Homme regardant la TV
© RIA Novosti

C'est une nouvelle incroyable qui fait le tour des journaux français, une vieille dame de 94 ans domiciliée dans une maison de retraite dans le département des Hauts-de-Seine a été expulsée pour cause d'impayés. Histoire d'une France sociale qui tourne le dos à ses anciens.

L'expulsion de cette pensionnaire d'une maison de retraite, à Chaville petite bourgade de 18 000 habitants du département 92 est en train de provoquer un véritable raz-de-marée médiatique. L'histoire commence lorsque les deux fils de cette dame âgée décident son installation due à son âge avancée dans une maison de retraite en 2011. Rapidement ils cessent toutefois de payer les mensualités et la facture s'allonge considérablement jusqu'à compter quelque 40 000 euros.

La direction malgré de nombreuses relances téléphoniques et d'innombrables courriers auprès des deux fils de la pensionnaire n'obtient rien. Elle affirme ne pas avoir pu joindre les deux hommes pour les obliger à payer et déclare également qu'ils ont des revenus confortables. Portée devant la justice, cette dernière condamne les deux hommes à payer les arriérés mais les deux hommes restent silencieux. De guerre lasse, la maison de retraite décide spontanément la rupture du contrat et signifie à sa progéniture que la vieille dame sera expulsée et renvoyée chez l'un d'eux à Brou en Eure-et-Loir...

Jusque-là il s'agissait d'une énième histoire concernant l'abandon parfois quasi-total de personnes âgées jugées encombrantes et inutiles, vues comme des fardeaux indésirables et gênants. En Russie, la vision la plus négative de la société française concerne justement « l'abandon » massif des personnes âgées dans ces maisons de retraite, assimilées à des prisons en attente de la mort. La société moderne est passée par là. Il est loin le temps où les anciens finissaient leur vie au sein de leur famille, auprès d'un fils ou d'une fille. Les personnes âgées bien sûr ne vivaient pas aussi longtemps, du moins en moyenne que de nos jours, mais c'est surtout l'expansion radicale et rapide de l'individualisme et de l'égoïsme qui a changé les choses dans l'Hexagone.

L'incroyable de l'histoire de cette vieille dame est qu'elle ait pu être éconduite de cette maison de santé, placée dans un taxi avec ses affaires, et manu militari conduite chez l'un de ses fils... mais voilà, l'homme avait semble-t-il déménagé, il n'y avait personne pour l'accueillir et en désespoir de cause le chauffeur de taxi ne sachant que faire de cette encombrante cliente la dépose aux urgences de l'hôpital de Châteaudun... où la vénérable dame a passé son weekend. Complètement illégale, l'expulsion est vite dénoncée par les membres du personnel du centre hospitalier de Châteaudun, et arrive aux oreilles des journalistes de L'Echo Républicain.

Rappelé à l'ordre sur le caractère illégal d'expulsion durant la trêve hivernale y compris dans les établissements de santé dont les maisons de retraite, la maison de retraite est mise au pilori. L'hôpital de Châteaudun s'apprêterait à faire un signalement à la Gendarmerie Nationale ce qui devrait donner lieu à des poursuites judiciaires. Affolée, la direction de la maison de retraite s'est empressée de reconnaître son erreur puis d'annoncer la réintégration de la vieille dame dans sa chambre... C'est donc à tous les niveaux de la société que le système aura failli. Au-delà du fait divers, cette incroyable histoire démontre à quel point les liens sociaux et familiaux sont aujourd'hui distendus en France.

Des deux fils, en passant par le personnel de la maison de retraite, sa direction, son directeur et même le taxi, aucune personne n'a réalisé l'ignominie de l'acte qui était en train de se commettre sous leurs yeux. Sans parler des deux « chérubins » probablement également à la retraite, les personnes ayant décidé son expulsion en plein mois de janvier n'ont même pas fait la relation avec leurs propres parents. Dans une France qui vieillit, les personnes âgées semblent de plus en plus méprisées, souvenons-nous de la tragédie de la canicule de 2003 où plusieurs milliers d'entre eux avaient péri dans l'indifférence générale. Cet incident médiatique met en exergue la pauvreté des lois françaises en la matière et l'urgence d'actions éducatrices envers les plus jeunes.

Car plus le temps passe, plus les jeunes générations vivent séparées des anciens, ceux qui pourtant ont fait qu'ils se trouvent sur cette terre, ceux qui ont combattu pour que nous vivions libres, ceux qui ont souffert et travaillé pour que ceux-là vivent dans l'opulence. Séparées des plus jeunes, les personnes âgées dont les problèmes sanitaires et médicaux sont montrés comme insurmontables pour une famille normale, sont désormais placés dans ces maisons qui sont selon les situations plus ou moins bonnes, ou plus ou moins mauvaises... Le coût important de ce système englouti parfois des héritages entiers, maisons, terrains, économies, retraites, ce sont des sommes considérables que les familles doivent engager.

Ceci explique les capitulations et les fuites de certaines familles, quand nous n'assistons pas au pillage comme ce fut le cas dans ma propre famille, des maisons « abandonnées » des vieillards placés dans ces « asiles ». Absents, il est alors facile de les dépouiller de choses qui n'entrent pas dans les successions notariées faute de vigilance de la part des anciens affaiblis ou de n'avoir pas ne serait-ce qu'imaginer une telle et horrible éventualité. Ces « vols » sont le quotidien de millions de familles françaises dans l'indifférence totale. Avant même que la mort les emportent, ils se retrouvent dépouillés d'objets sentimentaux, meubles de famille, petits objets de valeurs, souvenirs... dont certains atterrissent directement sur les étalages des brocantes, une passion franco-française.

Depuis plusieurs décennies, les problèmes du 3e et du 4e âge ne cessent de grandir. Malgré des améliorations notoires notamment de confort de ces maisons et du nombre de places disponibles, les moyens mis en face des personnes âgés restent insuffisants et dérisoires dans certains cas. Car le travail au cœur de la société, pour faire que les anciens ne soient pas des reliques abandonnées dans un coin, dans les limbes de l'oubli reste entièrement à faire. La France le pays des Droits de l'Homme ne s'attache plus à promouvoir l'amour de ceux qui l'ont faite, ceux auxquels les Français doivent pourtant leur reconnaissance éternelle... ceux qu'ils appelèrent autrefois Papa ou Maman, Mamie ou Papi... Leur cause n'était dans aucun programme politique des élections de 2012 y compris celui de François Hollande.