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© AFP/Dimitar DilkoffBon an, mal an, près de 100 millions de tonnes de plastique seraient déversées dans les océans, tant à la surface que dans les grandes profondeurs et sur les plages du monde.
La santé des océans du globe est de plus en plus perturbée par une multitude de polluants qui ne cessent d'en accélérer la dégradation. Or peu de mesures ont jusqu'ici été prises pour tenter de protéger ces milieux très riches et essentiels au maintien de la vie sur Terre. Tout l'écosystème marin paie le prix de cette inaction, notamment en ce qui a trait à la prolifération du plastique dans ces vastes étendues d'eau.

L'athlète québécoise Mylène Paquette a constaté de ses propres yeux à quel point l'océan Atlantique est jonché de détritus. « Je n'ai pas vu un seul déchet, mais des dizaines et des dizaines. Les seules journées où je n'ai pas vu de déchets, c'est parce que j'étais à l'intérieur de la cabine de mon bateau. J'en apercevais tellement que ça devenait en quelque sorte banal. On devient blasé de voir des déchets tellement il y en a », explique celle qui a traversé l'an dernier l'Atlantique à la rame, de la Nouvelle-Écosse à la France.

Amante de la mer, elle se souvient particulièrement d'avoir aperçu beaucoup de morceaux de plastique flottant à la surface des eaux. « Je crois bien en avoir vu tous les jours », souligne-t-elle. Largement ignorée, cette situation n'a rien de très étonnant. Le plastique, que nous consommons abondamment depuis plus de 60 ans, se retrouve partout dans les océans du globe.

Selon les données du Programme des Nations unies pour l'environnement, cette matière très peu dégradable constituerait plus de 80 % des débris qu'on retrouve dans ces vastes étendues d'eau. Bon an, mal an, près de 100 millions de tonnes de plastique seraient déversées dans les océans, tant à la surface que dans les grandes profondeurs et sur les plages du monde. La grande majorité provient de la terre ferme et est transportée au gré des bassins versants.

Continents de déchets

Comme l'utilisation de ce matériau - dont la fabrication engloutit près de 10 % de la production pétrolière mondiale - est relativement récente, sa présence n'est mieux documentée que depuis quelques années. En fait, on s'y intéresse davantage depuis que l'océanographe américain Charles Moore a découvert au début des années 2000 « le continent de déchets » du Pacifique. Cette zone, située entre Hawaï et la Californie, concentre des millions de tonnes de détritus amenés là par les courants marins. On sait maintenant qu'il existe huit de ses « continents » dans le monde.

La majorité des déchets qu'on y retrouve sont faits de plastique, un produit dont la dégradation libère divers composés toxiques. Cette substance s'immisce dans toute la chaîne alimentaire. Dans les poissons, qui en ingurgitent des morceaux en les confondant avec leur nourriture. Dans les oiseaux, qui mangent des poissons ou qui nourrissent leur progéniture carrément avec du plastique.

Pour Mylène Paquette, il est tout simplement aberrant que l'humanité consomme autant de produits en plastique. « Par exemple, ça n'a aucun sens qu'on mange encore avec des fourchettes et des cuillères en plastique. Je rêve du jour où ce sera gênant. Et même si on utilise davantage les sacs réutilisables, il y a encore beaucoup de sacs de plastique. »

« Un tiers du plastique produit dans le monde est transformé en emballages jetables et utilisés une seule fois », souligne d'ailleurs le professeur en conservation marine Callum Roberts dans son livre Océans : la grande alarme. Plusieurs espèces se « nourrissent » de ces sacs et en meurent. Près du tiers des tortues marines en auraient dans l'estomac. Les engins de pêche perdus en mer constituent aussi une réelle menace pour toute la faune.

Océans invisibles

Comment se fait-il que l'humanité ait si peu de considération pour les océans ? « On protège et on défend ce qu'on aime, fait valoir Mylène Paquette. Tout le monde se lève pour défendre les phoques, parce que ça suscite une émotion chez plusieurs personnes. Mais si on parle des océans, les gens voient une grande étendue d'eau qui est à première vue très dangereuse à fréquenter. Ils voient aussi une frontière qui prend des heures à traverser en avion. Et c'est difficile de protéger un milieu qu'on ne connaît pas et envers lequel on a beaucoup de préjugés. »

Seule, au milieu de l'Atlantique, elle dit avoir découvert au contraire que l'océan est d'abord un écosystème riche et complexe. « C'est un milieu de vie incroyable. J'avais l'impression de vivre dans un documentaire de Discovery Channel. J'ai vu des poissons et des oiseaux tous les jours. J'ai aussi été accompagnée pendant dix jours par un troupeau de globicéphales. C'est merveilleux de voir tout cela. »

Mme Paquette se fait d'ailleurs un devoir de faire connaître un peu mieux la fragilité des océans. « Nous avons un impact sur cela, même si nous avons encore l'impression qu'il s'agit d'un puits sans fond. Mais nous sommes en train de détruire des pans entiers de la chaîne alimentaire. » Le message, selon elle, doit être entendu de toute urgence. « À long terme, c'est une question de santé publique. Les océans, c'est un immense garde-manger. Donc, la santé des océans, c'est aussi notre propre santé. Si on continue de maltraiter les océans, on va en payer le prix collectivement. »

Hydrocarbures et autres toxines

En plus des dizaines de millions de tonnes de déchets qu'on y jette, les océans subissent les impacts des nombreux déversements de diverses substances toxiques. Cela comprend les eaux usées transportées par les cours d'eau, mais aussi les rejets d'hydrocarbures. Depuis la marée noire provoquée par l'Exxon Valdez en 1989, plus de 500 déversements importants se sont produits dans le monde. Les effets à long terme des marées noires
demeurent relativement peu connus. Le cas du déversement survenu en 2010 dans le golfe du Mexique permet cependant de démontrer que la pollution pétrolière demeure bien présente dans tout l'écosystème, même après quelques années.