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© Latreille / Tara ExpéditionsGoélette d'exploration Tara
Les déchets de plastique ont envahi tous nos océans mais aussi les mers où la population littorale et les activités sont importantes comme la mer Méditerranée. L'expédition Tara l'a sondé pendant 7 mois avec un constat édifiant sur la pollution en micro-pastiques qui y règne.

L'immensité insondable des océans a « autorisé » l'Homme à y jeter une grande partie de ses déchets avec des conséquences dramatiques et planétaires. Aujourd'hui, plus de 6,4 million de tonnes de déchets sont jetés / déversés dans les océans chaque année, soit plus de 21 fois le poids de l'Arche de la Défense. Résultat : des « continents » de déchets se forment à la confluence des courants marins, des millions d'animaux marins (oiseaux, cétacés, tortues...) meurent chaque année d'ingestion de plastique avec, quelques fois, des échouages impressionnants comme cette baleine retrouvée morte avec 20 kg de plastique dans son estomac.

Cette soupe de micro-plastiques a envahi toutes les mers, y compris la mer méditerranée comme en témoigne la goélette d'exploration Tara qui vient d'achever avec succès son expédition en mer Méditerranée réalisée de mai à novembre 2014. Tara a parcouru 15 000 km et fait escale dans 13 pays. Cette expédition comportait à la fois un volet scientifique sur la pollution plastique flottant en surface et un volet de sensibilisation sur les nombreux enjeux environnementaux liés à la Méditerranée.


La stratégie d'échantillonnage de l'expédition Tara Méditerranée était de prélever au large mais aussi près des côtes, près des embouchures de rivières et dans les ports afin d'étudier l'influence exercée par le milieu terrestre. À chaque station de prélèvements, des échantillons ont été collectés en surface au moyen de filets spéciaux.

2 300 échantillons (de moins de 5 cm) ont été collectés afin d'évaluer la distribution des micro-plastiques, du zooplancton (la base de la chaine alimentaire marine), la caractérisation chimique des micro-plastiques, l'étude des communautés microbiennes attachées au plastique, l'analyse des POPs (Polluants Organiques Persistants) liés au plastique, l'analyse d'image, la température, la salinité, la turbidité et les pigments.

Les analyses des échantillons débuteront en décembre 2014 et les premiers résultats sortiront à partir du printemps 2015. Mais les premiers constats de Tara Méditerranée sont édifiants !

Mauvaise surprise au large de Bastia, les scientifiques ont remonté un filet saturé de déchets plastiques. La quantité collectée était telle, qu'ils ont du improviser. Stéphanie Petit et Marie Garrido en étaient écœurées.
Source : notre-planete.info, http://www.notre-planete.info/actualites/4139-dechets-plastiques-mediterranee

Selon le directeur scientifique de Tara Méditerranée, Gaby Gorsky (CNRS/UPMC) et la coordinatrice scientifique de Tara Méditerranée, Maria Luiza Pedrotti (OOV CNRS/UPMC), « Des fragments de plastique ont été trouvés à chaque relevé de filet et cela de l'ouest à l'est de la Méditerranée. Avec une concentration de plastique plus importante observée devant les grandes villes mais également avec des concentrations non négligeables en haute mer. » Martin Hertau l'un des deux capitaines de Tara le confirme, « certaines zones que l'on pensait d'avantage épargnées car très éloignées des grandes villes sont aussi touchées, c'est le cas par exemple d'une zone entre la Crête et la Tunisie ». Selon François Galgani, chercheur à l'Ifremer « La mer Méditerranée connaît, en moyenne, les densités de plastiques les plus importantes au monde : 250 milliards de micro-plastiques en Méditerranée. »

Le cas des tortues Caouanne de Méditerranée

Opportuniste, la tortue ne différencie pas le plastique de ses proies naturelles. Une faiblesse qui la place au rang « d'espèce indicatrice » de l'état de la pollution en micro-plastiques pour la directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM) de la Communauté Européenne. Aujourd'hui, 80 % des tortues retrouvées mortes contiennent du plastique dans leur intestin.

