Traduction Catherine pour ReOpenNews

Image
La décision de la Cour Européenne des droits de l'Homme de refuser de bloquer l'extradition vers les Etats-Unis du religieux musulman radical, Abu Hamza al-Masri, et de quatre autres personnes supprime l'un des derniers remparts externes contre l'émergence de notre Etat-Goulag.

Masri et les quatre autres, tous détenus dans des prisons britanniques, rejoindront bientôt les centaines d'autres Musulmans traduits aux Etats-Unis, au cours de la dernière décennie, devant les tribunaux fédéraux établis au titre de l'Article III. Les procès équitables sont peu probables. Une pratique inquiétante d'atteintes graves aux libertés civiles élémentaires, mise en place au nom de la sécurité nationale, a empoisonné notre système légal. Ces infractions incluent une surveillance envahissante, des chefs d'accusation flous, l'utilisation de la mise à l'isolement prolongé avant procès, la classification des preuves que l'accusé ne peut pas consulter et l'utilisation d'activités politiques, normalement protégées par le cinquième Amendement, pour démontrer l'état d'esprit et les intentions. Les musulmans poursuivis par les tribunaux de l'Article III se voient refuser la possibilité d'affronter leurs accusateurs et la protection de leurs associations religieuses et politiques, et ils trouvent rarement un juge assez courageux pour protéger leurs droits. Ces violations des libertés civiques fondamentales ne seront pas, en fin de compte, réservées exclusivement aux musulmans une fois que le corps de l'état se sentira assiégé. Ce qui leur arrive nous arrivera

"Un des malentendus de la dernière décennie est que le gouvernement a dû aller échapper à la loi à des endroits comme Guantanamo ou à Bagram pour restreindre les droits de suspects au nom de la sécurité nationale," a dit Jeanne Theoharis, professeur de sciences politiques à l'université de Brooklyn, qui est une critique véhémente de la restriction des droits dans les tribunaux de l'Article III. "Mais ce n'est pas le cas. La dégradation des droits qui a caractérisé la prison à Guantanamo a aussi affecté le système juridique aux États-Unis. Le droit de contester, le droit de voir les preuves qui pèsent contre vous, le droit au respect de la procédure, le droit à un procès équitable et rapide, le droit à un juge impartial, le droit à une peine juste et qui n'est pas disproportionnée, et le droit de ne pas être puni avant que vous ne soyez reconnu coupable, nous a été enlevé au nom de la sécurité nationale. Ce n'est pas seulement dans des prisons secrètes spéciales que cela arrive, mais aussi - d'une manière consternante - dans les tribunaux fédéraux américains."

Il ne s'agit pas ici de la culpabilité ou de l'innocence de Masri, un Égyptien qui a perdu un oeil et une main en tant que moudjahiddin combattant en Asie Centrale, qui a appelé à plusieurs reprises à la violence contre les États-Unis et a prétendument aidé à orchestrer cette violence. Il s'agit du droit de tout accusé à un procès juste et à des conditions de détention humaines. Une fois Masri arrivé sur le sol états-unien, il n'en aura aucun. Il devra, avant même qu'il ne soit jugé ou condamné, supporter les conditions de prison qui reproduisent la brutalité subie par ceux qui sont dans nos colonies pénales à l'étranger, y compris celle de Guantanamo Bay. Il entrera dans un monde d'isolement prolongé et psychologiquement destructeur, aggravé par l'application probable de ce qu'on appelle les mesures administratives spéciales. Il passera ses journées dans une cellule minuscule sous surveillance électronique constante. Au centre de détention métropolitain de New York, où Masri et les autres hommes seront très probablement d'abord incarcérés, on ne leur permettra jamais d'être en plein air. On lui permettra seulement de passer une heure par jour à l'extérieur de sa cellule, seul dans une cage. Masri et les quatre autres suspects pourront passer des années dans ces conditions avant le procès. À cause des restrictions de sécurité, il lui faudra attendre six mois pour recevoir des lettres de sa famille. Ses avocats pourront être poursuivis s'ils répètent en public ce qu'il leur dit, en particulier sur ses conditions d'incarcération.

Et, lorsqu'il passera en justice, il sera dans un tribunal de l'Article III, où les dispositions de sécurité nationale garantiront très vraisemblablement sa condamnation. Une fois reconnus coupables, lui et les autres vont probablement être envoyés à la prison fédérale de très haute sécurité (connue comme ADX), à Florence, Colorado, pour passer, potentiellement, le reste de leur vie à l'isolement. Là on lui permettra une heure par jour, au maximum, hors de sa cellule, à l'étroit dans une cage surnommée "l'aire à chiens" parce qu'elle ressemble à une niche pour chien. Ses repas lui seront livrés dans sa cellule par une fente. On ne lui permettra pas de travailler dans les ateliers de la prison ni d'accomplir la prière en commun, un principe essentiel de la foi musulmane. "La torture est légale aux États-Unis sous forme d'années d'isolement et d'utilisation de mesures administratives spéciales," a dit Theoharis quand nous avons parlé par téléphone. "L'administration Obama a non seulement refusé de tenir l'administration Bush responsable de tortures, mais maintient des conditions abominables dans des prisons fédérales. Et l'administration Obama a obstinément trompé la Cour européenne sur les conditions endurées par ces prisonniers.

