La réélection de Barack Obama a exalté beaucoup de monde. Y compris les sécessionnistes américains.

Demonstration Texas
© Sylvester75117/Flickr/CCMeeting du Texas Nationalist Movement à Austin, en août 2009
Dans les jours qui ont suivi l'élection présidentielle, des individus dans pas moins de 30 Etats différents - républicains et démocrates - ont demandé à la Maison Blanche de leur « accorder pacifiquement » le droit de se retirer de l'Union.

Au moins deux de ces pétitions (le Texas et la Louisiane) ont atteint le seuil des 25 000 signatures en un mois, condition nécessaire pour déclencher une réponse de l'administration, selon le site de pétitions de la Maison Blanche We The People (une initiative d'Obama) sur lequel elles ont été postées. D'autres, comme la Floride, le Tennessee et la Georgie, pourraient suivre.

Ils veulent une « nation texane »

Pour Tim Wallace, auteur du blog séparatiste TexasSecede.org, signataire de la pétition texane :
« Les pétitionnaires sont surtout des personnes qui ont voté républicain lors de la dernière élection et qui pensent que le Président actuel est un "socialiste" qui va ruiner l'économie et leur voler leurs libertés.

D'autres, comme moi, pensent que le Texas s'en sortirait mieux en tant que République indépendante, plutôt que d'être plombé par les dépenses non contrôlées, les aventures militaires à l'étranger, les abus du système social et l'ingérence bureaucratique. »
Le séparatisme et nationalisme d'Etat n'ont pas disparu avec la guerre de Sécession, loin de là. En 2003, un groupe nommé Christian Exodus s'est fait remarquer en demandant l'indépendance de la Caroline du Sud. Son objectif : la transformer en nation... chrétienne.

Au Texas, qui fut indépendant de 1836 à 1845, le Texas Nationalist Movement affirme que plus de 250 000 personnes ont signé une charte qui définit l'établissement d'une « nation texane » comme le but ultime du groupe.

« Le système est cassé »

Depuis 2004, cette galaxie sécessionniste se retrouve aux congrès du Middlebury Institute, une organisation qui étudie et soutient le mouvement. Lors de son dernier rassemblement, il fut notamment question de créer une nouvelle fédération, « Novacadia », composée des Etats du Nord-Est américain.

Pour le directeur du Middlebury Institute, Kirkpatrick Sale, pape du sécessionnisme contemporain :

« Ces pétitions sont un phénomène formidable. Le peuple se rend compte que le système est cassé et ne peut pas être réparé. Nous avons besoin d'un nouveau système, pas de plusieurs systèmes. »

Les arguments utilisés pour justifier les requêtes varient :

celle d'Hawaï évoque « l'occupation coupable et illégale » de l'île par les Etats-Unis ;
celle de Virginie, les « mensonges, la corruption et les dissimulations » de l'administration Obama ;
celle du Tennessee parle simplement d'« aider les habitants du Tennessee » ;
celle du Texas cite le contexte économique :
« Les Etats-Unis continuent de souffrir de difficultés économiques provenant de la négligence du gouvernement fédéral face aux réformes des dépenses nationales et internationales. [...] Comme l'Etat du Texas a maintenu un budget équilibré et est la quinzième plus grosse économie mondiale, il est, en pratique, possible pour lui de se retirer de l'Union. »
Le gouverneur du Texas, le républicain Rick Perry, qui avait laissé entendre en 2009 que l'Etat pourrait quitter l'Union, a pris ses distances par rapport à la pétition texane, par la voix d'un porte-parole : tout en partageant « la frustration de beaucoup d'Américains vis-à-vis du gouvernement fédéral », « le gouverneur Perry croit en la grandeur de notre Union et rien ne doit être fait pour la changer ».

Des pétitions « vouées à l'échec » ?

Nos sécessionnistes peuvent toujours rêver de faire bande à part, mais pour Ruthann Robson, professeur de droit constitutionnel à l'université new-yorkaise CUNY (The City University of New York), il n'est pas possible pour un Etat de faire sécession :
« La Constitution explique comment rejoindre l'Union, mais pas comment en sortir. De plus, ces pétitions proviennent d'individus. Si un Etat voulait quitter l'Union, une instance représentative de cet Etat devra le proclamer. J'imagine que la sécession passerait alors par un accord politique. »
Kirkpatrick Sale, du Middleburry Institute, ne se fait guère d'illusions sur l'avenir des pétitions :
« Malheureusement, la méthode de la pétition est vouée à l'échec, cela revient à demander la liberté au maître. [...] Une fois que les pétitions seront refusées, je ne peux qu'espérer que les pétitionnaires décideront de se mobiliser pour demander à leur Etat de déclarer la sécession. »
Et dans la guerre des pétitions, les « unionistes » ne sont pas en reste. Toujours sur We The People, ils demandent à la Maison Blanche de déchoir de leur nationalité tous les signataires de pétitions sécessionnistes et de « les exiler ». Mercredi, leur demande avait recueilli un peu plus de 10 000 signatures.