Une nouvelle drogue dénommée "sels de bain "et très accessible provoque des dégâts si considérables sur la santé que les médecins sont très inquiets. Pendant ce temps, la vente continue, relate le New York Times.

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Au printemps dernier, le Dr Jeffrey J. Narmi n'en a pas cru ses yeux en arrivant au centre médical de Pottsville, en Pennsylvanie : des gens se présentaient aux urgences dans un état d'agitation et d'hystérie tel qu'une armée de professionnels de la santé avait dû intervenir pour les maîtriser. Ces personnes avaient pris une nouvelle drogue, appelée "sels de bain" (bath salts), et, pour quelques-uns, même des doses massives de sédatifs n'avaient pas réussi à les calmer.

"Certains, arrivés au centre pendant la nuit, ont été ultérieurement admis en unité de psychiatrie", raconte le Dr Narmi. "Ces gens étaient complètement déconnectés de la réalité." Des cas similaires ont été rapportés dans tout le pays par des hôpitaux qui s'activent pour trouver un traitement adapté.

Les "sels de bain" ont commencé à se propager aux Etats-Unis en 2010 et connaissent un tel succès que les médecins commencent à s'alarmer de leurs effets extrêmement dangereux et durables. Ils se présentent sous forme de poudre ou de cristaux, comme les vrais sels de bain. Les consommateurs les sniffent, les fument ou se les injectent.

En six mois, les centres antipoison du pays ont reçu davantage d'appels liés à cette drogue que pendant toute l'année 2010. "Certains consommateurs se sentent très mal pendant un long moment", souligne Karen E. Simone, directrice d'un centre antipoison du nord de la Nouvelle-Angleterre. Le Dr Justin Strittmatter, urgentiste au centre médical Gulf Coast de Panama, en Floride, a soigné un homme dont la température était montée à 41,5 °C. A ce jour, 28 Etats ont interdit les "sels de bain". Le produit, que l'on peut se procurer dans des supermarchés et des boutiques spécialisées sous des noms comme Aura, Ivory Wave, Loco-Motion et Vanilla Sky, se vend entre 25 et 50 dollars [de 18 à 36 euros] le sachet de 50 milligrammes. Sa consommation provoque des accidents similaires à ceux du PCP [drogue hallucinogène] dans les années 1970. Ainsi, dans l'Indiana, un homme s'est jeté au milieu du trafic, en Pennsylvanie, un autre a fait irruption dans un monastère et poignardé un moine, et, en Virginie, une femme s'est mutilée car elle était persuadée qu'elle avait quelque chose sous la peau.

Les "sels de bain" contiennent de la méphédrone et du MDPV, des substances chimiques dérivées du qat, un stimulant originaire de la péninsule arabique et de l'Afrique orientale qui est illégal aux Etats-Unis. Ces substances, interdites dans plusieurs Etats, sont similaires à la marijuana synthétique qui avait provoqué récemment une hausse brutale du nombre d'urgences médicales. En mars dernier, la Drug Enforcement Administration (DEA) a interdit temporairement cinq substances chimiques contenues dans la marijuana synthétique, que l'on peut se procurer dans le même genre d'établissement que ceux qui vendent des "sels de bain". Les deux drogues restent toutefois disponibles sur Internet et, selon des experts, l'interdiction des "sels de bain" pourrait être contournée par des chimistes, qui n'ont qu'à modifier une molécule pour la rendre légale.

Les autorités d'Alton, dans l'Illinois, envisagent d'invoquer une loi fédérale (Analog Act) lors d'un prochain procès contre un magasin d'alcools accusé d'avoir vendu des "sels de bain" à une jeune femme, décédée d'une overdose. "Nous pensons pouvoir prouver que le but de la vente était de permettre à des individus de se défoncer", précise David Hayes, le chef de la police d'Alton. Comme d'autres représentants de l'ordre, il se dit choqué par le succès foudroyant des "sels de bain ": "Je n'avais jamais vu une drogue se répandre aussi vite."

Mark Ryan, le directeur du centre antipoison de Louisiane, est lui aussi inquiet. Certains de ses praticiens ont dû recourir à de puissants antipsychotiques après avoir constaté que les patients ne réagissaient pas aux sédatifs. "Si vous réunissez les pires effets de la méthamphétamine, de la cocaïne, du PCP, du LSD, de l'ecstasy, vous obtenez ce à quoi nous sommes parfois confrontés chez ces patients", explique-t-il.