La loi dite "Hadopi" (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) est un succès, mais il faut étendre la lutte contre le piratage à la diffusion en continue (streaming) : c'est en substance le message que Nicolas Sarkozy a délivré, vendredi 18 novembre, à Avignon, lors d'un forum sur la culture à l'ère du numérique.

"J'aime une musique, je veux la partager : la démarche n'est pas en soi négative. Mais sur les sites de streaming, l'idéologie du partage, c'est l'idéologie de l'argent : je vole d'un côté et je vends de l'autre. Personne ne peut soutenir cela", a-t-il déclaré, laissant entendre qu'une loi "Hadopi 3" serait une possibilité pour lutter contre les sites diffusant illégalement des contenus, et notamment des films. "J'ai bien conscience que la technologie évolue. Si la technologie nous permet une nouvelle évolution, on adaptera la législation", a-t-il précisé.

En droit, le fait pour l'internaute de regarder une vidéo en streaming, même s'il n'en détient pas les droits, n'est pas en soi illégal. En revanche, les sites qui diffusent des films ou séries sans autorisation sont clairement dans l'illégalité ; des responsables de sites de ce type sont régulièrement interpellés.

Une loi "anti-streaming" pourrait donc prendre deux formes : soit la création d'un nouveau délit permettant de condamner les titulaires d'un accès Internet ayant été utilisé pour consulter ces sites, sur le modèle de l'Hadopi 2 ; soit une forme de filtrage sur le modèle de ce qui existe actuellement pour les sites de jeux d'argent. Contrairement aux réseaux P2P, il est en revanche très difficile de recueillir les adresses IP des utilisateurs de sites de streaming, qui sont pour certains basés à l'étranger et peu enclins à répondre aux réquisitions judiciaires.

Le président de la République s'est également félicité des résultats obtenus jusqu'à présent par la Hadopi, expliquant que grâce à l'action de l'autorité indépendante, "le piratage par P2P a reculé de 35 %". Un chiffre contestable, le chiffre, difficile à mesurer, prenant aussi en compte le passage d'une partie des internautes à d'autres formes de téléchargement illégal.

LA CRÉATION MUSICALE FINANCÉE PAR UNE TAXE SUR LES ABONNEMENTS À INTERNET

Le président de la République a également annoncé qu'un Conseil national de la musique (CNM) serait créé, sur le modèle du Centre national du cinéma (CNC). Un fonds serait alimenté par un prélèvement sur les abonnements à Internet, avec pour finalité de financer la diversité et la création musicale.

Cette annonce coïncide avec la révélation du contenu d'un rapport très sévère de l'inspection des finances sur le fonctionnement du CNC. Il dénonce notamment des frais de fonctionnement disproportionnés, ainsi qu'une politique de subventions confuses et trop généreuse, aboutissant à une situation dans laquelle la majorité des films sont intégralement financés avant même leur sortie en salle.

Dans une tribune au Monde, mercredi, les directeurs de plusieurs fournisseurs d'accès à Internet avaient, a contrario, mis en garde le gouvernement, estimant qu'une politique fiscale "incohérente" nuirait à la fois à l'emploi, à l'innovation et aux consommateurs. "Il faut cesser la fuite en avant qui consiste à augmenter continuellement les taux sur une assiette qui stagne, et surtout qui pèse sur les seuls acteurs français", plaidaient-ils. Sans succès semble-t-il.