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D'un côté, Poutine continue à prôner la négociation avec l'Ukraine, à parler de la possibilité d'établir de bonnes relations avec l'UE, à exalter la possibilité d'un dialogue avec les USA. Il est parti plus tôt que prévu du sommet du G20 de Brisbane en couvrant d'éloges l'organisation de ce sommet, le travail qui y a été fait et ainsi de suite, alors que les dirigeants du bloc BAO y avaient exécuté contre lui un bizutage en cherchant à l'ostraciser et à l'isoler autant que possible. D'un autre côté, Poutine reste intraitable et l'est même de plus en plus face à quelques-uns de ces dirigeants du boc BAO lorsqu'il est question de l'Ukraine et répond à une interview de la TV allemande ARD (voir ce 19 novembre 2014) qu'en aucun cas la Russie ne tolérera une attaque contre les russophones d'Ukraine, comme Kiev concocte d'en faire une sous les conseils éclairés, pour le temps courant, de la paire Biden-Nuland.

Mais c'est désormais dans ce deuxième registre, qui est celui des matières essentielles, que Poutine, et l'appareil de communication de la direction russe en général, ne cessent de montrer leur détermination. Parce que les temps vont si vite, et que la perspective d'un affrontement brutal se précise en Ukraine, en même temps que le soutien US assorti de son jeu habituel de provocation, est garanti par l'arrivée du Congrès qu'on sait. ...

- On a vu la détermination de Poutine, mardi, lors d'un forum organisé par l'ONF, une organisation politique qu'on peut désigner comme le "Front populaire pour la Russie". Poutine s'est montré particulièrement ferme dans les termes, lorsqu'une question souleva le problème de savoir si les USA voulaient humilier la Russie, ce à quoi il répondit que ce n'était pas le cas, que les USA, pire encore, voulait soumettre la Russie, - chose évidemment inenvisageable selon lui, et par conséquent entreprise américaniste vouée à l'échec. (RT, le 19 novembre 2014.)
« Ce n'est pas l'humiliation de la Russie que veulent les États-Unis, mais ils veulent la soumettre, a déclaré le président russe Vladimir Poutine, en ajoutant que personne n'avait jamais réussi à le faire - et ne le ferait jamais. Prenant la parole lors du forum All-Russia Peoples' Front in Moscow (La Coalition de tous les Russes à Moscou), le président russe a déclaré que l'histoire n'était pas sur le point de changer, et que personne ne parviendrait à détruire le pays. "Tout au long de l'histoire, personne n'a jamais réussi à le faire envers la Russie - et personne ne le fera jamais," a déclaré M. Poutine.

Répondant à la question de savoir si l'Amérique essayait d'humilier la Russie, Poutine a exprimé son désaccord, affirmant que les États-Unis voulaient "résoudre leurs problèmes à nos frais". Il a dit que les gens en Russie aiment vraiment les étasuniens, mais que se sont les politiciens qui ne sont pas si bien acceptés. « Je pense que l'Amérique et ses habitants sont plus aimés que détestés par les gens ici [en Russie]. C'est la classe dirigeante politicienne [des États-Unis] qui est perçue négativement par la majorité de nos citoyens » a-t-il dit. Le président russe a déclaré que « les États-Unis avaient réussi à subordonner leurs alliés à leur influence - ces pays essayant de protéger leurs intérêts nationaux à l'étranger à travers d'obscures conditions et des perspectives nébuleuses." »
- Le 21 novembre 2014 (RT, toujours), c'est le ministère des affaires étrangères qui a adressé un avertissement pressant aux USA pour qu'ils ne livrent pas d'armes dites "létales" à l'Ukraine, comme le demandent avec force les dirigeants ukrainiens. « Moscou a mis en garde Washington qu'un potentiel changement de politique en vue d'aider Kiev à passer d'une « aide non-létale » à une aide incluant des " armes létales défensives ", dans la foulée de la venue de vice-président américain en Ukraine, serait une violation directe de tous les accords internationaux. Un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que les constatations de possibles livraisons d '« armes défensives » américaines à l'Ukraine seraient considérées par la Russie comme un "signal très grave." "Nous avons entendu les confirmations répétées de la part de l'administration [américaine], comme quoi elle ne fournirait qu'une aide non-létale à l'Ukraine. S' il y a un changement de cette politique, nous parlons alors d'un facteur de déstabilisation grave qui pourrait sérieusement affecter l'équilibre des forces dans la région ", a averti le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. »

