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Examiné par l'Assemblée nationale à partir du lundi 13 avril, ce projet de loi piloté directement par Manuel Valls (la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf, et qui a la fâcheuse habitude de mâcher plus qu'il ne peut avaler) devrait être adopté par les députés sans grands débats ; et au premier jour, l'hémicycle était déjà vide.

Manifestement tous les députés comptent laisser la main libre à Manuel Valls.

Procédure d'urgence... si les attentats de Janvier y sont pour quelque chose dans la précipitation avec laquelle Valls souhaite faire adopter cette loi, on n'ignore pas que ce projet est dans les tiroirs de Matignon depuis des années : l'occasion fait le larron ; nous tous en l'occurrence. Rappelons que son objectif consiste à légaliser les pratiques clandestines des six services de renseignement français. Or, ces pratiques n'ayant pas permis d'éviter les tueries de Toulouse, de Paris et de Vincennes, que l'on nous dise alors pourquoi leur légalisation qui représente un vrai danger pour nos libertés publiques s'impose-t-elle ? Il serait bien plutôt judicieux de sanctionner toutes ces pratiques illégales !

La lutte contre le « terrorisme » n'est pas qu'une affaire de renseignement, d'écoutes illégales, de désinformation et de manipulations des individus et de surveillance de masse ; cette lutte doit pouvoir s'adresser aux causes et pas simplement aux effets : quelle politique étrangère pour la France ? Quel modèle de société veut-on promouvoir, modèle censé inviter tous les citoyens sans distinctions de couleurs, d'origines ethniques ou sociales à participer à l'élaboration d'une organisation de l'existence qui accordent une vraie chance à tous ses membres ?

Et là, ce sont bien les services dits « spéciaux », voire... très spécieux, qui se trouvent impuissants car les préoccupations mentionnées précédemment ne relèvent tout simplement pas de leurs compétences. Sans le retour du politique et de la politique avec un Parlement qui aurait son mot à dire, un parlement expurgé de ses députés godillots, n'ayons aucune illusion car il n'y aura jamais assez de flics, de juges, de prisons et de matons, jamais assez d'agents très spéciaux et de moyens techniques pour prévenir un nouveau Mohammed Merah ou un Coulibaly, seul ou accompagné de son frère ou de sa sœur.

En l'état, sous la forme d'innombrables mesures intrusives, tout le monde s'accorde pour dire que ce projet de loi autorise le recours à des méthodes de surveillance qui font peser une menace sérieuse sur le droit au respect de la vie privée ; et ce recours se fera sans un contrôle préalable indépendant puisque l'autorité judiciaire se trouvera dans l'incapacité de vérifier préalablement la légalité, la nécessité et la proportionnalité d'une mesure de surveillance. Ce qui porte une atteinte grave à l'équilibre des pouvoirs.

Quant à la consultation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, cette dernière rendra des avis non contraignants. Tous les individus seront considérés comme suspects ; à toute contestation nul doute que les autorités opposeront ce beau et grand principe - principe expéditif de flic tout aussi sommaire : « Si vous n'avez rien à vous reprocher ou à cacher, alors, vous n'avez rien à craindre. »

Mais alors, en ce qui concerne ces députés, que leurs comptes bancaires, tous leurs comptes à tous, soient rendus publics ; qu'il soit permis aussi d'installer dans leur chambre à coucher une caméra qui nous permettra de s'assurer que celles et ceux qui y pénètrent sont majeurs et consentants et qu'ils en ressortent vivants et entiers ; et puis aussi : que l'on puisse en toute liberté écouter les conversations téléphoniques de nos législateurs, comme ça, quand l'envie nous prend. Eh oui ! Car enfin : « S'ils n'ont rien à cacher, pourquoi auraient-ils... etc... etc... »

Déjà, les acteurs privés de la surveillance et du renseignement se frottent les mains car, avec ce projet, ce sont des marchés qui s'élèvent à plusieurs milliards d'euros qui leur sont ainsi attribués, clé en main et sans coup férir : la reconnaissance des actionnaires voraces de ce secteur économique ne tardera pas à se manifester auprès d'une classe politique et des partis tout aussi cupides. Nul doute !

