Traduit par Daniel pour vineyardsaker.fr

Le secrétaire d'État américain, John Kerry, a négocié un accord prévoyant l'établissement d'un gouvernement de « coalition » en Afghanistan, mais n'arrive pas à former de coalition crédible pour bombarder l'EI en Syrie. Le Pentagone fait donc cavalier seul sous les applaudissements de ses « alliés aux pétrodollars » du Golfe.


Passons rapidement en revue les deux coalitions.

À commencer par l'Afghanistan. La mascarade à Kaboul porte le nom « d'accord de partage du pouvoir ».

Vous avez un problème d'élection ? Appelez John Kerry. C'est pourtant vrai. Cet « accord » a été négocié par nul autre que le secrétaire d'État américain, qui a balayé sous le tapis afghan la question gênante d'une élection démocratique entachée d'irrégularités.

Au point même qu'un représentant de l'ONU, Jan Kubish, a pratiquement ordonné à la commission électorale afghane de ne pas rendre public le nombre de votes.

Tout cela pendant que l'ONU supervisait un audit et un recomptage d'environ huit millions de votes.

Sans surprise, les « hauts responsables américains » ont qualifié les résultats du vote de « transparents ». On attend toujours le nombre de votes exprimés.

L'ancien ministre des Finances et cadre de la Banque mondiale Ashraf Ghani devient ainsi président et Abdullah Abdullah occupera le nouveau poste de « chef de l'exécutif », essentiellement sous l'égide des États-Unis.

Dire que M. Abdullah n'avait de cesse de rappeler que les résultats du vote n'étaient rien de moins qu'une fraude massive. Imperturbables, les groupes de réflexion américains ont qualifié la chose de « solution temporaire ».

Percée d'une importance capitale, le général grand manitou de l'Otan Philip Breedlove a annoncé samedi, en Lituanie, que les deux titulaires se partageant le pouvoir ont juré craché qu'ils allaient signer « rapidement » un accord de sécurité avec Washington.

Cet accord avait été négocié, une fois de plus, par Kerry et le président sortant Hamid Karzaï à la fin de 2013, puis approuvé par la Loya Jirga afghane. Sauf que Karzaï n'a jamais voulu le ratifier.

Ce qui veut dire qu'au moins 10 000 militaires américains, des forces spéciales pour la plupart, continueront d'être déployés en Afghanistan dans le cadre de l'opération Liberté immuable, la bien nommée. Ce n'est en fait rien d'autre qu'un accord sur le statut des Forces appelé autrement.

L'occupation se poursuit donc. Non seulement avec des troupes américaines, mais aussi dans le cadre d'une nouvelle « mission de formation » de l'Otan appelée Soutien résolu, à compter de janvier 2015.

Un contrecoup majeur est à prévoir. Cela va de soi que les Talibans vont manifester leur soutien résolu à botter l'arrière-train collectif de l'Otan et des États-Unis.

Cette conséquence est formidable, car c'est précisément ce que vise l'interminable Guerre mondiale contre le terrorisme.

Dans le doute, bombarde tout ce qui bouge

Passons maintenant à la coalition formée pour lutter contre le calife Ibrahim, le prophète coupeur de têtes autoproclamé de l'État islamique en « Syrak ».

L'ambassadrice américaine auprès de l'ONU Samantha Power a le vent en poupe à l'approche du Sommet de l'ONU, qui se tient cette semaine à New York.

Elle a frénétiquement fait savoir que la coalition des volontaires récalcitrants formée pour combattre le calife comptait plus de 40 pays. Sauf qu'elle n'en a nommé aucun, ni donné de détail de ce qu'ils feront.

Ce qu'elle sait par contre, c'est que cet épisode de la Guerre mondiale contre le terrorisme va durer « plusieurs années ».

Mme Power a aussi écarté toute collaboration avec l'Iran la « dévoyée ». Mais elle a été forcée d'admettre que la Russie jouait un rôle dans la lutte contre le calife.

Ça, c'est révolutionnaire. Car hier encore aux yeux de l'administration Obama, la Russie était « l'empire du mal » remixé.

Moscou a cependant averti que « bombarder la Syrie sans la coopération de Damas peut avoir des conséquences pratiques dévastatrices sur la situation humanitaire en Syrie. »

À ce sujet, Mme Power s'est contentée de préciser que « nous ne serons pas les seuls à faire des frappes aériennes si le président décide d'aller de l'avant ».

