Je n'ai pas été convaincu par les affirmations de la Turquie, du Washington Post et d'autres au sujet de l'horrible meurtre, en octobre 2018, de Jamal Khashoggi, un agent du renseignement. Il y a trop d'anomalies, comme en témoignent diverses déclarations du président turc, M. Erdogan, et comme en témoignent les nombreux médias occidentaux de grande diffusion.
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© Inconnu
Des recherches récentes suggèrent que Khashoggi n'a peut-être jamais été dans ce consulat saoudien à Istanbul ce jour-là, et qu'en fait, il est peut-être encore bien vivant et caché. Si c'est le cas, cela suggère une histoire beaucoup plus vaste derrière l'affaire. Considérons ce qui suit.

La meilleure façon de l'illustrer est de revenir sur les événements entourant l'arrestation surprise et la détention de nombreuses personnalités saoudiennes de haut rang fin 2017, par le prince Mohammed bin Salman ou MBS comme on l'appelle.

Le 4 novembre 2017, MBS a annoncé à la télévision publique que de nombreux Saoudiens, dont l'un des plus riches, le prince Alwaleed bin Talal, avaient été arrêtés pour corruption et détenus à l'hôtel Riyadh Ritz Carlton. Le prince Alwaleed est clairement la personne cruciale.

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© InconnuLe prince Alwaleed
Le gendre du président Trump aurait effectué une visite non publique à Riyad pour des entretiens privés avec MBS quelques jours seulement avant les arrestations massives. Un article paru dans le journal UK Mail en 2018 affirmait que Jared Kushner, représentant le Président, avait informé MBS d'un complot rival de la famille royale saoudienne pour éliminer le Prince Héritier. Le prince Alwaleed serait au centre du complot.

Après trois mois d'emprisonnement, Alwaleed a été libéré le 27 janvier 2018, à la suite d'un règlement financier. En mars 2018, il a été retiré de la liste des milliardaires de Forbes World's Billionaires. Avant son arrestation, Alwaleed était le plus gros actionnaire de Citibank, l'un des principaux propriétaires de Twitter, un ancien partenaire de Bill Gates dans les programmes de vaccination de la Fondation Gates, et généreux donateur de certains démocrates tels que Hillary Clinton et la Fondation Clinton. Selon les médias, le frère de Huma Abedin, Hassan Abedin, collaborateur de la campagne Hillary et membre des Frères musulmans, a travaillé avec Bin Talal sur un projet intitulé « Propager l'Islam en Occident ». Bin Talal et d'autres sources saoudiennes ont donné jusqu'à 25 millions de dollars à la Fondation Clinton au moment où elle préparait sa candidature à la présidence. Le prince était aussi un ennemi ouvert de Donald Trump.

Qui était vraiment Khashoggi ?

Jamal Khashoggi n'était pas un journaliste ordinaire. Il a effectivement travaillé pour le prince Alwaleed bin Talal. Dans une interview dans le Gulf Times en novembre dernier, Alwaleed a déclaré :
« Jamal n'était pas seulement mon ami. Il travaillait avec moi. En fait, son dernier emploi en Arabie Saoudite était avec moi ... »
Jamal était, ou est toujours, le neveu d'un agent lié à la CIA, le défunt Adnan Khashoggi, un trafiquant d'armes récemment décédé, impliqué dans la banque CIA-Saoudienne BCCI et l'Iran-Contra. Le neveu Jamal a également travaillé pour le Prince Bandar, ambassadeur d'Arabie Saoudite à Washington, un homme si proche de la famille Bush que George W. l'avait surnommé « Bandar Bush ».

En bref, Khashoggi faisait partie des cercles saoudiens proches du groupe Bush-Clinton. Lorsque le roi Abdullah décida de sauter, dans la liste de succession, le père d'Alwaleed, Talal bin Abdulaziz Al Saud, surnommé « le prince rouge » pour ses idées réformistes, cela avait abouti à l'arrivée sur le trône de Salman, le père de MBS. Dès lors, Alwaleed était en dehors des calculs du pouvoir du roi Salman et du Prince héritier MBS.

