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Alors qu'on sait depuis une trentaine d'années que la consommation excessive d'alcool est liée à une augmentation du risque de cancer, le mécanisme en jeu restait en partie mystérieux. Une équipe américaine l'aurait élucidé : quand l'organisme métabolise l'alcool, une substance appelée acétaldéhyde est formée et ce serait elle qui endommagerait notre ADN.

L'alcool dégradé en substance cancérigène dans l'organisme

L'équipe du Pr. Silvia Balbo de l'Université du Minnesota a découvert que la dégradation par l'organisme de l'alcool implique la formation d'acétaldéhyde. Cette substance est chimiquement très proche du formaldéhyde, connu pour son pouvoir cancérigène. De précédentes expériences en laboratoire avaient souligné que l'acétaldéhyde pouvait endommager l'ADN, favoriser des anomalies génétiques dans des cultures de cellules et s'avérer cancérigène chez l'animal.

"L'acétaldéhyde s'attache à l'ADN - le matériel génétique à l'origine des gènes - de telle manière qu'il forme des "adduits à l'ADN". Cette perturbation de l'activité génétique conduirait à une augmentation du risque de cancer" précise le Pr. Silvia Balbo.

Pour tester leur hypothèse, l'équipe a donné à 10 volontaires des doses croissantes de vodka (comparable à une, deux et trois shoots) une fois par semaine pendant trois semaines. Ils ont pu constater que le taux d'un adduit d'ADN lié à l'acétaldéhyde est multiplié par plus de 100 dans les cellules de la sphère ORL (les plus exposées à l'alcool ingéré) dans les 4 heures qui suivent l'ingestion de l'alcool, avant de décliner dans les 24 heures. Les niveaux d'adduits ont également augmenté dans les cellules sanguines.
L'organisme possède des moyens de protection

"Nous avons maintenant la preuve que chez l'homme que l'acétaldéhyde formé après consommation d'alcool endommage l'ADN de manière spectaculaire" estime le Pr. Balbo, qui précise néanmoins que nous possédons tous des sentinelles biologiques qui veillent à réparer et à maintenir l'intégrité de notre matériel génétique. Ainsi, la plupart des personnes buvant raisonnablement ne vont pas avoir de cancer, même si l'alcool est lié à d'autres problèmes de santé.

De plus, la plupart d'entre nous avons une enzyme appelée déshydrogénase, qui convertit rapidement l'acétaldéhyde en acétate, une substance relativement inoffensive. Mais certaines personnes ne sont pas en mesure de réaliser cette conversion parce qu'ils ont un variant du gène de l'alcool déshydrogénase. En conséquence, ils sont plus susceptibles de développer un cancer de l'œsophage lié à la consommation d'alcool. Environ 30 % des personnes d'ascendance asiatique ont cette variante.

Ces résultats seront présentés lors de la réunion annuelle de la société américaine de chimie à Philadelphie. Les données et conclusions de ces travaux doivent être considérées comme préliminaires tant qu'ils n'ont pas été publiés dans une revue médicale avec comité de lecture.

David Bême