Mais John Kerry a de nouveau volé la vedette. Pour lui, ce n'est pas 40, mais « une cinquantaine » de pays qui n'attendent que le feu vert pour aller à la chasse au calife.

Contrairement à Mme Power, et c'est tout en son honneur, M. Kerry reconnaît au moins que l'Iran pourrait « jouer un rôle » après tout.

Pour sa part, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a indiqué clairement que toute stratégie visant à déstabiliser le gouvernement syrien « mènera tout droit à la défaite ».

L'ambassadeur de la Russie auprès de l'ONU Vitaly Tchourkine a quant à lui démoli la stratégie du président américain Barack Obama consistant à former et à armer les mythiques rebelles syriens « modérés ».

Même l'ambassadeur de la Chine auprès de l'ONU, Liu Jieyi, y est allé d'une déclaration posée : « La communauté internationale devrait respecter la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale des pays en question. »

Kaboul, c'était du gâteau. Kerry n'avait qu'à offrir un pot-de-vin décent. Mais avec le calife, c'est une autre paire de manches.

Washington refuse toute coopération avec Damas et toute coordination avec Téhéran, d'autant plus que le guide suprême, l'ayatollah Khamenei, y a apposé son veto et que le président Rohani a qualifié la stratégie d'Obama de ridicule [1].

Pendant ce temps, la Turquie alliée de l'Otan hurle que « le régime syrien est le mécène de l'extrémisme », pour reprendre les mots de son ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu.

Au moins Kerry n'a pas à soudoyer Haïder al-Abadi, le nouveau premier ministre irakien, puisque Washington a déjà obtenu le changement de régime qu'il voulait en Mésopotamie en se débarrassant de Nouri al-Maliki.

Al-Abadi a décidé de ne pas bombarder les régions sunnites de l'Irak. Reste que la majeure partie des ressources et des brutes du calife se trouvent actuellement en Syrie.

Le général français répond présent

Loin d'être déconcerté, le Pentagone a soigneusement préparé une « mini opération choc et stupeur » en Syrie, qu'il a inauguré avec style ce lundi, en lançant une pluie de missiles Tomahawk sur Raqqa.

C'est avec joie que le « général » Hollande en France entre dans la danse. Avec un niveau de popularité se rapprochant dangereusement de zéro, le déploiement de Rafales contre les méchants est tout ce qui compte pour lui.

Tout un contraste avec l'Allemagne, où le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a insisté sur le fait qu'un soutien aérien ou l'envoi de troupes terrestres est « hors de question pour nous ».

On imagine mal Kerry soudoyer Steinmeier. Nous nous retrouvons donc avec une coalition à deux : Washington et Paris.

Celle-ci se limite toutefois à l'Irak, car le « général » Hollande a bien dit qu'il ne bombarderait pas la Syrie.

Résultat : le bombardement de la Syrie sera l'œuvre d'une coalition formée uniquement du Pentagone.

Pour leur part, les « diplomates » arabes du gang du pétrodollar (le Conseil de coopération du Golfe) n'arrêtent pas de dire que le Pentagone devrait bombarder non seulement les brutes du calife, mais aussi les forces armées de Bachar al-Assad.

C'est ce que le Pentagone fomente « secrètement » de toute façon.

Tous se souviennent de la ligne rouge tracée par Obama l'an dernier, quand il a menacé de bombarder Assad pour avoir « gazé son propre peuple », jusqu'à ce que Moscou le fasse reculer à la onzième heure.

Voilà maintenant qu'Obama peut réaliser son rêve au moyen d'un bombardement « dirigé en arrière-plan ».

Le gang du pétrodollar va-t-il passer à l'attaque aussi ? Bien sûr que non. Il se contentera d'applaudir en coulisse.

Quant aux sceptiques, la conseillère à la sécurité nationale d'Obama saura sûrement les convaincre : « cette coalition sera unifiée (...). Elle sera cohésive. Elle sera aussi placée sous un commandement unique. »

Avec le Pentagone qui commandera le Pentagone, qu'est-ce qui pourrait aller de travers?

Notes

[1] Iran's Rouhani Blasts ISIS and « Ridiculous » U.S.-Led Coalition, NBC News, 17-09-2014