Déchets alimentaires
© Jonathan Bloom, Nick Saltmarsh/FAO

Les consommateurs et les détaillants de denrées alimentaires peuvent, par de simples gestes, réduire considérablement les 1,3 milliard de tonnes de nourriture perdues ou gaspillées chaque année et contribuer ainsi à bâtir un avenir durable, selon une nouvelle campagne mondiale pour la réduction du gaspillage alimentaire lancée par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), la FAO et leurs partenaires.

La campagne Think.Eat.Save (Réduisez votre empreinte) vient appuyer l'initiative Save Food (gérée par la FAO et Messe Düsseldorf) qui vise à réduire les pertes et le gaspillage alimentaires le long de la chaîne de production et de consommation alimentaires. Elle s'inscrit aussi dans la logique des initiatives Faim Zéro du Secrétaire général des Nations Unies.

La nouvelle campagne cible spécifiquement les aliments gaspillés par les consommateurs, les détaillants et le secteur hôtelier et de la restauration. Elle mobilise l'expertise d'un certain nombre d'organisations, notamment WRAP (Waste and Services Action Programme) et Feeding the 5000 ainsi que d'autres partenaires, sans oublier les gouvernements nationaux qui bénéficient d'une expérience notable en matière de ciblage et de modification des pratiques entraînant du gaspillage.

Think.Eat.Save. vise à accélérer la lutte contre le gaspillage tout en offrant un portail pour une vision globale et le partage d'informations sur les nombreuses initiatives actuellement en cours à travers le monde.

Au niveau mondial, un tiers de la nourriture produite - soit en valeur environ 1 milliard de dollars - est perdue ou gaspillée dans les systèmes de production et de consommation alimentaires, selon les données recueillies par la FAO. Les pertes se produisent surtout dans les phases de production - récolte, transformation et distribution - alors que les gaspillages se produisent généralement au niveau du détaillant et du consommateur à l'autre bout de la chaîne d'approvisionnement alimentaire.

Selon la FAO, environ 95 pour cent des pertes et du gaspillage d'aliments dans les pays en développement sont des pertes involontaires qui surviennent aux premiers stades de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Ces pertes sont dues à des contraintes financières et de gestion et à des limitations dans les techniques de récolte, ainsi qu'à des défaillances au niveau du stockage et des installations de refroidissement là où les conditions climatiques sont difficiles. Elles sont dues également à des problèmes d'infrastructures, d'emballage et de commercialisation.

Cependant, dans le monde développé, la situation n'est pas idyllique. Lors de la fabrication des produits alimentaires et de la vente au détail, de grandes quantités de nourriture sont gaspillées en raison de pratiques inefficaces, de normes de qualité qui mettent exagérément l'accent sur l'aspect, d'erreurs sur les étiquettes de péremption et des comportements de consommateurs prompts à jeter la nourriture comestible suite à des achats non justifiés. A signaler aussi, parmi les causes de gaspillage, le stockage inapproprié et les repas disproportionnés.

Un gaspillage économique considérable dans les pays développés

Le volume des aliments gaspillés par habitant est compris entre 95 et 115 kg par an en Europe et en Amérique du Nord/Océanie, alors qu'en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et du Sud-Est, ce chiffre se situe entre 6 et 11 kg.

Selon WRAP, au Royaume-Uni une famille moyenne pourrait économiser 680 livres sterling par an (780 euros) et le secteur hôtelier et de la restauration, 724 millions de livres sterling (837 millions d'euros) si le problème du gaspillage était réglé.

« Au Royaume-Uni, nous avons montré comment la lutte contre le gaspillage alimentaire, au travers du dialogue avec les consommateurs et l'établissement de conventions collectives avec les détaillants et les marques, pouvait réduire les pressions environnementales et soutenir la croissance économique », souligne Liz Goodwin, présidente du conseil d'administration de WRAP.

« La croissance démographique en cours va accentuer la pression sur les ressources. Aussi sommes-nous heureux d'être les partenaires du PNUE et de la FAO dans cette campagne qui s'annonce sous de bonnes augures pour régler le problème du gaspillage alimentaire à l'échelle mondiale », ajoute-t-elle.

