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A l'école, on a oublié de vous dire que l'agriculture n'a pas toujours eu que du bon, loin de là. Grâce à la bioarchéologie, on vient de prouver que les humains ont vraiment souffert lors de la transition du mode de chasseur-cueilleur à celui de fermier.

On a tendance à croire que lorsque les humains avaient trouvé "le truc" de s'affranchir de la recherche de nourriture du matin au soir (mode d'alimentation type "chasseur-cueilleur" que l'on retrouve dans quelques tribus dans le monde encore maintenant comme chez les Bochimans du film les dieux sont tombés sur la tête ), grâce à l'invention de l'agriculture, ils ont alors trouvé le temps de construire des villes, de créer l'art et les religions au passage.

En gros, on est tenté de croire que l'agriculture a rendu la vie des humains bien plus agréable.

Certains archéologues et d'autres (on pense à Jared Diamond ) s'inscrivent en faux contre cette idée et ils viennent de trouver une nouvelle preuve comme quoi la santé des humains s'est (globalement car il y a des cas particuliers comme dans tout) détériorée depuis les 3 derniers millénaires.

Pour eux, le passage du mode de chasseur-cueilleur (nomade) à celui d'agriculteur-éleveur (sédentaire) est un des évènements les plus significatifs de notre histoire. Cela a débuté à la fin du Pleistocene ) et au début de l'Holocène.

Si c'est grâce à cette transition que toutes les civilisations et technologies ont progressé (point positif), c'est aussi la raison pour laquelle notre monde affronte une crise écologique sans précédent en raison, principalement, de notre surpopulation (sans compter, revers de notre charmante technologie, la menace d'une auto-destruction complète grâce aux armes de destruction massive).

Ainsi, le bioarchéologue ( anthropologie biologie, soit l'étude de tout ce qui a trait à la biologie sur les sites d'archéologie ) Clark Spencer Larsen de l'université de l'état d'Ohio à Columbus mène un projet ambitieux nommé European Global History of Health Project qui a pour objectif d'étudier la santé des humains sur les 10 derniers millénaires ose déclarer :

"Nous constatons un déclin général de la santé des habitants d'Europe et de la Méditerranée depuis 3000 ans."

Le but de Larsen est bien de dégager les tendances générales et non pas locales à partir d'un grand nombre d'échantillons qu'il a fallu synthétiser.

Larsen vient donc de présenter les premières analyses de données concernant pas moins de 11 000 individus ayant vécu en Europe ou sur le pourtour méditerranéen entre 3000 ans avant notre époque jusqu'au 19ième siècle.

Le projet fut d'envergure car il s'est étalé sur 8 ans et a coûté environ 1.2 millions de dollars jusqu'à présent.

L'objectif était donc pour 72 chercheurs de répertorier différents indicateurs de santé sur des restes de squelettes comme: stature (position du corps), santé dentaire, traumatismes, problèmes articulaires et indications sur l'alimentation.

D'autres facteurs étaient enregistrés comme la taille du campement, la latitude, le niveau socioéconomique et la manière de s'alimenter. L'idée était de comparer les riches et pauvre, urbains et fermiers et autres chasseurs-cueilleurs.

La conclusion est que la santé des européens a bien commencé à se détériorer nettement il y a environ 3000 ans de cela, un peu après que l'agriculture se soit généralisée en Europe ainsi que lors de la montée en puissance des civilisations grecques et romaines.

En particulier, la taille s'est réduite et on note de nombreuses lésions du squelette en raison de la lèpre et de la tuberculose par exemple. De nombreuses maladies venues impacter les hommes sont originaires de la proximité des humains avec le bétail ainsi que des déchets des campements.

