Commentaire : Résumons : voici que des euro-députés, obscurs inconnus pour la plupart, valident, dans son principe, un traité nommé TAFTA dont presque personne, à l'époque, n'a entendu parlé et dont les termes sont pratiquement inaccessibles au commun des mortels. Comme l'idée du traité est validé, ils créent un mandat qui autorise à un autre groupe de personnes, la Commission Européenne, à prendre des décisions à l'intérieur d'un cadre préalablement défini. Cette Commission Européenne est composé de commissaires, entités toutes aussi inconnues du grand public que nos euro-députés précédemment cités : une personne par pays, soit 28 membres. Les commissaires ont un président. En ce moment, ce président s'appelle Juncker. Un drôle de personnage qui n'hésite pas à déclarer : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens »...

Ainsi, tout ce bon monde, qui évolue dans un système opaque au fonctionnement insensé, décide des mises en application d'un traité auquel personne ne peut avoir réellement accès, car dixit Juncker : « Il ne peut pas avoir de traité secret avec l'Amérique. Mais l'Europe ne doit pas non plus dévoiler sa stratégie »... Et de nous seriner que le traité est positif, et que tout est pour le mieux, en tout, pour tous, et qu'il faut juste être confiant...

Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano

Katja Kipping
© Inconnu
Venant s'ajouter aux préoccupations sur le très controversé projet d'accord entre les États-Unis et l'Union européenne dénommé TAFTA, la permission a été accordée à quelques députés allemands d'accéder, sous certaines contraintes, au texte de l'accord. Malgré cette initiative plutôt positive, la députée Katja Kipping (ci-contre) nous fait part de son inquiétude quant au manque de transparence de ces négociations.

Même si certains ont accueilli favorablement le fait de pouvoir accéder à la salle de lecture du texte du TAFTA, et ont considéré cela comme une victoire de la transparence, Katja Kipping, du parti Die Linke, a énuméré les nombreuses limitations imposées aux parlementaires à partir du moment où ces derniers cherchent à comprendre les aspects les plus subtils de cet accord.

Selon les procédures annoncées par le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel,... les parlementaires doivent s'enregistrer avant de pouvoir accéder à la salle et ne peuvent y rester que deux heures maximum pour lire les documents. Les téléphones cellulaires et tout autre dispositif électronique doivent être déposés au préalable dans un coffret sécurisé.

Les documents du TAFTA sont accessibles seulement sur un ordinateur non connecté à Internet. Les parlementaires peuvent prendre des notes, mais il leur est interdit de recopier des extraits du texte, et ils ne peuvent pas partager quelque détail de l'accord que ce soit, ni en public ni au Parlement.

"Cette procédure d'accès à la salle en dit long [sur ces négociations]. Après m'être enregistrée, on m'a fourni les instructions sur comment utiliser cette pièce," écrit Mme Kipping dans son compte-rendu de cette expérience.
"La première chose qui saute aux yeux, c'est que les termes de ces limitations d'accès ont fait l'objet de négociations entre la Commission européenne et les Etats-Unis. Avez-vous remarqué que le TAFTA n'est pas encore ratifié formellement, et que déjà les pays concernés par ce traité ont perdu le droit de décider qui a le droit de lire ce texte et sous quelles conditions ?"
Les parlementaires ne peuvent pas demander l'aide d'experts

Mme Kipping a également pris ses distances avec l'une des expressions utilisées dans ces procédures, qui veut que l'autorisation d'accès à cette salle soit le "témoin d'une confiance exceptionnelle" accordée aux parlementaires.
"J'ai toujours pensé que les députés élus avaient le droit à l'information. Pourtant, les personnes en charge des négociations du TAFTA (d'ailleurs, qui leur a donné la légitimité pour ces négociations ?) se comportent comme s'ils accordaient l'accès à ces textes comme une énorme faveur. Qui que soient ceux qui ont écrit cela, pensent-ils vraiment que les parlementaires doivent s'en sentir flattés ? Pour moi, cela a de forts relents de totalitarisme. "Autoriser l'accès" et "accorder sa confiance" ne font pas partie des termes que l'on utilise si l'on croit vraiment dans la démocratie."
"Pour rendre le traité encore plus compliqué à déchiffrer, explique Mme Kipping, les parlementaires n'ont pas le droit d'amener avec eux un expert capable d'interpréter le langage hyper technique utilisé dans le texte, qui est de surcroit fourni uniquement en anglais."
"Nous ne pouvons pas nous faire accompagner d'un spécialiste, sous aucune condition, dans la salle de lecture. Ainsi, tout comme le citoyen ordinaire, les experts eux non plus n'ont aucun moyen d'accéder à ces textes secrets. Pour moi, et quoiqu'en disent certains, cela n'est pas synonyme de transparence," a-t-elle poursuivi.
Lire les documents ne m'a pas fait changer d'avis

Les défenseurs de l'accord TAFTA disent que les pays membres bénéficieront en retour d'une formidable stimulation économique, d'un plus grand marché, et que les petites et moyennes entreprises tireront un grand bénéfice de ce traité, qui vise à abattre les barrières commerciales entre les deux continents.

Même s'il lui est interdit de parler de ce qu'elle a lu, Mme Kipping dit pouvoir partager ce qu'elle n'a PAS vu dans le texte, et affirme que "rien dans ces accords ne soutient de près ou de loin les affirmations de ses partisans."

Elle écrit : "Les deux heures que j'ai passées dans la salle de lecture étaient évidemment loin d'être suffisantes pour lire l'intégralité des documents. Mais cela m'a suffi pour me rendre compte que rien de ce que j'y ai lu ne peut me faire revenir sur l'avis négatif que j'ai depuis le début sur ce TAFTA."
"Il est déjà très significatif de voir que le Ministère des Affaires économiques adopte toutes ces mesures pour empêcher que le texte de l'accord ne soit divulgué. En fait, ils ont toutes les raisons de faire comme cela. Car quiconque voudrait entrer dans ces négociations avec l'objectif de protéger l'environnement, le consommateur et les conditions de travail, n'aurait aucune raison d'avoir peur de la transparence. A l'inverse, ceux qui sont déjà à l'œuvre pour brader la démocratie n'ont évidemment pas envie de finir sur la sellette de l'opinion publique. Si Sigmar Gabriel (ci-contre) et les négociateurs sont réellement convaincus des bénéfices du TAFTA, pourquoi ne rendent-ils pas le texte public sur Internet ?" a-t-elle conclu.