L'action de l'Union européenne

Comme dans d'autres parties du monde, l'Union européenne se penche sur la question du gaspillage alimentaire, et la Commission européenne pèse de tout son poids en faveur de cette nouvelle campagne.

« Dans l'UE, nous nous sommes fixé comme objectif d'ici à 2020 la réduction de moitié du gaspillage alimentaire et l'élimination de l'enfouissement. La Commission a l'intention de présenter, l'année prochaine, des idées sur la durabilité du système alimentaire en mettant l'accent sur le problème du gaspillage alimentaire », indique M. Janez Potočnik, Commissaire européen chargé de l'environnement.

« Moins de déchets alimentaires conduirait à une utilisation des terres plus efficace, une meilleure gestion des ressources en eau, une utilisation plus durable du phosphore, et cela aurait des répercussions positives sur le changement climatique. Notre travail s'inscrit parfaitement dans le cadre de cette initiative », affirme M. Potočnik.

Un gaspillage absurde

« Dans un monde de sept milliards d'individus qui devraient passer à neuf milliards en 2050, le gaspillage de la nourriture n'a aucun sens économique, environnemental ou éthique », affirme M. Achim Steiner, Sous-Secrétaire général et Directeur exécutif du PNUE.

« Outre les répercussions sur les coûts, il faut savoir que la terre, l'eau, les engrais et le travail requis pour faire pousser les aliments sont également gaspillés, sans compter les émissions de gaz à effet de serre produites à la fois par la décomposition des aliments dans les sites d'enfouissement et par le transport de la nourriture, qui est finalement jetée », fait valoir M. Steiner. « Pour faire émerger une vision d'un monde véritablement durable, nous devons transformer la façon dont nous produisons et consommons nos ressources naturelles. »

De son côté, M. José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO, souligne : « Ensemble, nous pouvons inverser cette tendance inacceptable et améliorer des vies. Dans les régions industrialisées, près de la moitié des aliments gaspillés, soit environ 300 millions de tonnes par an, sont le fait des producteurs, des détaillants et des consommateurs qui jettent la nourriture alors qu'elle est encore propre à la consommation. Ceci dépasse la production alimentaire nette totale de l'Afrique subsaharienne, et suffirait à nourrir les quelque 870 millions d'affamés que compte la planète. »

Et M. Graziano da Silva d'ajouter : « Si nous pouvons aider les producteurs à réduire les pertes grâce à de meilleures méthodes de récolte, de transformation, de stockage, de transport et de commercialisation, et allier cela à des changements profonds et durables des habitudes alimentaires, alors nous verrons un monde plus sain et libéré de la faim. »

« Aucun autre domaine n'est aussi emblématique quant aux opportunités qui permettraient l'avènement d'un monde beaucoup plus économe en ressources et plus durable. Et aucune autre question ne saurait mieux que celle-ci fédérer le Nord et le Sud, les consommateurs et les producteurs, partout dans le monde, autour d'une cause commune », affirme M. Steiner.

Le gaspillage alimentaire affecte la durabilité même de nos sociétés

Le système alimentaire mondial a de profondes répercussions sur l'environnement et le fait de produire plus de nourriture que ce qui est consommé ne fait qu'exacerber les pressions dont voici quelques exemples :
  • plus de 20 % de toutes les terres cultivées, 30 % des forêts et 10 % des prairies sont en cours de dégradation ;
  • au plan mondial, 9 % des ressources en eau douce sont exploitées, dont 70 % par l'agriculture irriguée ;
  • l'agriculture et les changements dans l'utilisation des terres, notamment la déforestation, contribuent pour plus de 30 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ;
  • globalement, le système agro-alimentaire représente près de 30 % de la consommation finale d'énergie disponible ;
  • la surpêche et la mauvaise gestion des pêcheries contribuent à la diminution du nombre de poissons : aujourd'hui, 30 % des stocks de poissons marins sont surexploités.

  • Pour que la campagne atteigne son gigantesque potentiel, tout le monde doit s'impliquer : les familles, les supermarchés, les chaînes hôtelières, les écoles, les clubs sportifs et sociaux, les chefs d'entreprises, les maires, les dirigeants nationaux et mondiaux...