Des infrastructures très coûteuses qui ne rapportent rien: dix autoroutes espagnoles, pourtant largement financées par l'UE, sont au bord de la faillite. L'Etat envisage une nationalisation qui reste suspendue au feu vert de Bruxelles.

En Espagne, les autoroutes coûtent très cher...et ne rapportent rien. Huit d'entre elles sont en faillite.
© WikimediaEn Espagne, les autoroutes coûtent très cher...et ne rapportent rien. Huit d'entre elles sont en faillite.
Trop d'autoroutes sont construites, pour des budgets trop élevés: un rapport de la cour des comptes européenne alertait, l'été dernier déjà, sur la frénésie autoroutière particulièrement visible en Espagne. Le phénomène est loin d'être anecdotique: de 2000 à 2013, l'Union Européenne (via les fonds FEDER) a cofinancé environ 8.000 projets à hauteur de 65 milliards d'euros. Ironie de l'histoire, les autoroutes à péage espagnoles, qui ont bénéficié d'une part importante des financements européens (à hauteur de 8,5 milliards d'euros), sont un fiasco.

Dix d'entre elles sont en graves difficultés financières, et 8 en redressement judiciaire. Elles ont pourtant, en plus des fonds publics européens, bénéficié de financements nationaux :

« Le ministère a investi entre 3 et 4 milliards d'euros par an, en routes et chemins de fer, dans les trois derniers exercices, et cela malgré la crise, a rappelé récemment Ana Pastor, la ministre des transports.

Patate chaude


Après la bulle immobilière, la bulle des infrastructures a explosé. Ces dernières années, notre voisin ibérique est devenu le champion du kilométrage d'autoroutes. Mais la fréquentation ne suit pas. Ces autoroutes sont devenues une véritable patate chaude (en l'occurence, la "patata caliente") du gouvernement espagnol, qui a récemment solicité le feu vert de Bruxelles pour mettre en place un plan de sauvetage. Une intervention semble en effet inévitable: les autoroutes accusent une dette de 3,6 milliards d'euros, à en croire El Pais.

« Le trafic a diminué de manière abrupte et les coûts des expropriations des terrains ont fait exploser les coûts », a expliqué Ana Pastor. Et ce ne sont pas les augmentations annuelles du prix des péages (+1,85 en 2014) qui changeront la donne.

Parmi les solutions envisagées, la création d'une entreprise publique semble la plus probable. « Cela ne coûtera pas un euro au citoyen » a affirmé, sans rire, la ministre, face aux critiques reprochant au gouvernement de voler au secours des banques ou des autoroutes sur le dos des citoyens. Parmi les entreprises concernées, la M-12 (qui dessert l'aéroport de Barajas), l'autoroute Henarsa, l'accès de Madrid, Madrid-sud, Madrid-Levante (AP-36), Aucosta (Cartagène-Vera), AP-41 (Madrid-Tolède), Ciralsa (autour de Alicante) et Ausur (Alicante-Cartagène). Certaines de ces autoroutes, comme la AP-41, sont si peu fréquentées (962 vehicules quotidiens) que leur utilité pose question.

L'arbitre bruxellois

La proposition n'est pas nouvelle : José Luis Rodríguez Zapatero, le prédécesseur de Mariano Rajoy, avait déjà évoqué une possible nationalisation des autoroutes devant la baisse du trafic engendrée par la crise économique.

Mais la création d'une entreprise publique pourraît être lourde de conséquences: le passif de ces autoroutes serait pris en charge par l'Etat et cela augmenterait encore la dette publique espagnole. C'est ce que souhaite éviter Bruxelles, mais également Madrid. Comme garantie d'un projet de nationalisation pérenne, celui-ci s'est engagé à ce que les revenus de la nouvelle société publique soient constitués à 51% (voire 53%) par les péages autoroutiers. Le gouvernement devrait détenir 80% du capital de ces « Autopistas Nacionales », tandis que le 20% se répartiraient entre les constructeurs, concessionnaires et des entités financières comme Bankia et Liberbank.

L'Espagne reste donc dans l'attente du retour Bruxellois. Selon El Confidencial, l'examen devrait se prolonger jusqu'à mars.