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© Monsieur Fou Wikimedia Commons
Les multinationales vont-elles pouvoir attaquer un État devant un tribunal arbitral privé ? C'est le principal cheval de bataille des opposants au futur traité de libre-échange entre les États-Unis et l'Europe.
La question aura une place centrale durant l'Université d'été européenne des mouvements sociaux, causerie organisée du 19 au 23 août à Paris par Attac. Car l'association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne n'est globalement pas en faveur du traité qui doit être signé le 25 septembre.


Mais parmi toutes les dispositions contenues dans ce texte, celle décidant du mode de règlement des conflits entre entreprises et états est peut-être celle qui fâche le plus ses opposants.

Et même si le texte final n'est pas encore dévoilé, l'idée n'est pas fantaisiste. Le principe d'introduire un mécanisme spécifique, l'ISDS (pour investor-state dispute settlement) a en effet été accepté par les deux parties, Etats-Unis comme Union Européenne.

Le journal Le Monde relaye également les informations d'une télévision allemande qui affirme que le recours aux tribunaux privés figure dans la version fuitée de CETA, le traité commercial négocié entre Canada et Union Européenne qui doit servir de modèle à Tafta.


Qu'est-ce que l'ISDS ?

C'est un mécanisme censé protéger les entreprises qui investissent dans des pays peu sûrs, où la législation fluctue. Si une entreprise investit quelque part, et que le pays modifie sa législation dans un sens qui nuisent aux profits de la compagnie, l'entreprise peut alors attaquer l'État en question.

Tout ceci se fait devant un tribunal arbitral privé. Le plus souvent, l'instance choisie est le Centre international de règlement des différends liés à l'investissement (Cirdi), basé à Washington. C'est un organe dépendant de la Banque Mondiale. Les arbitres sont des professeurs de droits ou des avocats.

L'ISDS est déjà présent dans plusieurs traités, et notamment l'accord de libre échange entre États-Unis, Canada et Mexique.

Pourquoi la disposition est-elle redoutée ?

Les multinationales craignent les juridictions d'État, devant lesquelles elles ont du mal à obtenir gain de cause. Un exemple récent : Schuepbach. Le pétrolier américain qui contestait le fait que la France lui ait retiré deux permis d'extraction du gaz de schiste. Le Conseil constitutionnel lui fermé la porte au nez.

En revanche, devant des tribunaux internationaux privés, comme le Cirdi, les Etats sont moins forts, et plus souvent condamnés. L'Equateur a par exemple été sommé en 2012 de payer 1,77 milliards de dollars à Occidental Petroleum. Le pays avait mis fin à sa collaboration avec le pétrolier.

Reste que les statistiques des Nations Unies pour l'année 2013 montrent que dans 43% des cas, les conflits ont été tranchés en faveur des États, dans 31% des cas en faveur des investisseurs, le reste étant réglé à l'amiable.