Le gouvernement saoudien ainsi que la Brookings Institution confirment que Khashoggi était membre des Frères musulmans. La Fraternité a été interdite en Arabie Saoudite en 2011 à la suite du Printemps arabe de Obama-Hillary Clinton, lorsque le monarque saoudien, le roi Abdullah, et son entourage ont compris que la maison royale elle-même constituait une cible potentielle pour un changement de régime par les Frères Musulmans, comme en Égypte et en Tunisie.

L'administration Obama, comme je l'explique en détail dans Manifest Destiny, a planifié, en collaboration avec la CIA, une série de changements radicaux de régime dans le monde islamique pour installer des régimes de Frères Musulmans avec l'aide « amicale » de la CIA et de l'administration Obama. Des membres clés de l'administration Obama, dont l'assistante spéciale de la secrétaire d'État Hillary Clinton, Huma Abedin, avaient des liens étroits avec la partie saoudienne des Frères musulmans où vit la mère de Abedin. Sa mère, Saleha Abedin, universitaire en Arabie Saoudite, où Huma a grandi selon un reportage sur Al Jazeera et d'autres médias arabes, est un membre important de l'organisation des femmes des Frères musulmans, et le frère de Huma serait également lié à cette organisation. Notamment, feu John McCain, dont les liens avec les principaux membres de l'Etat Islamique et d'al-Qaïda sont de notoriété publique, a tenté de discréditer sa collègue républicaine Michele Bachmann pour avoir souligné les liens qui unissent Abedin aux Frères musulmans. C'est à cette faction qu'était lié Khashoggi en Arabie Saoudite.

En tant que président, le premier voyage à l'étranger de M. Trump a consisté à rencontrer MBS et le roi saoudien, un voyage vivement critiqué par la députée démocrate Nancy Pelosi. Quand la présidence Trump a décidé de reconstruire les relations effilochées qui s'étaient développées entre Obama et la monarchie saoudienne sous le roi Abdallah puis le roi Salman, père du prince héritier MBS, la faction pro-Obama autour du prince Bin Talal Alwaleed a perdu les faveurs, pour ne pas dire plus, surtout après la chute de Hillary Clinton. En juin 2017, l'ancien employé d'Alwaleed, Jamal Khashoggi, s'est exilé aux États-Unis, où il avait fait ses études, après l'interdiction par le gouvernement de son compte Twitter en Arabie Saoudite.

Khashoggi est-il vivant ?

Après l'arrestation par MBS de Alwaleed et de nombreuses autres personnes, l'avenir des flux financiers entre Alwaleed et non seulement Hillary Clinton, mais aussi la Fondation Clinton et les autres démocrates qu'il avait « soutenus » par des millions de dollars saoudiens, était alors menacé. Bien que cela soit difficile à confirmer, un journaliste turc de la BBC à Istanbul aurait déclaré à un journal en langue arabe, après le meurtre et le démembrement de Khashoggi, que Jamal Khashoggi était bel et bien vivant et en bonne santé, caché quelque part.

C'est un fait que l'ancien chef de la CIA et aujourd'hui secrétaire d'État Mike Pompeo, ainsi que le secrétaire d'État à la Défense de l'époque James Mattis, ont fait un exposé au Sénat américain dans lequel ils ont dit aux sénateurs qu'il n'y avait aucune preuve que MBS était derrière ce crime présumé. Ils ont ajouté qu'ils ne pouvaient même pas confirmer qu'un crime avait été commis ! Seule Gina Haspel, chef de la CIA, ancienne chef de la station de Londres de la CIA, a contesté leurs affirmations. Erdogan affirme que le corps a été découpé puis dissous dans de l'acide pour être éliminé sans laisser de traces, ce qui renvoie au récit de l'élimination par la Navy Seal du corps de Oussama ben Laden, que l'administration Obama prétend avoir jeté en mer « selon la tradition islamique ». Dans les deux cas, il n'y avait pas de corps pour le confirmer légalement.

