Traduction Petrus Lombard

Assad  Putin
© EPA/ALEXEY DRUZHINYN/RIA NOVOSTI/POOLLe président syrien Baschar al-Assad et le président de la Russie Wladimir Poutin en octobre 2015 au Kremlin.
L'ultime tentative d'arrêter l'offensive militaire dirigée par la Russie dans le nord de la Syrie, a tourné à l'échec mercredi, quand l'armée arabe syrienne soutenue par les Forces de défense nationale et la couverture aérienne russe, ont brisé le siège de 40 mois autour des bourgs de Nubl et Zahra, dans le nord-ouest de la province d'Alep. L'administration Obama espérait pouvoir devancer l'attaque en bricolant un accord de cessez-le-feu au dernier moment des pourparlers de paix de Genève. Mais quand les informations disant que des unités blindées syriennes avaient écrasé les défenses d'al Nusra et forcé les djihadistes à battre en retraite, l'envoyé de l'ONU Staffan de Mistura a suspendu tacitement les négociations en reconnaissant que la mission avait échoué.

L'envoyé a dit aux journalistes, « J'ai dit dès le premier jour que je ne parlerai pas pour ne rien dire. » Il avait besoin de l'aide immédiate des commanditaires internationaux dirigés par les USA et la Russie, qui soutiennent les bords opposés d'une guerre qui a également attiré des puissances régionales. (Reuters) Staffan de Mistura a ensuite annoncé une « pause temporaire » dans les négociations mort-nées, qui venaient tout juste de commencer officiellement quelques heures plus tôt. Les développements sur le champ de bataille ont convaincu le diplomate italo-suédois de l'inutilité de continuer puisque les forces gouvernementales apportaient une solution par des moyens militaires.

Après des mois de progression laborieuse dans les positions ennemies à travers le pays, la stratégie russe a commencé à porter ses fruits. Faisant de grands progrès sur le champ de bataille, les forces terrestres loyalistes ont fait reculer sur pratiquement tous les fronts les insurgés dégoûtés de la guerre. À la frontière turque, une large bande est désormais sous contrôle de l'armée arabe syrienne, tandis que les bombardiers russes omniprésents continuent d'infliger de lourdes pertes aux militants anti-Assad démoralisés. L'attaque éclair de mercredi contre les villes stratégiques de Nubl et Zahra a été la cerise sur le gâteau. Rompant les lignes d'approvisionnement essentielles vers la Turquie, tout en resserrant l'étau militaire autour de la plus grande ville du pays, cette manœuvre hardie a laissé des centaines de terroristes bloqués dans un chaudron pilonné sans issue.

L'équipe d'Obama suit l'évolution sur le terrain avec une inquiétude croissante depuis deux semaines. C'est pourquoi le Secrétaire d'État John Kerry a réuni précipitamment une mission diplomatique pour organiser d'urgence des pourparlers de paix à Genève, bien que les différents participants n'étaient même pas d'accords pour y participer. Un sentiment d'urgence proche de la panique était palpable dès le début. L'objectif était de ne jamais parvenir à un arrangement négocié ou à une paix honorable, mais (comme l'a noté le magazine Foreign Policy) de mettre en application « un large gel sur l'ensemble de la province d'Alep, qui serait ensuite reproduit plus tard dans d'autres régions. » L'objectif réel étant d'arrêter l'hémorragie de toutes les manières possibles et d'éviter l'inévitable encerclement d'Alep.

La reprise de Nubl et Zahra laisse les djihadistes avec une seule route pour transporter armes, nourriture et carburant vers leur bastion urbain. Dès que les forces loyalistes briseront le blocus de Bab al Hawa, au nord-est, la boucle sera fermée, le périmètre se resserrera, le chaudron sera divisé en petites enclaves au sein de la ville, et les terroristes devront se rendre ou seront face à l'anéantissement assuré. Le triomphe mercredi de la coalition dirigée par la Russie est un signe que ce jour est peut-être plus proche qu'on ne l'avait prévu.

Il est intéressant de noter, que Michael O'Hanlon - le membre éminent de Brookings Institute qui a planifié de « déconstruire la Syrie » à l'aide d'« éléments modérés » pour « produire des régions autonomes » - a conseillé Obama et Kerry « de ne pas poursuivre la logique infructueuse des pourparlers de paix en cours sur la Syrie, mais d'explorer un modèle confédéral et chercher l'adhésion d'autant que possible d'acteurs et principaux alliés. » En d'autres termes, le principal architecte du plan US de balkanisation de la Syrie en plus petites régions (contrôlées par les milices locales, les seigneurs de guerre et les djihadistes), pensait que les négociations de paix étaient condamnées dès le début.

Selon O'Hanlon, les USA doivent engager 20 000 combattants avec le modèle politique adéquat afin de maintenir l'occupation. Selon l'analyste de Brookings, « tout cessez-le-feu que pourrait négocier Kerry ... serait bâti sur des fondations de sable, du simple fait que les forces « modérées » qu'il appuierait seraient bien plus faibles que soit l'armée arabe syrienne, soit ISIS. Cela signifie qu'il n'y aurait pas moyen de faire respecter la résolution finale et pas d'armée assez forte pour établir l'autorité du nouveau gouvernement d'union.

Les commentaires de O'Hanlon suggèrent que les zélites occidentales sont profondément divisées sur la Syrie. Les faucons préconisent toujours plus d'intervention, une plus grande implication des USA, de l'UE et de l'OTAN, et des troupes US et alliées sur le terrain pour occuper le pays pendant une durée indéterminée. En revanche, l'administration Obama veut minimiser son engagement tout en essayant désespérément d'apaiser ses détracteurs.

Cela signifie que les problèmes de la Syrie pourraient refaire surface plus tard, quand Obama se retirera et qu'un nouveau président poursuivra une stratégie plus musclée. Un certain nombre de gens puissants dans l'establishment au pouvoir sont plus déterminés que jamais à balkaniser la Syrie et installer une marionnette US à Damas. Cela ne va pas changer. La coalition dirigée par la Russie dispose d'une petite fenêtre pour achever ses opérations, éliminer les terroristes et rétablir la sécurité dans tout le pays. Mettre fin à la guerre dès que possible, tout en créant un environnement sûr pour que les réfugiés syriens rentrent chez eux, est la meilleure façon de réduire la menace de l'escalade et de décourager l'aventurisme US futur. Mais Poutine devra agir rapidement pour que ce plan marche.