Baytouna.
Page d'accueil du site de l'association Baytouna.
Ce mardi soir 8 décembre, il n'y avait qu'une jeune femme de 20 ans dans le pavillon d'Argenteuil (Val-d'Oise) où l'association Baytouna héberge temporairement des femmes en difficulté. Les policiers mandatés pour perquisitionner n'ont pas eu à enfoncer la porte d'entrée - sa serrure était défectueuse. Les dix à quinze membres des forces de l'ordre mobilisés sont donc entrés, ont fouillé et interrogé la jeune femme présente, ont forcé la porte de trois des huit studios aménagés dans le pavillon, et sont repartis avec du "renseignement", selon la préfecture du Val-d'Oise.

Dans son ordre de perquisition administrative, la préfecture avait choisi une formulation très générale pour motiver cette opération effectuée dans le cadre de l'état d'urgence. "L'association Baytouna, y lit-on, (...) est fréquentée par des personnes dont le comportement constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publique." Aucun nom n'est cité, ni celui de ces "personnes", ni celui des responsables de l'association.

"On est nés en France, on a grandi en France, on a étudié, on paye nos impôts"

Baytouna, créée en juin 2014 à l'initiative de plusieurs associations, dont Sanabil, qui vient en aide aux détenus musulmans et à leur famille et qui a elle aussi été perquisitionnée, est animée par des bénévoles. Elle loue le pavillon depuis un an et elle héberge actuellement six personnes. "Auparavant, explique sa vice-présidente, Virginie P., les uns et les autres nous faisions des maraudes, des colis pour des personnes dans le besoin. A cette occasion des femmes nous contactaient. Nous avons fait cette association pour les aider. Beaucoup sont des femmes divorcées."

Le 8 décembre, "la police a tout retourné!", s'indigne Virginie P., qui ne cache pas son "sentiment d'injustice": "On est bénévoles. On essaie de faire progresser la France et on se fait traiter comme des malpropres! On est nés en France, on a grandi en France, on a étudié, on paye nos impôts. J'aide dès que je peux, j'ai déjà aidé au dépouillement dans un bureau de vote et on me dit maintenant que je suis une menace pour la France, tout ça parce que je suis musulmane!" Au cours de la perquisition, indique-t-elle, une femme et sa fille de 15 ans sont arrivées, et ont elles aussi été fouillées. La police, ajoute-t-elle, a aussi perquisitionné un studio situé au fond du jardin, loué par une femme et ses deux enfants, qui n'auraient rien à voir avec l'association.

Port d'un voile intégral dans l'espace public

La préfecture affirme avoir de bonnes raisons pour ordonner une perquisition. Selon elle, un frère du président de l'association, Djamel Y., serait mort en Syrie; l'association hébergerait des femmes dont les époux sont en Syrie et elle aurait "facilité" le départ d'au moins une femme vers les territoires contrôlés par le groupe Etat islamique. Des femmes hébergées auraient en outre été verbalisées pour port d'un voile intégral dans l'espace public.

Djamel Y., le président de Baytouna, rétorque qu'aucun de ses frères n'est mort ou ne se trouve en Syrie. Mardi soir, il devait se rendre au pavillon d'Argenteuil pour y faire un petit travail de bricolage et il est tombé en pleine perquisition. "Je me suis présenté, raconte-t-il, j'ai dit que j'étais le responsable. Ils ont vérifié mon identité puis ils m'ont demandé de me tenir à l'écart de la perquisition. Plus tard, ils sont repartis sans même m'interroger."


Commentaire : Comme d'habitude, les accusations légitimant les perquisitions ne sont que des affabulations inventées par la police.


Concernant l'entourage des femmes hébergées, "on fait très attention car on ne veut pas être lié à 'ça'", relève Virginie P. "Nous demandons à ces femmes de nous raconter leur histoire, ajoute Djamel Y. Aucune ne répond à ce profil. Maintenant, si certaines cachaient des choses, je ne peux pas être tenu pour responsable. En tout cas, on ne va pas en rester là. On va faire valoir nos droits."