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© Collage: La Voix de la Russie
À l'époque le président Vladimir Poutine a évoqué des « gens polis » en Crimée. L'heure est venue pour la Russie d'introduire des « sanctions délicates », pour reprendre un autre propos du président, contre l'Occident et l'Ukraine. Sur l'ordre de Vladimir Poutine, le gouvernement a composé une liste de produits agricoles et agro-alimentaires dont l'exportation en Russie serait interdite. Les producteurs russes, las de l'emprise des importations agro-alimentaires, ont salué cette intitiative. Au fond, l'UE et les Etats-Unis ont poussé Moscou non seulement à répondre à leur pression injustifiée suite à la crise ukrainienne, mais aussi à agir selon le principe « Manger russe ». Les réseaux commerciaux russes auront besoin d'un mois ou deux pour remplacer les produits importés frappés d'interdiction.

Les « anti-sanctions » alimentaires de Moscou concernent les fruits, les légumes, la viande, les produits laitiers et les matières premières en provenance des pays ayant mis en place des sanctions discriminatoires contre la Russie. Les livraisons de la viande de boeuf et de porc, des fromages, de la volaille, du lait, du poisson et des charcuteries en provenance de l'UE, des Etats-Unis, d'Australie, du Canada, de Norvège et du Japon ont été interdites pour un an. La liste définitive ne comprend pas l'alimentation pour enfants, tout comme les vins et l'alccol fort européens. Des quotas ont été imposés à certains importateurs.

La Russie a été contrainte à introduire des restrictions. Selon le vice-premier ministre Dmitri Rogozine, elle ne s'est jamais fixée un tel objectif :
« Notre réponse revêt un caractère défensif pour notre industrie. La Russie n'a aucune intention de détériorer la vie aux entreprises occidentales et à la civilisation occidentale. Cela ne nous intéresse pas et personne ne fixe un tel objectif ».
Les principaux concernés par cette mesure russes seront les producteurs et exportateurs européens de fruits et légumes, de charcuteries, de fromages, du beurre et d'autres produits laitiers. Selon la Commission européenne, 30 % des fruits et plus de 20 % des légumes sont importés vers la Russie. Au total, la Russie importe annuellement pour près de 30 milliards de dollars de denrées alimentaires et de produits d'agriculture. La part des Etats-Unis n'est que de 2 %.

Les fournisseurs traditionnels de fruits et légumes comme la Belgique et la Grèce subiront les plus grosses pertes évaluées à un demi milliard de dollars. Les limitations concernant les importations de produits laitiers et de légumes peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour la Pologne, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie. Soit dit en passant, lesdits pays ont soutenu avec un zèle particulier les appels des Etats-Unis à « punir » Moscou pour sa « politique ukrainienne ». Quant à l'Ukraine qui a exporté vers la Russie de 50 à 80 % de ses légumes et de ses produits laitiers, cette interdiction pourrait provoquer l'effondrement du marché.

La Russie a longtemps toléré des invectives et des attaques politiques menées sous le couvert des interdictions et limitations économiques tout à fait illégitimes, note le politologue Semion Bagdassarov :
« C'est l'UE et les Etats-Unis qui ont déclaré la « guerre économique » à la Russie et ce n'est qu'une réponse de notre part. L'Union européenne invoque maintenant les règles de l'OMC. Mais il faut lui rappeler que la Russie a déjà averti que les sanctions de l'UE contre la Russie contredisaient les règles de cette organisation. Il est déjà tard d'évoquer l'OMC, il a fallu commencer par soi-même ».
La Russie a beaucoup de partenaires capables de remplacer les importations européennes, est convaincu le politologue Pavel Sviatenkov :
« Au premier chef ce sont les pays du BRICS et nos voisins et partenairies de l'Union douanière. Mais la Russie ne doit pas seulement remplacer les produits d'un pays par les produits d'un autre : remplacer la viande d'un pays par la viande d'un autre pasy. Du Brésil, par exemple. La Russie doit développer sa propre production. En ce sens, les sanctions offrent une bonne opportunité aux producteurs russes. Importer tant de denrées de l'étranger est honteux. Cela torpille notre sécurité aliementaire ».
Les nouvelles mesures ont notablement amélioré l'humeur économique des voisins proches et lointains de la Russie ne faisant pas partie de la liste des sanctions. Les détaillants russes négocient déjà la substitution de la viande de boeuf et de porc, ainsi que des fruits et légumes européens et américains avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Chine et d'autres pays d'Asie.

Le vice-ministre de l'Agriculture de la Biélorussie Léonide Marinitch a dit que la Russie était devenue le Klondike pour la Biélorussie qui est prête à fournir à la Russie la plupart des produits importés précédemment de Pologne et des pays baltes. Le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, la Turquie, l'Egypte et Israël se frottent déjà les mains.

Les Européens ont beau frimer, les mesures russes porteront un coup dur aux économies de l'Union européenne, est persuadé le chef de la chaire de politologie générale à l'Ecole des hautes études en sciences économiques Léonide Poliakov :
« Ils comprendront vite qu'ils doivent faire un choix entre la soumission inconditionnelle aux instructions de Washington et leurs propres intérêts économiques. Nous sommes absolument sûrs de pouvoir trouver par quoi remplacer les importations européennes. Soit nous trouverons des marchés nouveaux, soit nous assurerons les fournitures grâce à nos propres producteurs dont la qualité ne sera pas pire et parfois même meilleure ».
Les experts russes disent à titre privé que Moscou sera toujours prêt à répondre à de nouvelles sanctions anti-russes. Théoriquement elles peuvent concerner la chimie, la pharmaceutique, le matériel du chantier, les voitures. Il y a nombre de branches où le producteur russe a besoin d'assistance.

Pour sa part, Moscou envisage l'interdiction aux compagnies aériennes occidentales de survoler la Russie sur les lignes entre l'Europe et l'Asie, ainsi que le changement des zones d'entrée et de sortie de l'espace aérien russe pour des vols charter. La décision sur ces interdictions n'est pas adoptée. C'est plutôt une mise en garde.