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(AFP) - Comme les antibiotiques, les somnifères ne doivent plus être automatiques chez les personnes âgées, car les vraies insomnies sont rares après 65 ans et les traitements souvent associés à des effets indésirables, selon la Haute Autorité de santé (HAS).

En dépit d'appels à la modération déjà lancés dans le passé, 3,5 millions de personnes âgées, soit un tiers des plus de 65 ans, continuent à consommer des somnifères en France.

C'est trois à cinq fois plus que dans les autres pays européens, souligne la HAS qui a lancé mardi une nouvelle campagne de sensibilisation auprès des professionnels de santé et du grand public.

« Après 65 ans, le sommeil se modifie, le temps de sommeil est plus court et plus fractionné, on peut se réveiller une à deux fois par nuit et rester éveillé pendant une demi-heure à une heure, le sommeil est également moins profond », explique le Dr Sylvie Royant-Parola, présidente du réseau Morphée.

Mais ces modifications d'ordre physiologique sont souvent interprétées à tort comme des insomnies, alors que les insomnies "véritables" ne représentent que 10 à 20% des plaintes liées au sommeil.

« C'est un enjeu de santé publique », relève le Pr Jean-Luc Harousseau, président du Collège de la HAS. Selon lui, la moitié des prescriptions de somnifères chez les personnes âgées sont "inutiles" car les troubles du sommeil ont souvent d'autres causes (anxiété, dépression, apnée du sommeil, troubles urinaires, etc).

Plus préoccupant, les benzodiazépines prescrits comme somnifères ont des effets indésirables importants, notamment chez les patients les plus âgés, avec des chutes, des troubles de la mémoire et une dépendance au médicament.

Ils sont également soupçonnés de favoriser les démences, dont la maladie d'Alzheimer, même si aucun lien de cause à effet n'a encore été établi.

Traitements trop longs

Les traitements ne devraient pas durer plus de trois à quatre semaines, mais ils se prolongent en moyenne pendant sept mois dans la population générale et peuvent durer des années chez les plus de 65 ans, selon le Dr Armelle Leperre-Desplanques, responsable du service des programmes pilotes à la HAS.

Faire marche arrière ne sera pas facile, reconnaît le Pr Harousseau qui rappelle que la HAS avait lancé une première opération de sensibilisation, largement infructueuse en 2007. L'Assurance maladie a pour sa part instauré le paiement à la performance des médecins qui n'a pas encore permis de diminuer la prescription de somnifères (-0,5% de benzodiazépines prescrits entre décembre 2011 et juin 2012 contre une baisse attendue de 5%).

La HAS martèle quelques conseils simples pour bien dormir : se lever à des horaires réguliers, avoir une activité physique, s'exposer quotidiennement à la lumière, privilégier des repas légers le soir, dormir dans une chambre tempérée.

Mais elle compte surtout sur les médecins généralistes et les pharmaciens pour relayer son message auprès de leurs patients et les aider à réduire leur consommation de somnifères, grâce à divers questionnaires et outils d'aide à la prescription.

Le Dr Michel Legmann, président du Conseil de l'ordre des médecins, se déclare prêt à relayer la campagne de la HAS auprès des 270.000 médecins adhérant à l'ordre. "Mais le généraliste aura-t-il le temps dans le cadre de sa consultation", se demande-t-il.

Les médecins sont de surcroît mal formés, avec seulement trois heures consacrées au sommeil dans leur formation initiale.