Les grands laboratoires pharmaceutiques ont rendu les Américains accros aux neuroleptiques, explique le journaliste James Ridgeway sur Al Jazeera.

En 2008, avec des ventes atteignant plus de 14 milliards de dollars, les neuroleptiques sont devenus la catégorie de médicaments la plus prescrite aux Etats-Unis, et ont ainsi dépassé ceux utilisés dans le traitement des taux élevés de cholestérol ou des remontées gastriques. James Ridgeway considère que l'explosion de la consommation est telle qu'elle semble indiquer une «psychose nationale massive».

Les neuroleptiques étaient auparavant réservés à un petit nombre de patients aux lourds diagnostiques psychiatriques (schizophrénie, bipolarité...) afin de traiter des symptômes graves tels que la démence ou les hallucinations.

Mais aujourd'hui, «il semble que tout le monde consomme des neuroleptiques», s'étonne le journaliste de la revue Mother Jones. «On a dit aux parents que leurs enfants turbulents sont en fait bipolaires, et qu'ils ont donc besoin d'antipsychotiques, pendant qu'on bourre les personnes âgées de médicaments autrefois réservés principalement aux schizophrènes.»

Cette augmentation de la consommation correspond à la mise sur le marché de nouveaux médicaments dans les années 1990, appelés «neuroleptiques atypiques», qui avaient l'avantage de ne pas générer d'effets secondaires (tremblements, problèmes moteurs) comme les traitements plus anciens. L'apparition de cette nouvelle catégorie de médicaments, mise en avant par les laboratoires pharmaceutiques, a permis de faire décoller les ventes.

Transformer les gens en zombies

Le journaliste reproche ainsi à ces grands groupes d'influencer les médecins américains en leur offrant toutes sortes de cadeaux pour qu'en échange ils prescrivent à leurs patients les produits les plus rentables.

«Les psychiatres sont plus particulièrement visés par les grands groupes pharmaceutiques car leurs diagnostiques sont très subjectif», explique le docteur Adriane Fugh-Berman du projet PharmedOut. Selon elle, presque tout le monde est désormais concerné puisque «les diagnostiques psychiatriques ont été étendus afin d'inclure beaucoup de gens tout à fait normaux».

Les troubles d'ordre psychologique sont donc traités avec des moyens psychiatriques qui ne sont pas sans conséquence. Si les nouveaux médicaments n'ont pas les mêmes effets secondaires que leurs prédécesseurs, ils ne sont pas anodins. Selon James Ridgeway, «des gens sont d'une certaine façon transformés de zombies».

La France, pour sa part, n'occupe plus la première place en matière de consommation d'antidépresseurs, passant de la première à la troisième place, rapporte France Info en citant une étude de l'Assurance maladie. Il apparaît que les Français sont «les seuls Européens à avoir réduit leur consommation de "pilules du bonheur"».

Toutefois, encore six millions de personnes en France prennent des antidépresseurs, en majorité des femmes. Dans 80% des cas, ce sont les médecins généralistes qui prescrivent ces médicaments, pas des psychiatres.