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© Frédéric Helbert
"Je peux dégainer et poser mon flingue (un Glock flambant neuf) sur la table. Personne ne s'en émeut. Si j'allume une cigarette, c'est l'émeute chez les serveurs zélés". Ce témoignage d'un Beyrouthin, rapporté sur son blog par le journaliste indépendant Frédéric Helbert, résume parfaitement la colère qui gronde depuis le début de la semaine au Liban.

Le pays du Cèdre, considéré comme le "paradis des fumeurs", est le champion régional de la consommation de tabac (selon l'OMS, 46 % des Libanais et 31 % des Libanaises fument). Autant dire que l'entrée en vigueur lundi 3 septembre de la loi interdisant le tabac dans les cafés, restaurants et lieux publics fermés est loin, très loin, de faire l'unanimité, rapporte L'Orient-Le Jour.

"Interdire la cigarette, c'est un concept européen"

A Antélias, au nord de Beyrouth, de nombreux propriétaires de cafés et de restaurants ont ainsi organisé un sit-in pour protester contre la loi. "Les restaurateurs ont ensuite décidé de fermer leurs établissement pendant 24 heures et de former un comité chargé de résoudre le problème que représente l'interdiction de fumer dans les lieux publics fermés", rapporte le quotidien libanais. Les restaurateurs, principalement ceux qui proposent le narguilé sur leur carte, redoutent une forte baisse de leurs revenus.

Mais l'indignation des professionnels est également largement partagée par la population. En témoigne cette tirade excédée d'un fumeur dans un café de la Corniche, à Beyrouth, rapportée par Frédéric Helbert. "On peut kidnapper tranquille à Beyrouth, défourailler à Tripoli, cultiver de la drogue [...] respirer à pleins poumons la pollution des travaux qui envahissent Beyrouth, des dépôts d'ordures sauvages, des fumées d'échappements de camions déglingués et de vieilles chignoles rafistolées et notre gouvernement de désunion nationale ne trouve rien de mieux que de voter une loi antitabac ! chapeau les politiques !"

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© (AP Photo/Bilal Hussein)
Un sentiment d'absurde relayé par nombre de Libanais interrogés par l'AFP. "Il est bizarre ce Liban", commente un Tripolitain : "Il y est interdit de fumer, mais il est permis de kidnapper des gens". A la terrasse d'un café, Fleifel et Firas Ghali se délectent en fumant le narguilé tout en pestant contre l'Etat, qu'ils accusent de les priver d'une sorte de "défoulement" dans un pays miné par des années de guerre, d'instabilité et de problèmes économiques.

A ce sentiment d'injustice s'ajoute un argument culturel. "Interdire la cigarette, c'est un concept européen. Mais fumer le narguilé, c'est un mode de vie libanais et oriental et on veut nous priver de ça !", s'insurge Saad, 39 ans, à la terrasse d'un café-resto à Hamra.

Dans un pays où les gens excellent dans l'auto-dérision, les blagues commencent déjà à circuler : "Alerte : une boîte de cigarette a été retrouvée dans un local et les forces de sécurité ont investi les lieux". D'autres, comme Khaled El-Abed, sont plus sérieux : "S'ils vont appliquer la loi par la force, je vais couper les routes et brûler des pneus", lance avec défi ce propriétaire d'un café à Bab El-Tebbaneh.

Plusieurs pays du Moyen-Orient ont adopté des lois anti-tabac, mais leur application est souvent difficile dans des pays où fumer, notamment le narguilé, est très populaire.