Traduction : SOTT
Ulysse et les sirènes, 1909, Herbert James Draper
© InconnuUlysse et les sirènes, 1909, Herbert James Draper
Dans le conte légendaire qu'est L'Odyssée, le héros Ulysse est un homme d'une grande force.

Il fait face à de nombreux défis tout au long de ses voyages. Il se bat contre un cyclope, navigue à travers des vents perfides et fait face à de fourbes personnages. Cependant, malgré son héroïsme, Ulysse n'est finalement qu'un homme - avec les mêmes faiblesses que le reste d'entre nous.

À un moment de son voyage, lui et ses hommes naviguent devant une île qui est habitée par des sirènes. Les sirènes étaient de belles et dangereuses créatures qui leurraient les marins avec leur musique enchanteresse. Sous le charme de ces sirènes, les hommes naviguaient désespérément vers l'île des Sirènes et échouaient leurs navires sur ses rives.

Connaissant ce cruel destin des hommes qui étaient venus avant lui, Ulysse était assez intelligent pour l'avoir prévu à l'avance. Il ordonna à ses hommes de porter des bouchons d'oreilles pour ne pas être enchantés par le chant des sirènes. Afin qu'il soit physiquement incapable de tenir le gouvernail et d'être tenté de conduire le navire vers les sirènes, les hommes attachèrent Ulysse au mât de leur bateau.

Ces hommes savaient que compter sur leur seule volonté de résister aux sirènes ne serait pas suffisant pour les sauver. Alors, ils ont fait en sorte de ne pas pouvoir céder à leurs tentations. Plutôt que de jouer la défensive contre le sort des sirènes, Ulysse et ses hommes ont joué l'offensive.[1]

Jouer l'offensive

Lorsque des scientifiques ont rencontré un groupe de personnes aux Pays-Bas qui avaient apparemment une volonté imparable, ils ont pensé que ces derniers devaient être des saints. Ils mangeaient extrêmement sainement, pratiquaient des exercices régulièrement, ne tergiversaient guère et révélaient plus de confiance et moins de stress que presque tout le monde autour d'eux. Il semblait que ces personnes seraient même probablement en mesure de résister aux appels des sirènes !

Mais cela n'a pas été le cas. Beaucoup de ces personnes ont déclaré que si elles s'asseyaient sur un tabouret de bar, elles ne voudraient jamais le quitter. D'autres ont indiqué qu'elles étaient incapables de résister à des sucreries quand il y en avait près d'elles. Ces « saints » semblaient être assujettis aux mêmes tentations que le reste d'entre nous.[2]

Alors quelle était leur secret ?

Il s'avère que leur secret réside dans le fait que ces personnes ne se mettaient tout simplement pas dans ce type de situations. Leurs modes de vie étaient suffisamment bien organisés pour éviter d'avoir à faire face à la tentation. Ces personnes ont pris une page du livre de L'Odyssée et se sont ligotés elles-mêmes au navire pour être sûr de ne pas céder.

Ces personnes ont joué l'offensive. Elles ont pensé à ce qui pourrait les tenter à l'avenir - que ce soit l'alcool, les sucreries ou se laisser distraire dans leur travail - et ont mis en place leurs propres règles pour les éviter. Apparemment, elles ont eu la volonté d'un super héros, car elles n'ont presque jamais eu à les utiliser.

Faire face aux tentations

Quand nous pensons à la volonté, nous pensons généralement à jouer la défensive. Nous pensons qu'il faut faire face à la tentation et ensuite convoquer la volonté d'y résister.

La plupart d'entre nous ne prennent pas l'approche d'Ulysse ou des personnes de cette étude. Nous ne prévoyons pas à l'avance comment résister à la tentation. Nous ne pensons pas à identifier les situations où nous sommes tentés de dévier de nos objectifs et nous nous mettons dans des situations où l'on est en devoir de leur résister.

Plutôt que d'utiliser notre volonté à travailler sur un projet un peu chaque jour, nous tergiversons jusqu'à la dernière minute et nous nous retrouvons finalement à devoir l'effectuer dans l'urgence.

Plutôt que d'utiliser notre volonté à pousser notre chariot de courses en évitant le rayon des sucreries de l'épicerie, nous nous mettons en situation de leur résister lorsque l'heure du dessert arrive.

C'est le contraire de ce que nous devrions faire pour tirer le meilleur parti de notre volonté limitée. Notre volonté agit comme un muscle. Plus nous l'utilisons tout au long de la journée, moins nous aurons à utiliser d'énergie pour d'autres tâches, peut-être plus importantes.

Plus vous pouvez éviter les tentations - plutôt que de leur résister - plus vous serez en mesure de conserver votre volonté, de diminuer votre niveau de stress et d'améliorer votre productivité. Et la meilleure façon de le faire est de jouer l'offensive.[3]

Comment jouer l'offensive

Alors, comment changeons-nous notre perspective de la défensive à l'offensive ?

Voici les étapes que vous pouvez prendre pour commencer à éviter les tentations et accomplir plus facilement vos buts.

1.
Faites une liste des choses qui défient votre volonté

La conscience de soi est la première étape vers l'amélioration de soi. Soyez honnêtes avec ce qui défie vraiment votre volonté. Faites une liste des choses et des situations que vous rencontrez de manière régulière et qui vous éprouvent. A ce stade, vous voulez juste identifier les défis.

Par exemple, ma liste contient le nettoyage de mon appartement, la mise en place d'une liste de choses à faire régulièrement, la résistance au beurre de cacahuètes et l'écriture de deux mille mots par jour.

