Commentaire : Nous avons déjà eu la déshumanisation des réfugiés, maintenant au tour des manifestants, des "sans-dents" et de ceux se rebellant contre le système ?


manifestaciones Paris
© GoogleMiles de trabajadores se movilizan en las calles francesas contra la reforma laboral de Hollande
Un manifestant contre la loi El Khomri affirme avoir entendu un pompier de Paris dire que ceux-ci ont comme consigne de ne pas porter assistance aux manifestants blessés. Volonté au sommet de « punir » les opposants à la loi, ou malentendu ? La préfecture garde le silence.

Les sapeurs-pompiers parisiens auraient-ils des critères d'intervention autres que médicaux ? C'est la question que se pose Josué, l'un des participants à la manifestation parisienne contre la loi El Khomri de jeudi. Ce jour-là, le jeune informaticien et syndiqué CGT et ses amis arrivent en retard place d'Italie pour manifester leur rejet de la réforme du Code du travail. Ils souhaitent rejoindre le cortège, mais au bout de quelques minutes, l'une des collègues de Josué trébuche sur un pavé et se tord la cheville. « Comme il pleuvait et qu'on voulait la faire asseoir à l'abri, nous sommes entrés dans une pharmacie. De là, la pharmacienne a appelé les secours », relate Josué. S'ensuivent des questions d'ordre médical classiques, puis « la pharmacienne, semblant retranscrire les questions des secours, demande si nous étions dans la manifestation », souligne l'informaticien. « Je me suis étonné de la question, et j'ai demandé à la pharmacienne quel rapport cela avait avec la blessure de ma collègue et si notre réponse conditionnerait l'intervention des secours », se souvient Josué. « À ce moment-là, la pharmacienne a coupé le micro (du téléphone) et nous a conseillé de dire que nous ne faisions pas partie des manifestants car les pompiers avaient reçu des consignes pour ne pas intervenir dans la manifestation », poursuit le syndiqué CGT.

Afin de mettre toutes les chances de leur côté, les protestataires expliquent qu'ils étaient techniquement sur le trottoir au moment des faits et qu'on pouvait considérer qu'ils n'étaient pas à proprement parler en train de manifester. « Ce que nous a dit la pharmacienne m'a choqué, mais je me suis dit que ce n'était que son avis personnel », affirme Josué. Les sapeurs-pompiers sont intervenus dans la pharmacie pour porter assistance à la collègue de Josué, mais alors que l'un d'entre eux « remplissait des papiers en parlant à la pharmacienne », l'informaticien aurait entendu le pompier dire : « Ils ont de la chance qu'on soit intervenu, parce que nous avons des consignes nous interdisant d'intervenir au bénéfice des manifestants. Mais éthiquement, a poursuivi le pompier, je ne pouvais pas respecter cette consigne, ce n'est pas possible. »

Depuis jeudi, Josué est toujours aussi révolté. « L'État de droit, censé nous protéger, tente de réprimer la contestation par la force, chargeant sa police de provoquer et de maltraiter les manifestants, et intimerait en plus maintenant aux services médicaux et d'urgences de ne pas porter assistance aux manifestants. Sommes-nous toujours dans un État de droit ? » s'interroge-t-il.

Face à ce témoignage, difficile d'obtenir des informations officielles ou officieuses, les sapeurs-pompiers parisiens disposant d'un statut militaire et étant tenus à un devoir de réserve très contraignant. La préfecture de Paris, qui a autorité sur la brigade des sapeurs-pompiers, n'a pas souhaité réagir à ce témoignage, tandis qu'un porte-parole des pompiers parisiens affirme n'avoir « pas connaissance » de telles directives et évoque, passablement agacé, des « rumeurs ». L'un des pharmaciens présents jeudi lors de l'intervention des pompiers dit, quant à lui, ne pas être au courant de consignes qui ordonneraient aux militaires d'opérer une distinction entre manifestants et non-manifestants.