Presque chaque Etat a maintenant une prison "SuperMax" (de très haute sécurité) semblable à la prison fédérale de Florence que l'ancien surveillant de l'ADX Robert Hood a appelé un jour "une version épurée de l'enfer." Ces prisons présagent un monde terrifiant où des citoyens désobéissants sont saisis, privés de leurs droits et cassés psychologiquement. Le professeur de droit Laura Rovner et Theoharis, qui est une ardente avocate de son ancien étudiant Fahad Hashmi, détenu dans la prison SuperMax de Florence, ont détaillé la détérioration de la justice dans un article de la Revue juridique universitaire américaine (American University Law Review.) Elles ont noté que l'altération du système légal fédéral "représente une façon particulière de voir la Constitution, de construire le paysage comme un terrain obscur rempli d'ennemis dissimulés où les droits doivent avoir des limites substantielles et où les tribunaux doivent être fermes contre de tels dangers." Les deux professeurs ont ensuite affirmé qu'alors que des spécialistes du droit et des avocats des droits de l'homme ont examiné les dangers de ces modèles à Guantanamo, ils faisaient défaut généralement pour reconnaître que "le système fédéral est, de la même façon, infecté par de tels modèles."

Il y a actuellement environ 25 000 prisonniers emprisonnés dans des établissements « SuperMax ». Ce sont, d'une façon disproportionnée, des musulmans et des gens de couleur. Pour beaucoup d'entre eux, y compris Hashmi, Dritan Duka, Oussama Kassir et Seifullah Chapman, leur implication dans des complots terroristes précis n'a pas été reconnue par les tribunaux, mais au lieu de cela, ils ont été incarcérés dans ces conditions pour leur "soutien matériel" au terrorisme. Les prisons sont équipées d'unités de logement spéciales pour ceux qui ne montrent pas de déférence appropriée à l'autorité. Ces "H-unités" détiennent des prisonniers sous des mesures d'administration spéciales, ou SAMS. Ils vivent dans des cellules de seulement 7 à 8 mètres carrés. Ils endurent un isolement social presque complet et la privation sensorielle aussi bien que la surveillance électronique 24 heures sur 24. Et c'est dans ces unités que même les plus résistants sont détruits psychologiquement.

L'isolement prolongé, dit Craig Haney, un psychologue de l'Université de Californie à Santa Cruz, qui a étudié les effets du régime d'isolement pénitentiaire, provoque en fin de compte "troubles de l'appétit et du sommeil, anxiété, panique, colère, perte de contrôle, paranoïa, hallucinations et auto-mutilations" aussi bien "que dysfonctionnement cognitif ... désespoir, perte de l'émotion ... et idées et comportement suicidaires. "Haney a constaté que "beaucoup d'effets négatifs de l'isolement pénitentiaire sont analogues aux réactions aiguës dont souffrent les victimes de traumatismes et de tortures." Masri, un homme robuste, qui autrefois était videur dans une boîte de nuit, est accusé de 11 charges de terrorisme, y compris la tentative d'installer un camp d'entraînement de terroristes dans une zone reculée de l'Oregon et la participation à un enlèvement au Yémen en 1999 dans lequel trois touristes britanniques furent tués. Il était basé au nord de la mosquée du Parc de Finsbury de Londres, que j'ai visitée plusieurs fois quand je couvrais Al-Qaida pour le New York Times. Sa rhétorique était toujours incendiaire et « conspirationniste », l'assurant de la couverture de la presse, que j'ai toujours soupçonné qu'il convoitait. Il appelait les attentats du 11/9, un complot juif et l'explosion de navette spatiale Colombia "la punition de Dieu." Richard Reid, le plastiqueur de chaussures malchanceux, dont j'examinais à Londres les relations passées, fréquentait la mosquée. Masri n'a jamais été un leader musulman important en Grande-Bretagne ni à l'étranger. Il a fait la Une surtout parce qu'il la cherchait. Il a été emprisonné l'année dernière en Grande-Bretagne sur les charges d'incitation au meurtre et à la haine raciale. Et c'est là-dessus que les États-Unis ont commencé le processus d'extradition.

Masri risque la prison à vie. Il sera extradé avec quatre autres personnes, y compris Khaled Al-Fawwaz, un Saoudien et Adel Abdul Bary, un autre Égyptien. Ces deux hommes sont accusés d'avoir aidé Oussama ben Laden à Londres et prétendument participé aux attentats à la bombe d'ambassades U.S en 1998 en Afrique orientale dans lesquels plus de 200 personnes ont été tuées et des milliers blessées. Babar Ahmad, un citoyen britannique détenu depuis 2004, sera aussi extradé. Il est accusé, avec Talha Ahsan, d'avoir utilisé son site Web maintenant fermé, Azzam.com, pour soutenir le terrorisme. Ahmad est gardé en détention en Grande-Bretagne sans procès depuis presque huit ans.

La décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, prise le 24 septembre après que les hommes aient demandé que la Cour bloque leur extradition, certifie en substance que des normes des prisons U.S. sont compatibles avec les droits de l'Homme européens. Ceci ouvre la porte à ce que n'importe quelle nation européenne recevant des demandes d'extradition des États-Unis livre rapidement des prisonniers aux autorités U.S. La décision est venue malgré le fait que 26 groupes de droits de l'Homme incluant l'ACLU (l »'Union pour la défense des libertés civiles »), le « Centre pour les Droits Constitutionnels », et les « Droits de l'homme d'abord » ont affirmé que les prisonniers seraient détenus dans des conditions inhumaines aux États-Unis. Les groupes de défense des droits de l'Homme ont prévu que la décision de la Cours aurait "de graves conséquences ... légitimant des conditions d'emprisonnement qui violent les droits de l'Homme."