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Nouvel attentat, nouvelle justification de la surveillance et du projet de loi renseignement. Mais que demanderont de plus les responsables politiques lorsque la loi renseignement entrera en vigueur, et que se produira tout de même un nouvel attentat ?

C'est, espérons-le, la dernière fois qu'il pourra dire cela. "Ce nouvel attentat confirme l'impérieuse nécessité du projet de loi renseignement", a tweeté vendredi le député Eric Ciotti (Les Républicains), en guise de première réaction à l'attentat commis ce matin en Isère, qui a fait un mort et plusieurs blessés. D'ici maximum un mois, la loi sera promulguée au Journal Officiel et entrera en vigueur aussitôt que le président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) aura été désigné, ce qui devrait se faire rapidement.



Mais si c'est la dernière fois qu'Eric Ciotti peut ainsi trouver prétexte à un attentat pour justifier la loi renseignement adoptée cette semaine par le Parlement, ce n'est, hélas, certainement pas le dernier attentat en France. Il est même à craindre, en raison de la situation géopolitique et des tensions communautaires plus vives que jamais en interne, qu'il y en ait rapidement d'autres.

Or c'est toute la question qui se pose : que demanderont Eric Ciotti et tous les partisans de la logique sécuritaire lorsque se produira le nouvel attentat ?

La question n'est pas de savoir s'il aura lieu mais quand. Et lorsqu'il aura lieu, que demanderont encore de plus, en renoncement aux droits de l'homme, ceux qui ont déjà obtenu que l'on fasse surveiller par des machines le comportement des hommes et des femmes, en recoupant leur activité privée avec des schémas comportements réputés typiques des terroristes ? Faudra-t-il affiner les algorithmes pour mieux cibler, ou les élargir pour ne plus manquer personne ? Faudra-t-il aller plus loin encore dans la discrimination, notamment religieuse, au prétexte que ceux qui commettent des attentats ont très souvent la même obédience ?

Infinite loop

Le projet de loi renseignement a enclenché, comme la loi anti-terroriste de novembre 2014, une spirale du sécuritaire dont on ne sait où elle peut s'arrêter. Si elle le peut.

Pourtant, une fois encore, comme c'est systématiquement le cas, il semble que l'identification des potentiels terroristes ne soit pas en cause. "Un individu d'une trentaine d'années connu des services de la DGSI a été interpellé", nous dit déjà le Dauphiné Libéré. La surveillance à outrance n'est pas la solution. Elle ne l'a jamais été et ne le sera jamais. La réponse au terrorisme ne peut être que politique. Elle commence par refuser la censure qui n'a jamais été qu'huile sur le feu dans toutes guerres, et par une interrogation sur la réponse collective que l'on veut opposer au terrorisme : abandonner nos libertés pour tenter d'être en sécurité, ou risquer notre sécurité pour conserver nos libertés ?

S'il faut faire un choix, il faut préserver ce que l'on veut avoir comme définition de nos valeurs. Sommes-nous un peuple qui veut la liberté, ou un peuple qui veut la sécurité ?

Il n'y a pas de bonne réponse. C'est un débat de société, qu'il faut avoir impérativement avant que le glissement vers le sécuritaire ne devienne irréversible. En faisant adopter sa loi renseignement dans l'urgence et dans l'émotion, avec la totalité des articles adoptés en première lecture par les députés moins d'un mois après la divulgation du texte, le gouvernement a privé le peuple de ce débat.