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BESSEMER, États-Unis - Au cœur d'une prison surpeuplée connue pour la violence qui y règne, des meurtriers, des voleurs et des violeurs se rassemblent dans une petite pièce. Les yeux fermés, ils sont seuls avec leur conscience et leurs pensées.

Leur vie quotidienne se trouve de l'autre côté du mur - une cacophonie de portes de métal qui claquent, de cris et de semelles contre un plancher de ciment froid. Le bruit ne cesse vraiment jamais; la quiétude est une denrée rare dans la prison la plus impitoyable d'Alabama.

Malgré sa réputation, le pénitencier William E. Donaldson - qui porte le nom d'un gardien tué en service - , près de Birmingham, sert de modèle pour un programme de méditation qui aide les détenus à acquérir le contrôle de soi et les aptitudes sociales qu'ils n'ont jamais su développer en société.

Le directeur de l'établissement, Gary Hetzel, admet ne pas totalement saisir comment fonctionne le programme Vipassana, qui peut transformer des détenus violents en hommes calmes à l'aide de techniques bouddhiste contemplatives. Mais M. Hetzel sait une chose.

«Ça marche. Nous voyons une différence dans les hommes et dans la prison. C'est plus calme», admet-il au sujet de ce cours qui a été complété par environ 10 pour cent des détenus.

Le mot Vipassana se traduit par «voir les choses comme elles sont réellement», ce qui est aussi le but de ce programme de 10 jours qui fait appel à des techniques vieilles de 2500 ans.

Les cours de Vipassana sont offerts quatre fois par année dans un gymnase du pénitencier, et jusqu'à 40 détenus y méditent 10 heures par jour. La plupart s'assoient sur des coussins ou sur le sol, mais certains utilisent des chaises.

La formation débute avec trois jours d'exercices de respiration - les prisonniers apprennent à se concentrer sur leurs sensations corporelles, au point où ils en viennent à ressentir intensément ... leur lèvre supérieure. Le silence est obligatoire.

Des bénévoles guident le tout, avec de la musique et des instructions enregistrées.

Au quatrième jour, on demande aux étudiants de laisser leurs pensées les plus profondes filtrer vers la surface pour ressentir leur impact sur leur organisme, comme la colère ou le stress. Le but ultime est d'apprendre à ne pas réagir à ces sensations.

Les hommes doivent affronter leur «moi» le plus profond. Certains fondent en larmes, d'autres vomissent. Il n'est pas rare de voir la moitié des participants abandonner ou être expulsés pour avoir enfreint les règles. Mais ceux qui complètent la formation en ressortent transformés, affirment les responsables de la prison.

Le meurtrier Grady Bankhead explique que les heures de méditation l'ont forcé à accepter la responsabilité de son crime et l'ont aidé à trouver une paix intérieure. Bankhead, qui purge une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle, irradie le calme.

«Je suis ici depuis 25 ans et même si ça va vous sembler fou, je pense que je suis l'homme le plus chanceux du monde», a dit l'homme de 60 ans le mois dernier, après avoir complété le cours.

Une étude menée auprès d'une centaine de détenus qui avaient suivi la formation et qui étaient toujours détenus à la fin de 2007 a constaté une réduction de 20 pour cent de leurs problèmes de discipline après le cours.

Le Vipassana est enseigné dans les prisons indiennes depuis des décennies. Il a été importé en Alabama par le docteur Ronald Cavanaugh, qui a bûché pendant trois ans ans pour convaincre les responsables d'aller de l'avant avec le projet.

«Le but du Vipassana est de modifier la relation que nous avons avec nos pensées plutôt que de modifier les pensées elles-mêmes, a-t-il dit. Il n'est pas nécessaire de réagir à nos pensées. On peut simplement les observer.»

Le Vipassana Prison Trust, qui envoie des bénévoles enseigner le programme en prison, essaie maintenant d'y intéresser d'autres établissements pénitentiaires.