Image
© Inconnudiethylstilbestrol
J'ai déjà laissé 6 billets dans ce blog sur le bisphenol A (BPA) dont le dernier en date au sujet du transfert par l'épiderme directement dans le sang de ce produit se trouvant abondamment sur la surface thermosensible des tickets de caisse, de distributeurs de billets et autres reçus qu'on s'empresse de prendre à pleine main et d'archiver pour bien s'assurer qu'on se contamine.

C'est déjà alarmant mais si on se penche sur la composition de n'importe quelle crème solaire ou encore de beaucoup de préparations anti-transpiration, les fameux déodorants, ces produits cosmétiques contiennent des benzophénones tout aussi dangereuses que le BPA en interférant avec l'action de l'estradiol chez la femme et de la testostérone chez l'homme avec comme résultat une réduction notoire de la fertilité.

Malgré des demandes réitérées des pays du nord de l'Europe auprès des instances européennes pour faire interdire au plus vite ces produits (Nordic Council qui comprend les pays scandinaves, le Danemark et l'Islande) il est accablant de constater que la législation de l'Union Européenne est bloquée par l'intense lobbying des industriels de la chimie. Ce serait œuvrer pour la santé de la population que d'imposer la réduction de l'utilisation de ces produits dangereux. De plus le coût social des perturbateurs endocriniens a été estimé selon ce rapport à 4,7 milliards de couronnes par an dans l'hypothèse la plus favorable (voir infra pour les coûts en euros).

Les industriels de la chimie sont à blâmer car ils n'ont réalisé que des études de toxicité qualifiées de dilettantisme ( ! ) par la Ministre de la santé danoise Kirsten Brosbøl : « Je suis vraiment contrariée que ce soient les contribuables qui paient pour les dangers des perturbateurs endocriniens alors que les industriels réalisent des économies en ne déterminant pas correctement les propriétés biologiques de leurs produits ». Le rapport de 90 pages du Nordic Council (Norden) est éloquent bien qu'il ne concerne que les conséquences sur les organes reproducteurs de l'homme des perturbateurs au niveau des récepteurs des androgènes (AR) et des oestrogènes (ER) :

Image
© Inconnu
Le cas du diethylstilbestrol (DES) est là pour le rappeler, les perturbateurs endocriniens agissent sur plusieurs générations. Les filles dont les mères avaient suivi un traitement avec cet œstrogène artificiel dans les années 1940-1970 souffrent d'une forme rare de cancer du vagin puis on s'est rendu compte que plus de 90 % de ces jeunes femmes présentaient des problèmes variés de fertilité avec un accroissement considérable des cas de fibromes et d'endométrioses. Quant aux descendants mâles ils présentaient toute une série de pathologies concernant l'appareil génito-urinaire. Le DES et ses conséquences représente un cas « d'école » aidant à situer l'effet des perturbateurs endocriniens.
Le tableau figurant page 2 du rapport est éloquent mais ce n'est qu'un aperçu des 194 substances reconnues définitivement comme étant des perturbateurs endocriniens parmi les 1000 autres substances suspectes pour lesquelles aucune étude vraiment sérieuse n'a été effectuée. Sur les 37917 substances chimiques répertoriées dans l'EINECS (Europe Inventory of Existing Commercial Chemical Substances) 9,2 % présentent des activités prédites par la modélisation moléculaire comme pouvant être des antagonistes des androgènes au niveau du récepteur de ces derniers sans même mentionner des activités pouvant perturber la synthèse des androgènes elle-même. Et comme la plupart de ces substances n'ont jamais été testées en détail, bien que certaines d'entre elles aient été retirées du marché, il reste qu'on est toujours exposé à ces produits.
La preuve de la toxicité de ces produits sur les organes génitaux n'est plus à démontrer, les statistiques le montrent pour l'Europe : plus de 15000 cancers des testicules, plus de 100000 hommes virtuellement stériles, 11000 hypospades et 26000 cryptorchidismes tous reliés aux perturbateurs endocriniens. Les industriels de la chimie répondent qu'aucune relation de cause à effet n'a pu être apportée pour ces statistiques pourtant claires. Dans le doute le rapport, considérant que seulement 20 % des pathologies mentionnées ci-dessus pour l'homme sont effectivement la conséquence des perturbateurs endocriniens, le coût pour la société européenne reste de 1,27 milliard d'euros par an !

Ce qui est à déplorer selon la Ministre Kirsten Brosbøl c'est l'argumentation des industriels qui mettent en avant le coût extravagant qu'entrainerait l'étude détaillée de toutes ces molécules chimiques utilisées dans une multitude d'applications. Les régulateurs européens ne sont donc pas prêts (et ne le seront peut-être jamais) à prendre des décisions interdisant au moins l'usage des perturbateurs endocriniens dans les produits d'hygiène quotidienne puis de procéder par étapes afin d'obtenir éventuellement une interdiction des produits les plus dangereux. Les industriels trouveront toujours une parade triviale comme dans le cas du bisphénol-A qui a été remplacé par le bisphénol-S. Difficile d'être optimiste devant une telle situation car les enjeux économiques des industriels dépassent l'imagination ...