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Lorsqu'un événement extérieur se produit, une zone du cerveau se déconnecte pour ne pas perturber le réseau qui assure les fonctions cognitives, comme le raisonnement ou le langage. © Will Foster / Flickr / CC
Quand un événement extérieur sollicite notre attention, on pourrait s'attendre à une mobilisation générale de tous les neurones de notre cerveau. Pas du tout ! Au contraire même, un grand nombre d'entre eux se mettent carrément en veille.

C'est la découverte très surprenante effectuée par une équipe de chercheurs de l'Inserm dirigée par Jean-Philippe Lachaux et Karim Jerbi (Centre de recherche en neurosciences de Lyon). Surprenante, en effet, car cette zone du cerveau qui disjoncte ainsi brutalement était réputée, jusqu'ici, fonctionner sans trêve ni relâche. Dans leur jargon, les neurobiologistes la désignent sous le nom de "réseau par défaut". Selon les chercheurs, il faut en conclure que cette mise en veille est nécessaire pour ne pas perturber le fonctionnement de l'autre cerveau, appelé "réseau exécutif". Lequel assure les fonctions cognitives, comme le raisonnement, le langage, la communication...

Brutale déconnexion

Depuis longtemps, le "réseau par défaut", identifié par Marcus Raichle en 2001, fascine les chercheurs, car il manifeste une activité lorsque son propriétaire semble au repos total. Ce qui l'a fait être associé aux sphères intimes et privées de l'individu : la perception de soi, les souvenirs, l'imagination, la pensée..., bref, c'est cette part de notre cerveau qui rêvasse. Et qui donc, selon cette nouvelle étude, cesse son activité lorsqu'une action tournée vers l'extérieur est entreprise. Les chercheurs de l'Inserm ont été les premiers à vouloir mesurer précisément l'activité électrique du "réseau par défaut". Pour cela, ils ont fait appel au service d'épilepsie du professeur Philippe Kahane à Grenoble. Ainsi ont-ils pu découvrir cette mise en veille provisoire et constater son extrême réactivité. Il suffit d'un dixième de seconde au "réseau par défaut" pour qu'il se déconnecte ou reprenne du service. Cette mise en veille se produit, par exemple, lorsqu'un individu sort de sa torpeur pour faire un geste, comme saisir un verre ou chasser une mouche. Sans cette pause, l'activité du "réseau exécutif" serait moins efficace.

Pause salutaire

Cette étude montre aussi l'existence d'une guerre sans merci entre les deux réseaux de neurones : le "réseau par défaut" et le "réseau exécutif" se disputant nos ressources attentionnelles. En effet, lorsque ces dernières ne sont pas monopolisées par l'analyse active de notre environnement, elles se tournent immédiatement vers une activité cérébrale plus interne : en un mot, elles rêvassent !

Bref, si, comme l'écrivent les chercheurs, "le cerveau a horreur du vide et ne reste jamais sans rien faire, pas même durant un dixième de seconde", c'est aussi parce qu'il est capable de se déconnecter en partie, cette fonction pause assurant une meilleure concentration.