Le "Centro di Recupero Tartarughe Marine" de Naples, est l'unique centre de ce type dans le sud de l'Italie. Il reçoit des appels de citoyens ou d'organismes partenaires qui signalent la présence de tortues échouées sur les côtes italiennes, mortes ou vives. Dirigée par Sandra Hochscheid, l'équipe soigne au mieux ses différents pensionnaires et certains retrouverons le chemin de la liberté après quelques mois. Quel que soit leur état de santé à leur arrivée dans le centre, la majorité des tortues retrouvées ou soignées ont ingéré du plastique.
Les causes de décès sont variées

- Il arrive qu'une tortue ingère tellement de déchets, que cela provoque une occlusion et si la muqueuse digestive nécrose, la tortue ne peut pas être sauvée.
- Lorsqu'une tortue ingère beaucoup de déchets, qu'il ne reste plus de place pour ses aliments naturels, elle n'absorbe plus suffisamment de nutriments et à long terme, elle peut grandir plus lentement, être plus vulnérable aux prédateurs et aux maladies, les scientifiques parlent d'effet de dilution.
- Lorsqu'une tortue ingère trop de déchets, son transit peut être perturbé, cela provoque des gaz qui la font flotter. De ce fait, l'animal ne peut plus plonger pour se nourrir.
- Une tortue peut se blesser en avalant des déchets, ce fut le cas d'une tortue qui s'est perforée le tube digestif avec un bâtonnet de coton-tige, entraînant sa mort.

Le danger des micro-plastiques

"Le plastique concentre facilement les polluants et certains organismes planctoniques avalent les fragments de plastique ou les filtrent, assimilent certains composés chimiques et les transmettent à la chaîne alimentaire. C'est prouvé par des analyses chimiques : les poissons en bout de chaîne, accumulent des polluants", indique Gaby Gorsky.

"Plus le fragment est petit, plus il remonte facilement dans la chaîne alimentaire, ingéré par le plancton, les petits poissons, les plus gros et jusqu'à l'homme. Plus il est petit, plus il a une forme sphérique, plus il offre de surface relative susceptible de « s'imbiber » de produits chimiques divers, des pesticides comme le DDT, des déchets polluants provenant de l'agriculture, des hôpitaux, etc. Le plastique est hydrophobe et attire ces molécules toxiques comme une éponge.

Les fragments sont colonisés par des micro-organismes vivants, comme des bactéries ou des algues, qui colonisent le plastique et lui donnent l'odeur du vivant, ce qui explique pourquoi il est absorbé par le plancton, les crustacés et les poissons...

Ces fragments sont aussi dangereux car vecteurs de microbes potentiellement pathogènes et toxiques. On sait que la bactérie Vibrio s'attache facilement sur le plastique. Cette bactérie peut véhiculer le choléra et les fragments de plastique permettent à ces bactéries pathogènes d'être transportées rapidement par les vents et les courants sur des grandes distances." précise Gaby Gorsky dans une interview donnée au journal Libération.

Résultat : les agences de sécurité sanitaire conseillent notamment aux femmes enceintes de ne pas surconsommer du poisson car il peut contenir des polluants qui ont des effets néfastes sur la santé.

Tara en 2015 : en route vers la Conférence climat

Le point d'orgue de l'année 2015 sera la venue de Tara à Paris durant les mois de novembre et décembre où la goélette sera l'ambassadeur de l'Océan aux côtés du Pavillon Océan et Climat.

Ce pavillon, sous l'égide de l'UNESCO/ Commission océanographique intergouvernementale avec des dizaines d'ONGs, d'institutions scientifiques et universitaires, aura pour but d'apporter plus de visibilité aux enjeux liant l'Océan et le Climat avant et pendant la Conférence Climat de Paris en décembre 2015 (COP21).

Un cycle d'expositions, projections, conférences, ateliers pour les scolaires sera aussi organisé à la Base Tara à Paris (11 boulevard Bourdon, 75004) sur le thème Océan et Climat. Un long métrage coproduit par Tara Expéditions est aussi en préparation, avec une diffusion prévue en novembre.

Avant cela, à partir du mois de mars 2015, Tara se déplacera dans plusieurs villes de France afin de sensibiliser le grand public à ces questions.