Il est utile de lire nos articles jusqu'à leur conclusion, toujours la même lorsque ce sujet est abordé : savoir, que le débat "la Russie, et éventuellement les BRICS ... peuvent-ils" est, justement, complètement théorique et, du point de vue des événements, complètement irrelevent, - à notre point de vue, certes, et selon notre logique, - mais c'est bien elle qui est utilisée dans ces textes et qui disent "débat irrelevent" ... Pour mémoire rafraîchie, voici les deux derniers paragraphes qui disent que l'évolution de la Russie, éventuellement ses tentatives de "révolution-à-la-Petras", ne nous intéressent que dans la mesure où elles déclencheraient des événements très importants (des crises "par le haut"), accélérant et dramatisant la crise d'effondrement du Système dans sa pente fatale. De tels événements changeraient évidemment la situation mondiale de fond en comble (y compris, bien entendu, les perspectives post-capitalistes de la Russie et des BRICS, confirmées comme complètement irrelevent, ou hors de propos). Certes, bravo aux conseils de Petras, parce que si la Russie essaie de les suivre, cette dynamique provoquera effectivement des ondes de choc pouvant elles-mêmes provoquer, provoquant même sans aucun doute ces nouvelles crises "vers le haut" qui menaceraient très rapidement bien plus le Système que la Russie. (La vitesse des événements est un facteur primordial de la situation, dont les tentatives de prospective sur le thème des "modèle" et "contre-modèle" ne tiennent guère compte.) ... On se permet de souligner de gras les phrases définitives sur ce problème, de notre point de vue.

« A cette lumière, nous dirions que le conseil est effectivement bon, mais avec deux ajouts qui pourraient paraître contradictoires et qui seraient éventuellement plutôt complémentaires : le premier, que cette voie est en train de se dessiner peut-être plus vite que ne le croit Petras, sous la pression des événements, parce qu'elle devient la seule échappée possible pour Poutine qui devra s'appuyer de plus en plus et de plus en plus rapidement sur une sorte de souverainisme populiste en s'ouvrant sur ses alliés type-BRICS pour résister aux pressions du bloc BAO ; le second, qu'une amorce d'évolution dans ce sens, ou une évolution déjà en route, susciterait, si elle ne s'apprête déjà à le susciter, des remous suffisants pour précipiter certains de ces événements que nous évoquions pour une "sortie vers le haut" de la crise ukrainienne, c'est-à-dire vers une crise internationale plus grave encore qui secouerait gravement la cohésion du bloc BAO et certaines situations intérieures de pays du bloc BAO. »

« Quoi qu'il en soit des calculs des uns et des autres, le jeu de la Russie (dans le sens où l'archi-gaulliste Philippe de Saint-Robert parlait du "Jeu de la France") est aujourd'hui d'une importance vitale, non seulement pour la Russie certes, mais bien au-delà, pour l'équilibre et le sort du Système. D'un point de vue absolument objectif et nécessairement métahistorique, le jeu de la Russie n'a de réelle importance que dans la mesure de ses effets sur l'équilibre et le sort du Système. Il n'est pas sûr que cela convienne aux plans et à la prudence de Poutine, mais cela nous paraît une nécessité métahistorique qui écarte tout le reste. »

