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Un groupe d'activiste anti-OGM a lancé une vaste enquête sur 40 chercheurs de plusieurs universités publiques américaines et leurs liens douteux avec l'industrie agro-alimentaire, notamment Monsanto.

Michelle McGuire, une scientifique en nutrition de la Washington State University à Pullman, n'en revenait pas lorsque des activistes anti-OGM ont demandé un accès complet à ses mails. L'organisation US Right to Know basé à Oakland en Floride a déposé une demande en vertu de la loi sur la liberté de l'information pour connaitre la correspondance de Michelle avec 36 organisations et entreprises. McGuire est l'une des 40 chercheuses qui sont ciblées par le groupe dans le cadre d'une enquête sur les liens douteux entre l'industrie de la biotechnologie agricole et des scientifiques dans l'économie, la science et l'agro-alimentaire.

Monsanto paye certains chercheurs

L'enquête, qui a été lancée en février, a commencé à donner ses fruits. On a notamment près de 4600 pages de mails et d'autres informations provenant de Kevin Folta, un scientifique botanique à l'université de Floride à Gainesville et qui est un partisan acharné des OGM. Ces informations, que son université a fourni à US Right to Know le mois dernier, ne suggèrent pas une mauvaise conduite. Mais les informations révèlent les liens très étroits entre le chercheur et Monsanto ainsi que d'autres entreprises de biotechnologie. Les documents montrent que Monsanto a payé les voyages de Folta pour qu'il parle à des étudiants, des politiciens et des fermiers américains sans oublier de nombreuses interventions dans les médias. De plus, Monsanto et d'autres entreprises lui envoyaient des réponses toutes prêtes sur certaines questions épineuses des OGM.

Selon Folta : « personne ne m'a jamais forcé à dire quoi que ce soit. Et tout ce que j'ai déclaré a été prouvé par la science. » Il ajoute que : « il n'a jamais accepté de l'argent pour des travaux en dehors de ceux de l'université et cette dernière ne l'oblige pas à publier ses dépenses de voyage. » Mais cette déclaration de Folta est détruite par ses propres mails. Ainsi, on apprend que Monsanto a donné près de 25 000 dollars l'année dernière en disant au chercheur :
« vous pouvez utiliser cet argent comme bon vous semble dans le cadre de vos recherches et des projets en dehors du cadre habituel. »
Folta a déclaré que ces fonds ont été utilisés dans un programme de l'université pour communiquer sur la biotechnologie. Un porte-parole de Monsanto a déclaré que « l'entreprise était heureuse de supporter les efforts de Folta pour faire mieux comprendre les bienfaits de la biotechnologie. » Et que ces 25 000 dollars couvraient ses dépenses de voyage. Monsanto n'a pas de problème avec ce type de financement, car il estime qu'un partenariat privé/public est nécessaire pour les progrès dans l'agriculture, la science et l'innovation.

À la recherche de réponses

Mais de telles réponses ne satisfont pas Gary Ruskin, responsable d'US Right to Know. « Je pense qu'il est important que les professeurs d'université dévoilent tout l'argent qu'ils reçoivent de l'industrie. Et s'ils ne le font pas, alors on a un sérieux problème. Et ce problème est que lorsqu'ils disent qu'ils ne prennent pas d'argent alors qu'ils le font en le cachant sous des motifs fallacieux. » Le groupe de Ruskin, qui a été fondé en 2014, appelle pour un étiquetage obligatoire des aliments qui contiennent des OGM. Malgré le fait que plusieurs études ont prouvé que les OGM ne nuisaient pas à la santé.

US Right to Know a lancé son enquête sur les chercheurs après que l'organisme a remarqué que plusieurs d'entre eux avaient contribué sur un site appelé GMO Answers. Ce site est entièrement géré et financé par des entreprises biotechnologiques. Le groupe estime que « ce site est utilisé comme un outil de propagande pour montrer les OGM sous leurs plus beaux jours en cachant tous leurs effets néfastes. » Ruskin a déclaré qu'il a reçu 10 % sur ses demandes, dans le cadre de la loi sur la liberté de l'information, provenant de plusieurs universités. L'université du Nebraska a refusé catégoriquement de donner les informations sur ses chercheurs. US Right to Know argue que la liberté de l'information est une loi raisonnable, car les chercheurs sont soumis à la vigilance publique puisque ce sont les contribuables qui payent leurs recherches. Et il ajoute : « une part de la démocratie stipule que nous avons le droit de savoir sur les différentes tâches de nos fonctionnaires. »

Une science contaminée par des intérêts conflictuels

McGuire ne sait pas pourquoi le groupe veut accéder à ses mails. Elle n'a jamais contribué à GMO Answers. Cependant, elle a publié récemment des travaux qui réfutent le fait que le glyphosate, un herbicide utilisé dans les graines OGM, s'accumule dans le lait maternel. Le problème est que ces travaux ont été effectués avec une collaboration de Monsanto. Mais la chercheuse estime qu'elle est une partisane du lait maternel. Mais c'est une tentative de justification médiocre pour de nombreux scientifiques qui ont pointé le lien entre sa recherche et Monsanto.

Mais le cas de Folta est bien plus grave. Il est un contributeur fréquent de GMO Answers. En fait, des employés de l'entreprise Ketchum lui ont demandé de répondre à des questions posées par des critiques sur la biotechnologie. Dans certains cas, Ketchum fournissait même des réponses toutes prêtes et l'entreprise ajoutait :
« Faites en sorte que ces réponses ressemblent à votre expertise personnelle. »
Folta estime que Ketchum voulait lui faire gagner du temps sur des réponses qui sont posées fréquemment. Et Folta argue que les mails obtenus par US Right to Know ne révèlent qu'une partie de son travail et le fait de les sortir hors de leur contexte donnent une allure très suspecte sur ses liens avec ces entreprises.

Bruce Chassy, un toxicologue de l'université de l'Illinois est également sous le coup de 2 demandes du groupe d'activiste. Et même sans fournir les mails, il admet que ses mails pourraient donner une image suspecte de son association avec des entreprises. Mais il ajoute également qu'il y a un problème d'éthique entre l'industrie biotechnologique et le secteur public.
« Est-ce que nous travaillons pour eux ou ce sont eux qui travaillent pour nous ? Je pense que c'est un peu des deux. »
Les intérêts des entreprises correspondent souvent à ceux des scientifiques. Mais justement, c'est ce chevauchement d'intérêts qui est visé par US Right to Know. Michael Halpern, un expert dans l'intégrité scientifique au syndicat qui représente les chercheurs visés a déclaré que « le cas de Folta suggère que les universités doivent mieux éduquer leurs chercheurs. » Les chercheurs doivent comprendre les conflits d'intérêts et être transparents sur l'argent qu'ils reçoivent de ces entreprises. « La transparence financière est importante pour prouver que tout l'argent qui vient du secteur privé n'est pas forcément de la corruption. »