2. Établir des prévisions

Ensuite, trouvez des moyens réalistes qui vous permettent soit d'éviter le défi, soit de le rendre plus facile à accomplir. Que pouvez-vous faire pour rendre difficiles les « mauvais » comportements et rendre faciles les « bons » comportements ?

Par exemple, des scientifiques ont constaté que si résister à un certain aliment vous semble difficile, vous ne devriez pas en avoir chez vous. Le simple désagrément d'avoir à prendre votre voiture et d'aller au magasin pour en acheter peut faire la différence dans le choix ultime d'y résister.

En utilisant la même méthode, vous êtes également plus susceptible de vous rendre à la salle de sport le matin si vous préparez votre sac la veille. Cette simple étape peut grandement faciliter votre motivation à y aller. [4]

3. Établir un pré-engagement
« La partie la plus difficile quant au fait d'aller à la salle de sport est tout simplement de prendre la décision d'y aller. » - Robert Kyosaki.
Le fait tout simple de prendre une décision canalise notre volonté. Nous utilisons une précieuse énergie mentale à contempler les arguments en faveur du renoncement, contre les avantages à rester forts. Plus nous passons de temps à décider, plus notre volonté sera siphonnée ; ce qui rend plus probable le fait que nous allons capituler.[5]

Nous pouvons surmonter ce problème en établissant un pré-engagement. Nous pouvons décider que, peu importe ce que nous allons faire à la salle de sport, nous pouvons concentrer notre volonté sur l'obtention de la tâche accomplie [aller à la salle de sport], plutôt que d'envisager ou non de le faire.

La meilleure façon de le faire est de créer un simple engagement de type « si x, alors y ». Par exemple, « si je suis à l'épicerie, alors je n'irai pas dans le rayon des sucreries ».

Si vous décidez à l'avance d'un engagement comme celui-ci, il vous sera beaucoup plus facile d'éviter la tentation parce que vous ne ferez que respecter la décision que vous avez déjà prise. Cela vous aidera à éviter le débat interne classique entre vos deux esprits.


4. Méfiez-vous de l'illusion de la planification

Les êtres humains sont incroyablement optimistes. Nous voyons naturellement l'avenir avec des yeux brillants et nos propres lendemains avec une incroyable volonté. Cela nous amène à créer des plans irréalistes à travers ce qu'on appelle le « sophisme de planification ».

Quand nous sommes dimanche et que nous avons l'intention d'aller courir lundi, mercredi et vendredi de cette semaine, nous surestimons la volonté qui sera la nôtre. Nous ne pensons pas au fait qu'après toute une semaine de travail, le vendredi nous verra exténués et que ce sera encore plus difficile de mettre nos chaussures pour aller courir.

Ce sont dans ces moments précis que nous « entendons l'appel des sirènes » pour passer notre tour et choisir le canapé plutôt que d'aller courir. Et si nous surestimons notre volonté dans ces situations, nous serons condamnés à suivre l'appel vers le canapé.

Vous devez reconnaître cette tendance naturelle à savoir ce qui est le mieux et à l'outrepasser. Souvenez-vous que même le grand héros Ulysse savait que la volonté seule ne serait pas suffisante pour le sauver.

Pour jouer la meilleure offensive, vous devez admettre que vous vous sentirez fatigués et stressés et donc vous devez prévoir le pire. Que pouvez-vous faire pour vous assurer que, même lorsque vous êtes le plus tenté, vous serez toujours en mesure de rester forts ?

Conclusion

Le moyen d'obtenir le meilleur de ce qu'est votre volonté est d'éviter d'avoir à l'utiliser. Il existe d'innombrables tentations et difficultés qui cherchent à nous détourner de nos objectifs à long terme. Plus nous pouvons éviter ces défis de manière proactive, plus nous avons la volonté de faire face à ceux que nous ne pouvons pas esquiver.

Nous pouvons tirer une leçon de L'Odyssée en reconnaissant que nous avons besoin de planifier à l'avance les moments de faiblesse auxquels nous serons confrontés. Au lieu de compter sur votre volonté de vous sauver à la dernière seconde, utilisez-la pour jouer l'offensive. Reconnaissez vos défis, faites des plans, établissez des pré-engagements et rappelez-vous que le future de votre être est simplement humain. Ensuite, vous pourriez être en mesure de passer à travers votre propre « appel des sirènes ».

Sources :
  1. Bloom, H. (1996). Homer's Odyssey. New York: Chelsea House.
  2. Ridder, D., Lensvelt-Mulders, G., Finkenauer, C., Stok, F., & Baumeister, R. (2011). Taking Stock of Self-Control: A Meta-Analysis of How Trait Self-Control Relates to a Wide Range of Behaviors. Personality and Social Psychology Review, 76-99.
  3. Crescioni, A., Ehrlinger, J., Alquist, J., Conlon, K., Baumeister, R., Schatschneider, C., & Dutton, G. (2013). High trait self-control predicts positive health behaviors and success in weight loss. Journal of Health Psychology, 750-759.
  4. Patterson, Kerry, Grenny J., Maxfield, D., McMillan, R., & Switzler, A. Change Anything: The New Science of Personal Success.
  5. Baumeister, R., Bratslavsky, E., Muraven, M., & Tice, D. (1998). Ego Depletion: Is The Active Self A Limited Resource? Journal of Personality and Social Psychology, 1252-1265.