menées par Obama et Hollande et non par un conservateur du Texas, ces groupes, tel le Nouveau parti anticapitaliste en France, les soutiennent dans l'enthousiasme, malgré l'opposition profonde à une nouvelle guerre qui existe dans la classe ouvrière.

La crise domestique du gouvernement Hollande est un facteur majeur dans sa décision de bombarder l'Irak. L'an dernier, lorsque Paris a lancé sa guerre au Mali, des responsables du PS ont dit qu'ils prenaient modèle sur la politique du premier ministre britannique Margaret Thatcher en 1982 et sur sa guerre avec l'Argentine à propos des Iles Malouines - dans l'espoir qu'une guerre allait améliorer rapidement les sondages et les aider à faire passer des coupes sociales impopulaires.

Cette politique politiquement criminelle a échoué devant la colère grandissante vis-à-vis des plans d'austérité de Hollande. A présent que Hollande se retrouve à 13 pour cent d'indice de popularité et est l'objet d'un mépris populaire généralisé, il se tourne à nouveau vers la guerre dans une tentative encore plus éperdue de stabiliser sa position.

Il est significatif que, alors que Paris a intégré à un haut degré ses opérations militaires dans les plans de Washington, les tensions entre l'impérialisme français et l'impérialisme américain s'amplifient.

« Les frappes aériennes étaient le ticket d'entrée nécessaire pour être un partenaire sérieux dans la planification militaire américaine, » écrit Le Monde, tout en ajoutant « Paris veut conserver son autonomie d'appréciation - choisir ses cibles - et acquérir son propre renseignement sur le terrain. »

Dans sa conférence de presse du 18 septembre, Hollande a critiqué la décision de dernière minute prise par l'administration Obama l'an dernier de ne pas lancer une guerre contre le régime Assad - décision prise après que le parlement britannique a voté contre une guerre avec la Syrie. Tout au long de la crise syrienne, l'impérialisme francais a agi de concert avec la monarchie saoudienne pour obtenir que les milices islamistes sunnites en Syrie soient soutenues par des moyens agressifs.

Il a aussi insisté pour dire que la France bombarderait l'EI seulement en Irak, et non pas en Syrie, où les pays impérialistes poursuivent leurs efforts pour renverser Assad par le biais de milices islamistes favorables à l'EI.