- Cette idée est constante dans nos propos, depuis de nombreuses années et systématiquement depuis la crise de l'automne 2008. Nous ne manquons pas une occasion de mentionner, souvent en passant parce que c'est pour nous l'évidence même, que le rôle de la Russie n'est pas de travailler à un modèle alternatif mais bien de détruire le Système sans rien savoir, ni même espérer élaborer ce qui pourrait le remplacer. (Nous parlons d'observation "en passant", relevant de l'évidence, comme par exemple le 8 juillet 2014, , lorsque nous écrivions : « La Russie, selon l'évolution qui nous est décrite et qui semble correspondre sans nul doute à une vérité de situation, tendrait à représenter le "modèle" de l'antiSystème. (La question sur la possibilité qu'elle soit un "modèle alternatif" nous semble sans objet. Le cataclysme structurel qui interviendrait si son "modèle" "triomphait" en un sens, qui serait le sens d'accélérer l'effondrement du "modèle"-Système, serait d'une telle ampleur que tout ce qui existerait serait nécessairement revu de fond en comble, y compris les facteurs antiSystème ayant contribué à l'effondrement.) »)

- ... Signalons que, parmi les commentateurs de ce texte du 17 novembre 2014, un (celui de monsieur Hédi Dhoukar) nous paraît au contraire, selon notre perception, avoir parfaitement exprimé cette idée, en l'illustrant d'une référence qui nous convient parfaitement : « "Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve", écrivait Hölderlin, et, "ce qui sauve" n'a pas encore de visage, même pas celui de Poutine qui est lui-même le produit de la crise présente... »

- Au reste, dans la même forme de jugement, nous complétons notre idée de refuser toute supputation concernant un "contre-modèle" et même l'idée de la possibilité d'un "contre-modèle" (donc, notamment, prospective sur une "victoire" ou pas de la Russie/des BRICS), par l'impossibilité d'établir une prospective, - en mettant à part l'effondrement du Système qui n'est pas une prospective mais une inéluctabilité née de l'intervention de la métahistoire d'où nous tirons cet enseignement. Nous expliquons notre position dans le Glossaire.dde du 25 juin 2014, sur la métahistoire justement :
« Ainsi, nombre de ces paramètres nécessaires devenus instables et dépassant notre raison, deviennent inutilisables pour elle. Si cette perte n'est pas essentielle pour l'appréciation immédiate de la vérité de la situation, qui dépend selon nous d'autres dispositions intellectuelles comme l'expérience et l'intuition, elle l'est par contre pour la prévision, même à court terme. Toute prévision fondamentale de notre avenir, même proche, devient impossible. Cela vaut nécessairement sinon exclusivement pour la phase historique que nous vivons, où les événements eux-mêmes nous suggèrent des caractères qui nous paraissent sans précédent, qui sont à la fois des compresseurs du temps en même temps que des accélérateurs de l'histoire : ainsi le temps comprimé et l'accélérateur de l'histoire (l'histoire-tout-court) correspondent-ils logiquement et parfaitement à l'incursion de la métahistoire, et la métahistoire rend impossible toute prévision.

C'est notre référence méthodologique principale dans notre attitude constante de refuser la moindre prévision, et particulièrement celle de ce que nous nommons "la crise d'effondrement du Système". Nous refusons de donner la moindre indication à la fois sur la chronologie et sur la forme de cet événement que nous jugeons inéluctable d'une part, et même en cours d'autre part, non par pusillanimité, prudence couarde, pauvreté intellectuelle, etc., mais par la simple lucidité que cet exercice de prospective est devenu, non seulement impossible, mais rationnellement impensable. »
Tout cela nous conduit à aborder le comportement/la capacité de la Russie à "résister" au Système (au "modèle"-Système), telle qu'évoquée par certains commentaires du même 17 novembre 2014, évidemment pessimistes à cet égard. Ces remarques sont toujours dans la perspective que la Russie (prolongée par les BRICS) puisse établir un "contre-modèle", perspective que nous avons jugé absolument hors du propos qu'impose la vérité de la situation. Il est désormais complètement infondée de restreindre le problème de la Russie à un "modèle" économique ou l'autre (ou modèle "économique-sociétal"), sinon comme outil, comme on l'a vu plus haut, d'aggravation d'une situation à tendance antiSystème. Cette hypothèse, que nous n'avons jamais acceptée, pouvait encore se défendre lors de la phase dite-d'"agression douce", mais cette phase est complètement dépassée. (La rapidité de l'utilisation et de l'abandon de cette phase pour passer à l'agression brutale [l'Ukraine] est d'ailleurs en soi une surprise extraordinaire, témoignant de l'accélération du temps. Personne, y compris nous-mêmes bien entendu, n'avait prévu cela, preuve par l'évidence que toute prospective est impossible dans notre temps métahistorique.) Désormais, avec l'Ukraine et le reste, il s'agit d'une phase d'agression brutale, directe, à visage découvert, et les données sont complètement bouleversées. La "vérité de la situation" n'a rien à voir avec un affrontement concurrentiel de "modèles" antagonistes mais avec la brutalité inhérente de la situation ukrainienne qui ne cesse de devenir plus brutale, et avec la direction russe comprenant cela de plus en plus clairement et désormais prête à l'affrontement brutal (la guerre en Ukraine ou/et à cause de l'Ukraine, s'il le faut).

