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© AFP PHOTO/ JAVIER SORIANOLa loi sur la sécurité publique, jugée liberticide par ses détracteurs, a provoqué de nombreuses manifestations, comme ici, le 14 février dernier.
En profitant de leur majorité absolue au Parlement espagnol pour approuver, en solitaire et contre tous les autres partis, une nouvelle loi sur la sécurité publique, les conservateurs du Parti populaire ont adressé un message à la frange la plus radicale de l'électorat de droite espagnol. Surnommée « Ley mordaza » - « loi bâillon »- par ses détracteurs, elle est considérée comme liberticide par l'opposition et de nombreux mouvements sociaux.

Depuis que la loi sur la sécurité publique a été présentée en Conseil des ministres, le 29 novembre dernier, la polémique n'a cessé d'enfler, en Espagne et au-delà. Et le vote par le Parlement de cette même loi, le 26 mars dernier, a renforcé encore le débat. En Espagne, la mémoire des 40 ans de franquisme a laissé des traces. Et chaque loi qui censure, règlemente ou restreint les libertés publiques, a extrêmement mauvaise presse.

En l'occurrence, la loi sur la sécurité publique va encore plus loin. Qu'on en juge : le fait de photographier un policier en service pendant une manifestation peut coûter jusqu'à 600 euros ; le fait de protester face au Sénat, devant la Chambre nationale des députés à Madrid, ou tout Parlement régional peut être puni de 30 000 euros d'amende, tout comme brûler un container ou encore refuser de décliner son identité à un agent des forces de l'ordre. Et si on est à l'origine de l'organisation d'une activité festive dans un endroit proscrit par les autorités, on risque jusqu'à 600 000 euros de contravention...

Les conservateurs veulent en finir avec les manifestations

Des peines pour le moins rudes, qui s'expliquent notamment parce que les conservateurs du Parti populaire, au pouvoir depuis décembre 2011, ont en horreur le souvenir de ces dernières années, avec son lot de manifestations innombrables contre les coupes budgétaires, pour l'Education, contre les députés nationaux, contre certains membres du gouvernement accusés de corruption...

Pour les députés PP, « trop c'est trop » : la rue ne peut pas être aussi agitée aussi faut-il dissuader les esprits rebelles. L'objectif poursuivi est également de restaurer le prestige de la police, via l'intimidation. Une police notamment stigmatisée pour des passages à tabac très violents lors de plusieurs manifestations. Des scènes filmées dont les images ont tourné massivement sur internet.

Un message à l'extrême droite

Il y a aussi clairement une manœuvre électorale dans cette loi répressive. Des élections régionales importantes sont prévues fin mai et des législatives nationales sont programmées en novembre. Les conservateurs, auxquels les sondages ne sont pas favorables, ont besoin de mobiliser leur électorat le plus radical, le plus idéologique, dans un pays qui ne compte aucun parti étiqueté à l'extrême-droite.

La preuve, c'est qu'en plus de cette loi, le Code pénal sera durci aussi à partir du 1er juillet prochain. La principale modification, ce sont les « peines de prison à durée révisable ». En clair, tout prisonnier ayant purgé la peine maximale de 40 ans pourra retourner derrière les barreaux si la justice estime que c'est mieux pour la société. Les ONG de défense des droits de l'homme ont multiplié les manifestations et pétitions pour s'opposer à cette loi. Et le chef de l'opposition socialiste, Pedro Sanchez, a promis que dès son arrivée au pouvoir, il reviendra sur cette mesure et sur l'ensemble de la nouvelle législation de limitation des libertés publiques.