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Mercredi 1er juillet, à quelques mois des élections parlementaires de novembre prochain, trois lois phares et controversées du mandat de Mariano Rajoy entreront en vigueur. Toutes trois ont trait à la sécurité et l'ordre public: la loi de sécurité citoyenne, une réforme du code pénal et une loi anti-terroriste.

La première de ces trois mesures, communément appelée « loi bâillon » par ses détracteurs, prévoit de transformer en sanctions administratives des infractions jusqu'ici sujettes à jugement. En d'autres termes, elle octroie à la police une plus grande liberté d'infliger des amendes aux contrevenants. La loi définit un certain nombre de comportements susceptibles de sanctions et auparavant non-punis par la justice. Parmi ceux-ci, "la célébration de spectacles publics ou activités récréatives violant l'interdiction ou la suspension ordonnée par l'autorité correspondante pour des raisons de sécurité publique" sera passible de 30.000 à 600.000 euros d'amende, "la perturbation grave de la sécurité citoyenne à l'occasion de réunions ou manifestations en face du Parlement, du Sénat et des assemblées législatives des communautés autonomes" pourra coûter jusqu'à 30.000 euros, et "le manque de respect et de considération envers un membre des forces de l'ordre dans l'exercice de ses fonctions" pourra être l'objet d'une sanction de 600 euros. La loi comporte par ailleurs une disposition déjà entrée en vigueur le 1er avril dernier et consistant à légaliser la reconduite immédiate à la frontière, sans donc faire l'objet de jugement, des immigrés arrêtés lors d'une tentative d'entrée sur les territoires espagnols de Ceuta et Melilla.

La réforme du code pénal transforme quant à elle la peine maximale de prison aujourd'hui en vigueur (40 ans) en peine de "prison permanente et révisable", et laisse entrevoir la possibilité d'une condamnation à perpétuité.

Enfin, la nouvelle loi anti-terroriste se propose d'éradiquer toute forme de radicalisation violente, y compris les expressions de racisme, xénophobie ou discrimination. Elle punit également de la peine maximale de prison contemplée par le code pénal les délits de terrorisme entraînant la mort. Si cette dernière loi a fait l'objet d'un pacte entre le PP et le Parti Socialiste (PSOE), les deux premières provoquent un tollé tant à niveau national qu'international.

Bien qu'adoptées par le parlement du fait de la majorité absolue du PP, ellessont rejetées par l'ensemble des autres forces politiques. En outre, un sondage réalisé en décembre dernier avance que 82% des Espagnols s'opposeraient à la loi de sécurité citoyenne. À niveau international, la condamnation est également unanime. Un groupe d'experts du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme des Nations-Unies exhortait l'Espagne, un mois avant l'adoption des textes en mars dernier, à rejeter la loi de sécurité citoyenne et la réforme du code pénal pour les menaces qu'elles font peser sur les droits et libertés fondamentales. Il faisait en particulier remarquer que les lois restreignent de façon disproportionnée et non-nécessaire des libertés fondamentales telles que l'exercice collectif [des] libertés d'opinion et d'expression" et qu'elles comprennent "des définitions larges ou ambigües qui laissent le champ libre à une application disproportionnée [...] de la part des autorités". Dans la même ligne, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, critique durement la loi de sécurité citoyenne et souligne que les expulsions automatiques et collectives des émigrés arrivant à Ceuta et Melilla violent clairement le droit international. Aryeh Neier, fondateur de Human Right Watch dénonce également qu'il lui "semble que le gouvernement espagnol agit comme s'il était apeuré et peu sûr de lui. S'il avait confiance en lui, en ses politiques, il n'aurait pas élaboré la loi bâillon, il ne limiterait pas le droit de protestation."

Le virage sécuritaire pris par le gouvernement de Mariano Rajoy semble en effet chercher délibérément à limiter de trop nombreuses manifestations en cette année électorale où le PP vient d'essuyer de sérieux revers aux élections municipales de mai dernier. Quitte à faire de la répression l'outil principal d'une paix sociale, de fait, artificielle.