Si vous en doutez, rappelons que la dernière pandémie se nomme "grippe porcine". Si nous n'élevions ni porc ni volailles, cela n'arriverait tout simplement pas. De même, certaines maladies "sautent" du singe à nous car nous en sommes parfois trop proches (chasseurs, touristes etc.). Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Zoonose

Faisons un petit aparté et posons une question toute simple :

"Quand les européens ont débarqué sur le Nouveau Monde (continent américain), pourquoi les indiens (Nord et Sud) ont-ils été majoritairement exterminés pas les maladies et pas le contraire ? "

Chaque civilisations avait pourtant ses maladies propres !

L'explication est malheureusement simple : en raison de toutes les affres subies par le passé par la proximité avec les bêtes d'élevage, les européens qui sont arrivés là-bas avaient une base génétique bien plus résistante et leurs maladies (on pense à la variole ) ont tué rapidement.

Les populations d'Amérique vivaient moins en contact avec les bêtes et depuis moins longtemps.

Ce cas fut inversé lorsque les européens arrivèrent en Afrique centrale pour s'installer et "clapsèrent à la pèle" en raison de la malaria (ou paludisme ) propagée par les moustiques. Les africains sont bien davantage protégés génétiquement contre cette terrible maladie.

Plus les gens ont commencé à se nourrir de sucres issus principalement des céréales, plus ils ont soufferts de caries, de douleurs gengivales, de pertes de dents et autres scorbut (déficience en vitamine C ) ou infections des os.

Pour donner un exemple, contrairement à ce que vous pourriez croire, la taille moyenne des humains en 400 avant Jésus Christ était de 173 cm mais n'était plus que de 166 cm au 17ième siècle !

Les enfants qui n'étaient pas issus d'une lignée d'une élite mangeaient donc pas de la nourriture saine et variée et souffraient de maladies.

La question (qui tue) :

"Pourquoi donc les gens se mettaient donc à vivre de manière sédentaire et dans des villes de plus en plus grandes si cela les rendaient plus vulnérables aux maladies ?"

Une réponse possible serait que l'on se sentait plus rassuré en groupe contre les menaces extérieures. Une autre argumentation séduisante est que la surpopulation imposait ce mode de vie sédentaire et regroupé autour des récoltes.

Le problème fut la hiérarchisation inéluctable de la société et le contrôle par l'élite de l'approvisionnement en nourriture. C'était même risqué pour un humain d'intégrer le bas de l'échelle d'une ville en venant des campagnes.

Au moyen-âge, on a observé que les gens des campagnes étaient plus grands que ceux des villes.

Ces arguments peuvent vous étonner à l'heure actuelle mais n'oubliez pas, lecteur, que vous êtes un privilégié dans le monde et dans l'histoire.

Ce n'est SEULEMENT qu'au dix-neuvième siècle que la taille des humains a repris une pente ascendante (rappel ; en Europe).

Il y a plusieurs facteurs expliquant cela.

D'une part, ce fut la fin du petit âge glaciaire et cela permis un premier accroissement de la nourriture disponible.

Ensuite, cette époque est marquée par de plus grands échanges commerciaux et surtout une meilleure hygiène et médecine.

Maintenant, tout n'est pas fini. Les américains nous paraissent plus grands que nous, Français, mais depuis les années 50, la taille moyenne rechute, probablement en raison d'une alimentation peu saine (fast-food) et peu variée.

Le but du projet est justement de tirer les leçons du passé pour anticiper ce qui va se passer dans notre évolution avenir ainsi que de prévoir quels genres de maladies peuvent nous frapper.

Revenons au début de notre article.

"Comment sont nées alors les éléments de culture comme les arts ?"

Contrairement à l'idée reçue, ce n'est pas par abondance de temps de loisir que les civilisations et leurs cultures et arts sont nées.
On a en effet observé que les tribus comme les Boshimans citées plus haut ont plein de temps pour eux. Leurs activités quotidiennes obligatoires ne prennent pas toute la journée.

Ce n'est que par surpopulation locale et forte hiérarchisation que tout cela est né et, en particulier, on suppose de plus en plus fortement des motivations de nature sexuelle derrière tous ces efforts (comme se distinguer et acquérir un statut social afin d'acquérir plus de ressources et impressionner le sexe opposé).