Dans ce cas, surtout avec la Russie, la psychologie et le patriotisme jouent un rôle absolument fondamental, parce qu'en Russie la psychologie et le patriotisme ont directement partie liée avec l'inviolabilité de l'espace (l'espace immense du pays) qui est le fondement de l'affrontement géopolitique, et l'assise spirituelle (la Sainte-Russie et la suite), qui apporte le facteur sacré "de communication". L'Ukraine a brutalement réveillé toutes ces données et des constats simples montrent comment les Russes s'approprient les instruments les plus vulgaires de dissolution du Système (du capitalisme) pour les retourner contre le Système (voir le 16 octobre 2014, «Le Système retourné contre lui-même par la Russie»). C'est un caractère fondamental de l'âme russe, et un avantage paradoxal de son fatalisme qui lui évite le désespoir, que sa capacité à se redresser dans les instants de plus grand danger contre l'espace russe et la spiritualité russe. Quant aux craintes qu'on pourrait nourrir devant la prétendue vulnérabilité des Russes parce qu'ils auraient gouté aux attraits faussaires de la civilisation-Système (contre-civilisation), elles nous semblent déplacées ; non seulement les Russes se sont déjà sorties d'une telle offensive dans les années 1990, mais ils se trouvent désormais devant une autre perspective, des poussées furieuses qui seront et sont déjà d'une brutalité propres à exalter l'âme russe. Le précédent de 1941 doit être à l'esprit, pour ce qui est de la situation d'une Russie terriblement affaiblie face à un danger brutal : un peuple anesthésié, fracassé, déstructuré par la plus épouvantable terreur stalinienne (la Iejovtchina, la Grande Terreur des années 1936-1939), retrouvant instantanément toutes ses qualités pour se dresser contre l'Allemagne. (On doit lire les Mémoires de Chostakovitch, observant combien l'attaque allemande de juin 1941 fut une "libération" pour le peuple russe, presqu'un moment d'enthousiasme et de bonheur parce qu'elle plaçait soudain ce peuple, après l'univers fantasmagorique de la terreur stalinienne, devant une "vérité de situation" - le destin de la Russie, - avec laquelle on ne transige pas et par laquelle l'existence acquiert un sens indiscutable.) A côté de cela, les calculs géopolitiques type-BAO et les calculettes sur le taux du rouble et le prix du pétrole constituent des arguments dérisoires...
Parce que, enfin, - revenons à l'essentiel, - le Système ne veut plus, ne peut plus attendre, et il porte en lui l'inéluctabilité de l'agression brutale contre la Russie. C'est là où il (le Système, essentiellement sous la forme des USA) risque de se perdre. (.«There are three or four possible scenarios that will bring down the empire. One possibility is a war with Iran...» disait le chef des néo-sécessionnistes du Vermont, le 26 avril 2010 ; il est facile de remplacer l'Iran par l'Ukraine et par la Russie, pour renforcer plus encore la possibilité évoquée.) Pour autant et dans cette occurrence, - le Système effondré, - nous ne saurons rien, absolument rien de ce qui suit. Nous serons devant une tabula rasa. Faut-il se lamenter devant tant d'inconnu ? Ce n'est pas notre cas parce que la tabula rasa, c'est l'essentiel pour notre sort immédiat, aura été débarrassée de tous les poisons que le Système avait réussi à mettre ensemble.