Traduit et édité par jj, relu par Diane pour le Saker francophone

Nimr execution Saudi protests
© AP Photo / Vahid Salemi
L'Arabie saoudite est le paradis de la décapitation. Mais ce cauchemar de relations publiques est le moindre de tous les problèmes pendant une crise du pétrole. Une fois de plus, le cœur de la question est - quoi d'autre ? - l'or noir.

Jusqu'à présent, la stratégie énergétique globale de la Maison des Saoud se résumait à réduire sa production de pétrole, quoi qu'il arrive, même s'il faut émettre des obligations pour couvrir des déficits budgétaires massifs.

Maintenant, la stratégie a fait un pas en avant par l'intermédiaire d'une provocation flagrante : l'exécution de l'imam chiite Nimr al-Nimr.

La Maison des Saoud croit qu'en attisant les flammes d'une confrontation Riyad - Téhéran, elle peut augmenter la peur dans le domaine de l'approvisionnement en pétrole, conduisant à des prix plus élevés (dont elle a besoin), tout en maintenant le Saint-Graal wahhabite consistant à garder hors du marché le pétrole iranien dont l'arrivée est imminente.

Dès le début, Riyad a parié sur la possibilité de sanctions supplémentaires contre l'Iran, liées à l'énergie, au cas où Téhéran réagirait énergiquement à sa provocation de décapitation. Pourtant, les Iraniens sont trop sophistiqués pour s'affaisser suite à un grossier petit coup comme celui-là.

Les négociants du golfe Persique ont confirmé que le budget 2016 de l'Arabie était basé sur un prix moyen de seulement $29 le baril, comme évoqué pour la première fois par Jadwa Investment à Riyad.

Du point de vue de la perspective budgétaire de la Maison des Saoud, ce dilemme est absolument insoutenable. La Maison des Saoud est le plus grand exportateur de pétrole de l'OPEP. Pourtant, son orgueil suprême est de refuser à l'Iran toute marge de manœuvre dans ses exportations, ce qui sera inévitable en particulier dans la seconde moitié de 2016. En outre, la stratégie de prix bas du pétrole ne concerne pas uniquement l'Iran : elle fait toujours partie de la guerre du pétrole contre la Russie.

Il n'empêche que quelqu'un ne fait pas bien ses calculs arithmétiques à Riyad. La stratégie de l'Arabie pour un prix du pétrole faible a pour but de punir gravement la Russie - le numéro deux mondial pour la production de pétrole. Les Saoudiens ne s'attendent sans doute pas à ce que la provocation des décapitations puisse entraîner un accord entre l'OPEP et la Russie sur la réduction de la production et ainsi conduire à des prix plus élevés du pétrole, qui profiterait surtout - devinez à qui - à l'Iran et à la Russie.

Six mois pour détruire la Russie

On peut dire, sans se tromper, que la stratégie de bas prix du pétrole, ourdie par la Maison des Saoud, a été un lent mouvement de hara-kiri wahhabite depuis le début (ce qui, soit dit en passant, n'est sûrement pas une mauvaise chose.)

Le budget de la Maison des Saoud s'est effondré. Riyad finance une guerre très chère et perdue d'avance contre le Yémen, elle entretient aussi la militarisation de toutes sortes de salafistes-djihadistes en Syrie, et dépense des fortunes pour protéger al-Sisi, en Égypte, contre toute offensive possible de Daech (État islamique) et / ou des Frères musulmans. Comme si cela ne suffisait pas, la succession chez eux est un gâchis royal, avec le commandant en chef du roi Salman, Mohammad bin Salman, âgé de trente ans, qui exhibe bruyamment sur une base quotidienne un mélange toxique d'arrogance et d'incompétence.

On pouvait s'y attendre, une fois de plus Riyad suit les ordres de Washington.

Le gouvernement des États-Unis essaie frénétiquement de tenir le prix du pétrole le plus bas possible pour détruire l'économie russe, en utilisant ses sbires producteurs du Golfe persique qui pompent à tout-va. Cela revient à pas moins de sept millions de barils par jour au dessus du quota de l'OPEP, selon les commerçants du golfe Persique. Le gouvernement américain estime qu'il peut détruire l'économie russe - à nouveau - comme si l'horloge s'était arrêtée en 1985, lorsque la surabondance mondiale d'approvisionnement en pétrole était de 20% et que l'Union soviétique se trouvait embourbée en Afghanistan, souffrant d'une hémorragie interne fatale.

Le pétrole était descendu jusqu'à $7 le baril en 1985, et c'est à ce chiffre que le gouvernement américain veut maintenant arriver. Pourtant, aujourd'hui, la surabondance mondiale est inférieure à 3% de l'approvisionnement en pétrole, et non de 20% comme en 1985.

L'excédent est aujourd'hui seulement de 2,2 millions de barils par jour, selon Petroleum Intelligence Weekly. L'Iran apportera au début environ 600 000 barils par jour de plus en 2016. Cela signifie qu'en cours d'année, nous aurons un excédent potentiel de 2,8 millions de barils.

Le problème est, selon les négociants du golfe Persique, un tarissement naturel du pétrole de sept millions de barils par jour [sur une production mondiale de cent millions de barils par jour, NdT], qui n'est pas remplacée par de nouveaux forages [non rentables, NdT]. Ce que cela signifie est que tout surplus pourrait être consommé dans les premier ou deuxième trimestres de 2016. À la mi-2016, les prix du pétrole devraient recommencer à flamber spectaculairement, même avec le pétrole supplémentaire de l'Iran.

Donc, la stratégie du gouvernement américain a échoué en essayant de détruire l'économie russe avant que le prix du pétrole ne récupère inévitablement. Cela donne au gouvernement américain une fenêtre d'opportunité couvrant seulement les six prochains mois. [Si le prix du baril descend à $7, étant aujourd'hui à $33, NdT]

Que tout cela ait pu être réalisé jusqu'à présent est un témoignage, une fois de plus, de la force irrésistible des manipulateurs de Wall Street à l'aide de l'argent cash à profusion ; ils sont capables de créer un crash alors qu'il n'y a aucun surplus de pétrole. Pourtant, alors même que l'Empire du Chaos manipule frénétiquement le prix du pétrole vers le bas, il peut ne pas aller assez vite pour détruire l'économie russe.

Même Reuters a été forcé d'admettre brièvement que l'excédent de pétrole était inférieur à deux millions de barils par jour, et peut-être même de façon alarmante pourrait être de moins d'un million de barils par jour avant d'atteindre le plus bas prix de tous les temps. Cette information sur l'excédent réel de pétrole avait été jusqu'à présent complètement censurée. Elle confronte directement le récit américain hégémonique sur les excédents éternels et l'effondrement imminent de l'économie russe.

Quant à l'Arabie saoudite, ce n'est qu'un pion dans un jeu beaucoup plus vicieux. Le bon sens commande maintenant de considérer qu'il s'agit essentiellement du Daech Noir (le faux califat) et du Daech Blanc (la Maison des Saoud). Après tout, la matrice idéologique est la même, décapitations incluses. C'est la prochaine étape de la guerre du pétrole qui pourrait bien décider quel Daesh sera le premier à tomber.