Qu'un projet disproportionné remette en cause nos libertés pour un Coulibaly ou un Mohamed Merah qui frappe une fois tous les cinq ans, que l'on commence donc par nous prouver qu'il existait bel et bien aux moments des faits (Toulouse et Paris) une loi (ou des lois) qui n'a pas permis la neutralisation de ces individus... quand on sait que dans les faits, il s'est surtout agi d'un manque cruel de moyens en hommes et en matériel - le pognon ! -, et certainement pas des lois complaisantes à l'endroit des assassins. Mais alors, que l'on leur donne ce pognon !

Sur LCP, lundi 13 avril - notez parmi les invités, Jean de Maillard, vice-président au tribunal de grande instance de Paris, membre du syndicat national de magistrats FO et Jacques Myard, député UMP des Yvelines ; ces deux lascars feraient bien de changer de fonction au plus vite : ne tarissant pas d'éloges pour les services de police, c'est chez les flics que ces deux comparses devraient exercer leur talent : car enfin, où est, dans leurs commentaires et dans leurs analyses, la défense du citoyen face à l'arbitraire de l'Etat et de ses services de police, alors que leur fonction devrait, en priorité, les y encourager ?

Une fois n'est pas coutume ! Seul le journaliste du Monde, Jacques Follorou, sera à la hauteur des véritables enjeux.
Ce projet de loi fait l'impasse sur la Justice qui se trouve ainsi expulsée de toutes les décisions. Aucune place n'est accordée au « contradictoire ». Les personnes soumises aux opérations de surveillance ne disposeront d'aucun recours ; pire encore, ces opérations seront soumises à l'autorisation du premier ministre. Mais alors, qui aura la sottise de remettre la défense de sa liberté entre les mains d'un Premier ministre ? Car enfin, qui, aujourd'hui, aurait envie de confier sa liberté de pensée, liberté de mouvement, liberté d'expression et d'association à Manuel Valls ? Et demain, à qui d'autre ?
Aucun avis d'aucun organisme dit "de contrôle" ne sera contraignant pour ce premier ministre : il s'agira inévitablement d'une décision on ne peut plus politique. Le droit n'entrera pas en ligne de compte ; en revanche, l'Etat et la politique pourront en régler plus d'un auprès de tous ceux qui les gênent : individus et mouvements. Et quand on sait que dans les années à venir deux luttes majeures - l'écologie (à ne pas confondre avec EELV) et le déficit démocratique croissant - indisposeront au plus haut point l'Etat mondialiste sans frontières jusqu'à la rupture d'une partie de la société... on peut légitimement être inquiets.
Certes, le Conseil d'État peut être saisi mais là encore, on se souviendra de « l'affaire Dieudonné » et les conditions dans lesquelles un jugement d'interdiction de spectacle a été rendu ; pour ne rien dire de l'impartialité du juge qui était de confession juive sur une affaire de trouble à l'ordre public sur fond d'antisémitisme. Déjà, sont considérés comme « pro-terroristes » les associations de défense des libertés et les quelques rares députés qui s'opposent à cette latitude d'action, hors de tout contrôle judiciaire, accordée aux services spéciaux.

Quand on connaît l'histoire des parlements de notre République, de la 1ère à la 5ème, parlements fossoyeurs de la liberté des Peuples, de la promesse de justice, d'égalité et de fraternité, de l'intégrité de la personne et de notre territoire, de notre souveraineté, de Bonaparte à Sarkozy et Valls... il se pourrait bien que ce projet de loi qui sera très certainement voté à l'unanimité rentre lui aussi dans le cadre suivant :

- La République accorde les pleins pouvoirs à Louis Napoléon Bonaparte en 1851 après son coup d'État...

- La France que l'on brade à Bismarck en 1871 et l'utilisation de ses troupes pour contrer l'insurrection de la Commune...

- Le vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain...

- Les lois d'exception votées pendant la "Guerre d'Algérie"...

- Le « non » à la constitution européenne par référendum de 2005 ignoré trois ans plus tard par un Parlement qui votera à l'unanimité en faveur de cette même constitution

- Le jugement rendu par le Conseil d'État sur l'affaire Dieudonné en 2014...

Notre mobilisation du 13 avril, avec des interventions de Jérémie Zimmermann (cofondateur La Quadrature du Net), et d'une représentante d'Amnesty Internationale.