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© Flickr/KJGarbuttUne notice sur deux de statines ne fait pas état de l'effet diabétogène du médicament.
Nouvelle polémique autour des statines: elles seraient responsables de cas de diabète. En exclusivité pour L'Express, le docteur Philippe Nicot, qui a dirigé une thèse consacrée à l'effet diabétogène du traitement, revient sur ce travail qui replace une fois de plus les statines au cœur du débat.

Plus de six millions de personnes en France traitent leur cholestérol avec des statines. Or leur effet diabétogène, prouvé par la thèse de Frédérick Stambach, est encore méconnu.

Philippe Nicot, médecin généraliste depuis 24 ans et membre du Formindep, association qui se bat pour une médecine indépendante du marketing des laboratoires pharmaceutiques, a dirigé cette thèse dont l'élaboration a duré deux ans, pendant l'internat de Frédérick Stambach, 31 ans. Le docteur Philippe Nicot dévoile, en exclusivité pour L'Express, les principaux enjeux de cette recherche qui pose de nouvelles questions autour de la consommation des statines.

Rares sont en effet les études qui aboutissent à des conclusions positives concernant le médicament, souvent accusé de provoquer des atteintes musculaires. Le scientifique Philippe Even était allé jusqu'à clamer son inutilité. Les statines restent donc sujettes à polémique. La thèse de Frédérick Stambach ne fait pas exception.

Comment est née l'idée de cette thèse?

Il y a deux ans, j'échangeais avec un collègue cardiologue sur le cas d'un patient qui prenait des statines, et j'ai découvert une alarme de la FDA (Food and Drug Administration, aux États-Unis NDLR), qui disait que les personnes traitées avec des statines pouvaient voir le taux de sucre dans leur sang augmenter et un diabète de type 2 se développer. J'ai alors décrit très précisément, pendant des heures, le cas de mon patient et ai envoyé mes conclusions au centre de pharmacovigilance. J'en ai fait de même avec un deuxième cas similaire. A partir de ce deuxième sujet, j'ai su qu'il fallait en faire un travail de thèse. J'ai alors soufflé l'idée à Frédérick Stambach.

A quelles conclusions a abouti la thèse de Frédérick Stambach?

En réalisant une recherche systématique parmi tous les patients consommant des statines et en étudiant leur taux de sucre dans le sang, nous avons remarqué que ces deux facteurs semblaient liés. On a aussi remarqué le message clair de l'EMA (l'Agence Européenne du Médicament), qui alertait quant à l'effet diabétogène des statines, et le fait qu'il n'était pas pris en compte. Nous avons parcouru plus de 250 résumés caractéristiques de produits pour tous les types de statines, destinés aux médecins, mais aussi les notices, plutôt pour les patients. Nous avons découvert que cet effet secondaire n'était évoqué que dans 53% des cas. Là, on s'est dit qu'il y avait du retard à l'allumage et que cet effet secondaire n'était pas assez connu. A part les revues internationales, même les médecins n'avaient pas grand chose pour être informés.

Des alertes concernant l'effet diabétogène des statines ont été lancées aux États-Unis et au niveau européen, mais rien en France. Pourquoi?

Je n'en sais rien. Nous avons adressé une lettre au professeur Maraninchi, le directeur général de l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) afin de l'informer de ce travail et de lui demander quelques informations mais notre courrier est resté, pour le moment, lettre morte. En France, on a toujours un peu de mal. On observe un certain attentisme.


Commentaire : Où comment prendre des gants, voire même, disons-le, manier la langue de bois, pour répondre à une question dont la réponse se trouve 3 paragraphes plus bas : « Le marché des statines est le plus gros marché médicamenteux dans le monde. » Comment s'étonner que les médecins, en cheville avec les labos, continuent à prescrire des médicament qui rapporte des valises de biftons?


Quels pourraient être les effets des découvertes de cette thèse sur le grand public?

