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On ne devrait plus se bercer d'illusions sur les intentions des dirigeants américains : ils veulent la guerre. Une guerre qui doit se dérouler sur le Vieux Continent et qui doit entraîner le plus d'Européens possible dans une confrontation militaire avec la Russie. Les Ukrainiens, sauf un grand sursaut des masses populaires, devraient se résigner à voir leur pays servir durablement de champ de bataille à ce conflit des grandes puissances dont les enjeux leur échappent, depuis qu'ils ont perdu le contrôle des manifestations « Place Maïdan », un soir de février 2014.

De l'EuroMaïdan à l'escalade militaire

En tout cas, les derniers développements aux Etats-Unis ne sont guère rassurants. Un an après les manifestations de l'EuroMaïdan, odieusement dévoyées par « des atlantistes », les États-Unis ont officialisé la décision d'envoyer en Ukraine quelques 600 parachutistes appartenant à la 173ème brigade aéroportée. L'annonce a été faite lundi dernier par le colonel Michael Foster, commandant de la brigade, et confirmée par Ben Hodges, haut commandant des forces américaines en Europe. Les premières unités combattantes de la brigade devraient se poser en Ukraine d'ici le 8 mars. Officiellement, pas pour combattre, mais pour former les troupes ukrainiennes (en débâcle dans le Donbass) au maniement des armes américaines en voie d'expédition[1].

Au sujet, justement, de l'expédition des armes américaines à Kiev, on sait qu'elle entraînerait réciproquement l'accroissement des moyens militaires des républiques autonomes de l'Est (Donetsk et Lougansk) par Moscou. Parce que, pour la Russie, il est hors de question que les forces des pays de l'OTAN se déploient jusque sur les frontières russo-ukrainiennes, et ils n'ont pas tort. Les Russes n'ont jamais digéré d'avoir été bernés par les Occidentaux en marge de la réunification allemande[2]. C'est pour essayer de contrer ce risque d'escalade militaire que la France et l'Allemagne ont décidé, début février dernier, d'entrer directement en contact avec Vladimir Poutine, sans consulter Washington. Il s'agissait de rassurer le chef du Kremlin sur le fait que Français et Allemands s'opposeront à l'envoi en Ukraine des armes américaines[3]. Le président russe s'est montré ouvert aux propositions franco-allemandes, et accepté les Accords de Minsk II[4] du 11 février 2015. Le hic avec Minsk II est qu'il y avait deux grands absents : les Britanniques et les Américains. N'étant pas liés par ces accords, ils vont continuer d'attiser le conflit.

Il faut vous entretuer pour l'Amérique

Dix jours seulement après la signature des Accords de Minsk, David Cameron annonçait l'envoi de soldats britanniques en Ukraine. Une semaine plus tard, John Sawers, l'ancien patron du MI16, (sorte de CIA britannique) affirmait que « la guerre contre la Russie ne fait que commencer »[5]. Avec l'envoi des unités de combat en Ukraine par les USA, les Britanniques sont ainsi rejoints par leurs cousins américains qui tiennent à ce que la situation continue de se dégrader et qu'elle finisse par dégénérer. Bien évidemment, les armées américaines et britanniques ne vont pas s'engager en première ligne contre l'armée russe. Ce déploiement atlantiste vise plutôt à entretenir durablement un climat de haine entre populations, un environnement de violence permanente et de désolation.
Une des stratégies utilisées par les fauteurs de troubles états-uniens contre les pays qu'ils ciblent consiste à frapper directement les populations soit par des violences aveugles, soit pas des embargos, soit pas des humiliations en mettant systématiquement ces drames collectifs sur le dos de l'« ennemi » qu'ils se sont choisi. Il ne faudrait pas s'étonner si les populations russes/russophones des pays frontaliers deviennent la cible des tueries aveugles et des famines provoquées volontairement, ce qui les amènera à demander de plus en plus l'aide de Moscou. Une aide que Poutine ne pourra pas durablement leur refuser, au risque de se mettre à dos les Russes de l'intérieur[6]. Sauf qu'en intervenant davantage en Ukraine ou, le moment venu, dans les pays baltes, le président russe deviendrait un « agresseur ». Exactement l'image que les médias occidentaux et les dirigeants d'outre-Atlantique s'emploient à lui coller à la peau. Dès lors, des forces européennes, plus ou moins officiellement, chemineraient vers les « pays agressés » par la Russie. Le début d'un engrenage meurtrier au cœur de l'Europe.



Face à ces agissements américains, on est tenté de dire : ils sont fous ces Américains ! Pas du tout. En réalité, les États-Unis, une puissance à bout de souffle, misent sur le conflit ukrainien pour entraîner le plus d'Européens possible dans une confrontation militaire avec la Russie[7]. Le pari est que, sauf usage d'armes stratégiques (scénario suicidaire), le sol américain devrait être préservé des ravages de cette guerre qui commence. Lorsque tout cela sera fini, Européens et Russes, quel que soit le camp qui l'aura emporté sur l'autre, seront ruinés économiquement, voire exsangues. Comme à l'issue de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, il ne restera qu'une puissance d'ultime recours : les États-Unis d'Amérique.

Des milliards de dollars de contrats de reconstruction, une remise sous tutelle des nations européennes et la préservation, par l'Amérique, de son statut de « superpuissance planétaire ».

Notes :

[1] http://www.politis.fr/Escalade-les-...

[2] Le 9 février 1990, James Baker, secrétaire d'Etat américain (de George Bush), avait assuré à Mikhaïl Gorbatchev que l'alliance occidentale n'étendrait "pas d'un pouce" son influence vers l'Est si Moscou acceptait que l'Allemagne réunifiée entre dans l'Otan. Le lendemain, 10 février, Hans-Dietrich Genscher, le ministre allemand des Affaires étrangères, refit cette promesse à Edouard Chevardnadze, son homologue russe : « l'Otan ne s'étendra pas à l'Est ». Mais depuis, la Pologne, la République Tchèque, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie ont adhéré à l'Otan. Avec les évènements de l'EuroMaïdan, l'enjeu était, entre autres, de faire également entrer l'Ukraine dans l'Otan. Cf. http://www.courrierinternational.co...

[3] C'est en tout cas ce qu'assure le journaliste italien Giulietto Chiesa : https://www.youtube.com

[4] Parce qu'il y a eu Minsk I, Protocole signé le 11 septembre 2014, et qui ne fut pas respecté.

[5] http://reseauinternational.net/lex-...

[6] http://reseauinternational.net/les-...

[7] Provoquer un conflit brutal entre Européens et Russes permet aux Américains de se prémunir contre une éventuelle alliance stratégique entre Européens et Russes, alliance qui entraînerait de fait la fin de l'hégémonie américaine. Dans Le Grand échiquier de Zbigniew Brzezinski (1997), où il est question, entre autres, de « briser la Russie » en trois entités (une Russie européenne, une république de Sibérie et une république extrême-orientale), il est également question de cultiver la docilité des « sujets protégés » et d'empêcher les rivaux potentiels de former des alliances offensives. Un rapprochement stratégique entre la Russie et les nations européennes (sujets protégés) est ainsi un scénario que les tenants de l'hégémonie états-unienne n'admettraient en aucune manière.