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Plus de soixante millions. En moins de trois jours, c'est le nombre de personnes qui ont vu « Kony 2012 », la vidéo de l'ONG américaine Invisible Children.

Qu'est-ce qui se cache derrière cette vidéo qui a réussi à captiver plusieurs dizaines de millions de personnes à propos de Joseph Kony, un chef de guerre ougandais quasiment inconnu du grand public ?


Qui est ce Joseph Kony ?

Ce film-documentaire d'une demi-heure a un objectif simple :
« Faire connaître Joseph Kony, non pas pour le célébrer, mais pour encourager son arrestation et établir un précédent pour la justice internationale. »
Cet Ougandais, qui dirige la LRA (« L'armée de résistance du Seigneur ») a déjà enrôlé des dizaines d'enfants soldats, réduit des jeunes filles en esclavage, torturé des civils et semé la terreur sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne, au Nord de ce pays d'Afrique noire.

L'ennemi juré de Kony, c'est Yoweri Museveni, le président ougandais, contre qui il se bat depuis les années 80. Depuis plusieurs années, nul ne sait où se terre Kony, qui continue d'envoyer ses sbires terroriser et kidnapper la population.

En détournant les codes de l'élection présidentielle américaine et en utilisant tout un tas de nouvelles technologies (réseaux sociaux, géolocalisation...), l'ONG Invisible Children veut attirer l'attention des médias et des politiques sur ce conflit, souvent méconnu.

L'objectif ? Que Kony soit traduit devant les tribunaux, et notamment devant la Cour pénale internationale, où il est réclamé depuis 2005 pour crime contre l'humanité et crimes de guerre.

Kony 2012, une opération controversée

Depuis la mise en ligne de la vidéo, quelques voix se sont élevées pour dénoncer ici une « simplication » de la situation sur place, là l'opacité de l'ONG aux manettes.

« Visible Children » - un blog mis en place pour dénoncer les zones d'ombres de l'ONG et de sa campagne - note que les dépenses sur le terrain ne comptent que pour une part minoritaire de ses dépenses.

L'ONG se montre en revanche plus dispendieuse en ce qui concerne les « awareness products », comprendre les divers produits destinés à communiquer et à faire entendre leur voix : films, posters...

« Visible Children » note également que le site Charity Navigator, qui attribue des notes aux ONG et aux organisations de charité, n'a attribué qu'un modeste 2 sur 5 à Invisible Children dans la catégorie transparence.

Sur son site, l'ONG se défend :
« Nous ne défendons aucune des violations des droits de l'homme perpétrées par le gouvernement ougandais. Aucune des sommes données à Invisible Children n'ont financé le gouvernement ougandais. Pourtant, la seule façon de stopper Kony est de protéger les civils qu'il cible et de coordonner nos efforts avec les gouvernements régionaux. »
Partisans d'une intervention militaire et d'un régime contestable

A plusieurs reprises dans la vidéo, Invisible Children se prononce en faveur de l'envoi de troupes américaines sur le terrain, et sollicite même plusieurs hommes politiques en ce sens, en vain.

Lorsque Barack Obama décide finalement, au mois d'octobre dernier, d'envoyer des troupes de maintien de la paix et de formation pour assister les forces ougandaises, on voit l'équipe d'Invisible Children exulter.

Sauf que l'armée et le régime de Yowuri Mosoveni, qu'Invisible Children soutient également, ne sont pas exempts de critiques. Et sont même accusés de pillages et de viols.

La réalité du terrain a beaucoup changé

Un article publié sur le site de la très prestigieuse revue Foreign Affairs évoque les petits arrangements pris par certaines ONG en Ouganda :
« Dans leurs campagnes, des organisations [comme Invisible Children, ndlr] ont manipulé certains faits pour des objectifs stratégiques, exagérant l'ampleur des enlèvements et des meurtres perpétrés par la LRA et leur utilisation d'enfants soldats. »
Cela fait plusieurs années que Kony a disparu des radars... et ne serait plus en Ouganda.

Une autre organisation internationale, Oxfam, demandait l'envoi de troupes pour s'interposer aux forces de Kony, mais pas en Ouganda. A quelques centaines de kilomètres, de l'autre côté de la frontière congolaise, où Kony et ses troupes ont concentré leurs attaques depuis plusieurs mois.

L'ONG se défend

Dans une vidéo postée lundi, le directeur financier d'Invisible Children a tenu a répondre à quelques unes des critiques formulées à l'encontre de l'ONG. « Cela a parfois été difficile de lire certain commentaire à propos d'Invisible Children » explique-t-il.


l défend le modèle d'Invisible Children (production de vidéo, campagnes de sensibilisation, action sur le terrain) : « c'est ce que nous faisons et nous y tenons ».

Il détaille ensuite ses finances et affirme :
« Toutes les affirmations selon lesquelles nos finances ne sont pas transparentes ou qu'elles ne sont pas auditées par une entreprise indépendante chaque année ne sont tout simplement pas vraies. »
L'ONG a également lancé une initiative sur Twitter où on peut leur poser des questions en utilisant el mot-clé « #askicanything » ou leur compte Twitter.