En effet, les allégations distribuées dans les médias du monde entier concernant l'affaire Khashoggi ont été étroitement contrôlées par le président turc Erdogan, qui a promis à plusieurs reprises de révéler, tout en ne le faisant pas, ce qu'il dit être des enregistrements secrets des services secrets turcs sur le meurtre présumé. Erdogan serait très proche des Frères musulmans, sinon un membre caché, ce qui explique en partie son soutien étroit au Qatar après les sanctions économiques imposées par MBS et le roi saoudien au Qatar pour son soutien au terrorisme, en fait, le soutien qatari aux Frères musulmans.

Il s'agit ici d'alliances politiques changeantes avec d'énormes conséquences potentielles pour la politique américaine et pour le monde, étant donné l'importance des ressources financières saoudiennes. Il est également bizarre que Khashoggi aurait accepté de se rendre dans un consulat saoudien en Turquie et pour soi-disant obtenir des papiers de divorce. De plus, sa fiancée, Hatice Cengiz, semble tout aussi mystérieuse, certains se demandant si elle n'est pas en fait un agent des services de renseignements turcs utilisé pour discréditer l'Arabie Saoudite.
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© InconnuHatice Cengiz
Les affirmations de Erdogan sur l'assassinat de Jamal par une équipe saoudienne ont été étayées par un mystérieux Khaled Saffuri, qui a déclaré au journaliste de Yahoo News, Michael Isikoff, que Khashoggi était devenu un ennemi à abattre pour MBS, à la suite de ses articles dans les médias critiquant l'arrestation du Prince bin Talal et des autres. Les recherches révèlent que Saffuri, la source des médias sur le meurtre présumé de Khashoggi, a également eu des liens étroits avec l'organisation des Frères musulmans, l'American Muslim Council, et avec le Qatar, qui accueille les Frères en exil depuis des années. Le soutien du Qatar aux Frères musulmans a été un facteur de rupture entre MBS et le Qatar il y a deux ans.

Saffuri est également le protégé de Abdurahman Alamoudi, un partisan influent des Frères musulmans qui, avant 2004, avait rencontré G.W. Bush et Hillary Clinton. Alamoudi est actuellement incarcéré dans une prison fédérale américaine depuis 2004 pour son rôle de porte-flingue dans un complot d'assassinat contre le prince héritier Abdallah, fomenté par la Libye et Al-Qaeda. En bref, les principales sources sur l'assassinat de Khashoggi sont peu nombreuses et difficilement impartiales.

A ce stade, il est difficile d'aller au-delà de la spéculation. Il est clair que Jamal Khashoggi n'a plus été vu en public depuis début octobre. Mais tant que le gouvernement turc ou quelqu'un d'autre ne présentera pas de preuves médico-légales sérieuses, une procédure qui montre que l'ancien employé de Alwaleed, Jamal Khashoggi, a été assassiné par une équipe d'assassins saoudiens, sans même parler du fait que l'opération aurait été commanditée par le prince Bin Salman, la situation justifie une étude plus poussée. Il est curieux que les mêmes médias libéraux comme le Washington Post de Jeff Bezos qui s'en prennent à MBS pour le meurtre présumé de leur journaliste, Khashoggi, ne critiquent pas les exécutions saoudiennes antérieures, voire ultérieures.

Khashoggi est-il vraiment mort au consulat d'Istanbul ou y avait-il autre chose? Mettre en scène une fausse exécution de Khashoggi pour discréditer et même éventuellement renverser MBS aurait peut-être semblé à Alwaleed et à ses amis de la CIA à Washington un moyen habile de restaurer leur pouvoir et leur influence financière. Si c'est le cas, cela semble avoir échoué.