Début décembre, Valérie Pécresse proposait à l'Assemblée de puiser dans le Fonds d'aide au relogement d'urgence (Faru) pour équiper les polices municipales de gilets pare-balles. Stupéfaction des associations qui militent contre le mal-logement : elles ont appris à cette occasion que le fonds était excédentaire de plusieurs millions d'euros.

Couvertures chauffantes ou gilets pare-balles ? Le 2 décembre à l'Assemblée nationale, en séance plénière sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, la ministre du budget, Valérie Pécresse, dépose sous le n° 439 un amendement pour le moins surprenant.

«Il s'agit de soutenir les communes pour l'acquisition de gilets pare-balles destinés à équiper les polices municipales», explique-t-elle. Comment ? En prélevant 2 millions d'euros sur les excédents du Fonds d'aide au relogement d'urgence (Faru). Stupéfaction au Palais-Bourbon. Même le rapporteur UMP Gilles Carrez n'en croit pas ses oreilles: «Franchement, ce n'est pas possible. Je sais bien que le Faru a un excédent (...). Mais aller prélever de l'argent destiné au relogement d'urgence pour financer des gilets pare-balles, même si ce sont ceux des polices municipales, non !», tranche-t-il.

Jugeant cet amendement «invraisemblable», «indécent» et «déplacé», le député Jean-Pierre Brard (Gauche démocrate et républicaine) estime que l'excédent de ce fonds pourrait être utilisé autrement: «Si encore, madame la ministre, vous aviez proposé, compte tenu de la situation dramatique des SDF, de troquer une partie des crédits pour le relogement d'urgence contre des couvertures chauffantes, j'aurais compris. Mais contre des gilets pare-balles, non ! Le ridicule a ses limites, même si je sais comme vous tous que, depuis Mme de Sévigné, il ne tue plus, hélas !» Faisant l'unanimité contre elle, Valérie Pécresse insiste un peu, parle de «recrudescence de la violence» et de crédits dont «chaque euro doit être dépensé». En vain. L'amendement n°439 est retoqué.

Outre le caractère ubuesque de la proposition de la ministre du budget, relevé çà et là sur le web, cette scène parlementaire aura eu l'avantage de révéler une chose: un fonds destiné au relogement d'urgence, doté si l'on en croit Valérie Pécresse de 5 millions d'euros, dort au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales depuis plusieurs années.

Encore méconnu, le Faru a été créé en 2006 dans le cadre de la loi de finances, après l'incendie meurtrier de l'hôtel Paris-Opéra du 15 avril 2005, dans lequel onze enfants et treize adultes avaient péri. Selon la circulaire qui en précise les modalités d'attribution, il est «destiné à apporter un financement aux communes qui prennent en charge, soit le relogement d'urgence de personnes occupant des locaux présentant un danger pour leur santé ou leur sécurité, soit la réalisation de travaux interdisant l'accès à ces locaux».

Créé dans un premier temps pour cinq ans et pour les communes seules, le Faru a été prolongé jusqu'en 2016 par la loi de finances pour 2011. Son champ d'application a également été étendu aux établissements publics locaux (EPL), ainsi qu'aux groupements d'intérêts publics (GIP).

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