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© ESO/L. CALÇADAIllustration artistique montrant les suites d'une explosion de supernova telle qu'elle a été observée par deux équipes d'astronomes.
La relation entre la fin explosive d'étoiles massives appelées supernovas et la formation d'objets compacts tels que les trous noirs et les étoiles à neutrons a clairement été établie, grâce aux observations réalisées par deux équipes d'astrophysiciens au moyen de deux télescopes de l'Observatoire européen austral (ESO) situés à l'observatoire de La Silla, au Chili.

« Des études parallèles de deux équipes différentes qui parviennent essentiellement au même résultat, c'est convaincant », affirme le professeur Laurent Drissen, de l'Université Laval, qui n'a pas participé à ces travaux.

La fin d'une étoile

Lorsque les étoiles massives meurent, elles s'effondrent rapidement sur elles-mêmes, sous l'effet de leur propre gravité, créant ainsi des supernovas.
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© NASAUne supernova. (Illustration artistique)
Les astrophysiciens émettent l'hypothèse, depuis plusieurs décennies, selon laquelle les noyaux ultradenses, vestiges de ces explosions, peuvent se transformer en deux types d'objets en fonction de leur masse : une étoile à neutrons ou un trou noir (stellaire).

« Une étoile à neutrons possède une dimension bien définie. C'est une surface dure, solide. C'est quelque chose de concret, c'est de la matière. C'est un objet extrêmement compact qui présente un rayon d'une dizaine de kilomètres et une masse d'environ une fois celle du Soleil », explique le professeur Drissen.

Un trou noir n'est pas aussi tangible qu'une étoile à neutrons. « C'est une espèce de structure dans l'espace-temps qu'on ne peut pas voir, mais qui peut être détectée par la présence d'un disque d'accrétion de matière autour [du trou noir]. »
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© EVENT HORIZON TELESCOPEPhoto recomposée du trou noir au centre de la galaxie M87.
Confirmer la théorie

Les scientifiques devaient encore prouver l'hypothèse qui veut que ces objets compacts sont bel et bien le produit des supernovas, grâce à des observations « en temps réel », c'est-à-dire en recueillant la preuve directe d'un vestige compact laissé par l'explosion.

« Notre travail a établi ce lien direct », affirme l'astrophysicien Ping Chen, de l'Institut Weizmann des sciences, en Israël, un des auteurs principaux de l'étude publiée dans la revue Nature (Nouvelle fenêtre) (en anglais).
« C'est vraiment la première fois qu'on fait un lien direct entre une explosion de supernova et la présence d'un trou noir ou d'une étoile à neutrons. »

Une citation de Laurent Drissen, professeur à l'Université Laval
Supernova sous surveillance

Pour établir cette relation, deux équipes, l'une de l'Institut Weizmann et l'autre de l'Université Queen's, en Irlande du Nord, ont analysé les données collectées à la suite de la découverte d'une supernova (SN 2022jli) en mai 2022 dans le bras spiral de la galaxie NGC 157, située à 75 millions d'années-lumière de la Voie lactée.

Elles ont ainsi pu scruter les conséquences de cette explosion.

Habituellement, après l'explosion, la luminosité de la plupart des supernovas s'estompe avec le temps. Ce phénomène peut être confirmé par les astrophysiciens par un déclin progressif de la « courbe de lumière » de l'explosion.
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© ESO/L. CALÇADAIllustration artistique montrant le processus par lequel une étoile massive au sein d'un système binaire devient une supernova.
Toutefois, ce n'est pas le cas de SN 2022jli. « Lorsque sa luminosité globale diminue, elle ne le fait pas de manière régulière : elle oscille au contraire vers le haut et vers le bas tous les 12 jours environ », expliquent les auteurs.

Dans les données de SN 2022jli, nous observons une séquence répétitive d'éclaircissement et d'affaiblissement , note Thomas Moore, doctorant à l'Université Queen's de Belfast, qui a dirigé l'étude de la supernova publiée dans l'Astrophysical Journal (Nouvelle fenêtre) (en anglais) en octobre dernier.
« C'est la première fois que des oscillations périodiques répétées sur de nombreux cycles sont détectées dans la courbe de lumière d'une supernova. »

Une citation deThomas Moore, doctorant à l'Université Queen's
Système binaire

Les équipes de Ping Chen et Thomas Moore pensent que la présence de plus d'une étoile dans le système SN 2022jli pourrait expliquer ce comportement de la courbe de lumière.
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© ESO/L. CALÇADAL'objet compact et son compagnon ont continué à orbiter l'un autour de l'autre, l'objet compact volant régulièrement de la matière à son compagnon lorsqu'il s'en approchait, comme on peut le voir ici. (Illustration artistique)
« Les chercheurs ont montré qu'il est vraiment resté quelque chose après l'explosion de la supernova et que ce quelque chose est en orbite autour d'une autre étoile, comme [la supernova] l'était avant l'explosion », note le professeur Drissen.

Il n'est pas rare que des étoiles massives soient en orbite avec une étoile compagne dans ce qu'on appelle un système binaire. L'étoile à l'origine de SN 2022jli ne fait donc pas exception à cette règle.

Ce qui est remarquable, c'est que l'étoile compagne semble avoir survécu à la mort violente de sa partenaire et que les deux objets, le vestige compact et l'étoile compagne, ont probablement continué à tourner en orbite l'un autour de l'autre.
« Le système était encore lié gravitationnellement 300 jours après l'explosion. »

Une citation de Laurent Drissen, professeur à l'Université Laval
Les deux équipes s'accordent à dire que « lorsque l'étoile compagne interagit avec la matière projetée lors de l'explosion de la supernova, son atmosphère riche en hydrogène devient plus dense qu'à l'accoutumée ».

Ensuite, lorsque l'objet compact né de l'explosion traverse l'atmosphère de l'étoile compagne sur son orbite, il vole de l'hydrogène gazeux, formant un disque chaud de matière autour de lui. « Ce processus périodique de vol puis d'accrétion de matière produit beaucoup d'énergie qui se manifeste, dans les observations, sous la forme de changements réguliers de luminosité », expliquent les auteurs.

Bien que les équipes n'aient pas pu observer de lumière provenant de l'objet compact lui-même, elles ont conclu que ce vol énergétique ne peut être dû qu'à un objet compact invisible, une étoile à neutrons ou un trou noir, qui aspire la matière de l'atmosphère gonflée de l'étoile compagne.

Connaître la masse de l'objet permettrait d'en établir la nature.
« Par exemple, si la masse est inférieure à deux fois celle du Soleil, c'est fort probablement une étoile à neutrons. Si elle est supérieure, c'est fort probablement un trou noir. »

Une citation de Laurent Drissen, professeur à l'Université Laval
« Cependant, ils [les auteurs] ne peuvent toujours pas dire si c'est une étoile à neutrons ou un trou noir, puisqu'ils n'ont pas pu réaliser une analyse spectroscopique qui aurait permis de déterminer la masse de cet objet », explique le professeur Laurent Drissen.

L'arrivée de télescopes plus puissants, dont le Télescope géant européen (TGE) de l'ESO à l'horizon 2027, contribuera certainement à mieux cerner ce type de système bien particulier. Toutefois, pour SN 2022jli, il sera trop tard. « Cet objet-là sera fort probablement hors de portée, mais on pourra analyser les données d'autres supernovas », conclut M. Drissen.