Les statines sont une question sensible, notamment au niveau médiatique. Il ne faut pas que les gens aient peur. Il faut que l'information passe correctement. Les médecins doivent être informés, tranquillement, de même que les patients. En cas de diabète, il n'y a pas de raison de paniquer. Avec mes patients, ces informations ont donné lieu à de grandes discussions très constructives. Dans tous les cas, il faut apprendre à gérer sereinement les effets secondaires.


Commentaire : On pourrait dire qu'avec tous les scandales médicaux de ces dernières années, la question de la médication a de quoi « sensibiliser » la populace non?
Là encore, on nous conseille de ne « pas paniquer. » Ben oui, le diabète, tout le monde le sait, c'est pas plus grave qu'un rhume. D'ailleurs, il le confirme dans le paragraphe suivant, encore une fois : « Tandis que le diabète, aucun doute, c'est un facteur. Il augmente le risque d'être victime d'une maladie cardio-vasculaire. Quand un patient développe un diabète, il majore la perspective de gravité de son cas. » On a donc compris qu'il faut prendre ça tout à fait « tranquillement », main dans la main avec notre médecin, celui-là même qui nous a prescrit ledit médicament.


Est-il pire de souffrir de cholestérol ou de diabète?

Il m'est difficile de répondre. On se pose la question de savoir si le cholestérol est facteur ou marqueur de risque. Il y a de grands désaccords. Tandis que le diabète, aucun doute, c'est un facteur. Il augmente le risque d'être victime d'une maladie cardio-vasculaire. Quand un patient développe un diabète, il majore la perspective de gravité de son cas. Mais si les statines donnent du diabète, peut-être faut-il diminuer la dose ou arrêter complètement la prescription. La question scientifique n'est pas réglée.


Commentaire : On croirait presque à une plaisanterie. En fait, nous devons choisir, oui, entre la peste et le choléra. Comprenons bien ; apparemment nous n'avons pas le choix : il est normal de tomber de charybde en scylla avec la médecine moderne. Donc, on se la boucle, on ne réfléchit plus, si on veut « soigner » le cholestérol, ben faut accepter d'avoir le diabète.


Quel rôle jouent les firmes pharmaceutiques dans la commercialisation des statines?

Le marché des statines est le plus gros marché médicamenteux dans le monde. Les firmes pharmaceutiques doivent faire leur travail, c'est-à-dire mettre à jour leurs documents. Elles doivent faire en sorte que l'effet secondaire soit indiqué dans les résumés caractéristiques des produits ainsi que sur les notices. Mais il est clair que l'industrie pharmaceutique rechigne.


Commentaire : Nous voilà rassuré. Les labos doivent juste « mettre à jour leurs documents », et pouf ! le problème sera résolu. Pourquoi donc prendre le temps de parler de la mise sur le marché d'un médicament sans effets secondaires, qui ne tuerait pas les gens et qui, miracle, guérirait les malades ?


Espérez-vous une prise en compte du dossier par les pouvoirs publics?

Bien sûr. Nous n'avons pas publié pour publier! Il faut maintenant que les institutions jouent leur rôle. L'ANSM doit demander des enquêtes, pouvoir accéder aux données nécessaires, qui sont détendues par Caisse nationale de l'assurance maladie, comme cela a été fait avec la pilule ou avec le Mediator. Depuis quelques années, on observe une inflation de plus de 50% dans les prescriptions de statines. Et on observe que le diabète a, lui aussi, augmenté. Il faut découvrir combien de diabètes sont dûs au médicament. Mais sans données chiffrées, cela n'est pas possible.

Faut-il arrêter de prescrire des statines?

Je ne répondrai pas à cette question parce que, délibérément, elle n'a pas été abordée dans la thèse. C'est une interrogation bien trop compliquée, et qui fait grandement débat, depuis longtemps, notamment dans les grandes revues internationales. Ce n'est donc pas possible de trancher comme ça, maintenant. Pour ce faire, ce n'est pas une thèse qu'il faudrait, mais beaucoup plus!


Commentaire : Drôle d'excuse que de ne pas répondre à une question parce qu'elle n'a pas été « abordée dans la thèse ». Loin d'être compliquée, la réponse est au contraire très simple.