Image
Deux mois après une enquête menée sur Apple, une ONG pointe du doigt les conditions de travail dans les usines chinoises des sous-traitants du groupe coréen.

Derrière le Samsung Galaxy S III, tout comme derrière le futur iPhone 5, se cachent des milliers d'ouvriers chinois. Après s'être attaqué à Apple au printemps dernier, l'organisation China Labor Watch (CLW), qui défend les droits des travailleurs chinois, a cette fois réussi à faire recruter plusieurs de ses membres comme ouvriers d'un sous-traitant de Samsung. À l'usine HEG Electronics, dans le sud-est de la Chine, 2000 ouvriers fabriquent quotidiennement des milliers d'appareils électroniques (smartphones, lecteurs DVD) pour Samsung et, dans une moindre mesure, pour LG et pour Motorola. Le constat est accablant. «HEG Electronics viole clairement le droit du travail chinois», souligne ainsi l'ONG dans son enquête (en PDF).

Travail d'enfants

Pendant les vacances scolaires (entre juin et août), période où l'enquête a été menée par CLW, 80% des 2000 ouvriers de l'usine HEG Electronics avaient moins de 18 ans, et étaient employés aux mêmes postes que les adultes. Parmi eux, une centaine avait moins de 16 ans. D'après les témoignages recueillis par l'ONG, les mineurs représenteraient environ 60% des salariés le reste de l'année. La plupart de ces enfants viennent «d'écoles partenaires» de l'usine, avec la bénédiction des enseignants. Les jeunes ouvriers «travaillent dans les mêmes conditions pénibles que les travailleurs adultes, mais sont payés seulement 70 % du salaire», affirme China Labor Watch.

Selon le rapport, révélé par Bloomberg et Numerama, le salaire de base est fixé à 145 euros par mois. L'usine impose aux ouvriers (enfants comme adultes) un rythme de travail «de 11 à 13 heures par jour, six jours par semaine, 26 à 28 jours par mois» - alors que selon la loi chinoise, les ouvriers sont censés travailler huit heures par jour, cinq jours par semaine maximum.

Des audits inefficaces

Samsung, interrogé par Bloomberg, affirme avoir fait inspecter l'usine de son sous-traitant par deux fois cette année. La société britannique Intertek, chargée de mener les audits sociaux, n'a «constaté aucune irrégularité», affirme Nam Ki Yung, porte-parole du leader mondial de la téléphonie.

D'après CLW, les enquêtes sont inefficaces - et pour cause: les audits sont annoncées plusieurs semaines à l'avance, laissant le temps aux usines de s'organiser et de gommer toute irrégularité. L'ONG accuse entre autres Intertek d'avoir accepté des pots de vins pour fermer les yeux sur les conditions de travail de l'usine HEG Electronics.

Hors des audits, les ouvriers infiltrés de CLW ont pu interroger Wu Xiaofang, une jeune fille de 14 ans, employée par HEG Electronics. «Entre mars et avril, Wu est tombée dans les escaliers en se rendant au dortoir. Elle était incapable de travailler, mais l'entreprise l'a empêchée d'aller à l'hôpital et a refusé de lui signer un arrêt de travail. Six jours lui ont été enlevés de sa paie pour son absence injustifiée», relate l'ONG.

Selon l'enquête, les enfants travailleurs réalisent (comme les adultes) la plupart du temps des tâches dangereuses, synonymes de blessures, sans que l'usine ne fournisse le moindre kit de premiers secours.

D'autres multinationales dénoncées

Ce n'est pas la première enquête de ce genre. Des centaines d'usines chinoises travaillant pour des multinationales occidentales, telles que Disney et Mattel, ont été pointées du doigt par China Labor Watch, pour des salaires payés en retard, des heures supplémentaires obligatoires, des amendes punitives ou des cas de harcèlement au travail.

Entre janvier et juin dernier, plusieurs enquêtes ont aussi épinglé Apple, autre fabriquant de smartphones et d'équipement high-tech. Selon CLW et l'organisation Fair Labor Association (FLA), les usines chinoises du manufacturier taïwanais Foxconn - qui fournit des composants électroniques à Apple, à l'origine de l'iPad et de l'iPhone - sont elles aussi loin de respecter les conditions de travail des ouvriers chinois. Depuis 2010, ces usines situées à Shenzhen sont le théâtre d'une importante vague de suicides.

Face à la campagne médiatique visant Foxconn, le sous-traitant a augmenté le salaire de ses ouvriers de 25 %. Depuis janvier, Apple a multiplié les audits, et a rendu plus sévère son «code de conduite» en matière de conditions de travail. Selon China Labour Watch, les conditions de travail chez HEG Electronics sont «bien en dessous» de celles en vigueur chez Foxconn. Samsung a annoncé mercredi sa volonté de «réaliser aussi vite que possible» une nouvelle «enquête de terrain», afin de «prendre les mesures appropriées pour corriger les problèmes potentiels».