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Wissam el-Hassan n’avait pas que des amis, mais pas que des ennemis syriens !
L'attentat de Beyrouth qui a coûté vendredi la vie au chef du renseignement de la Sécurité libanaise, le général Wissam el-Hassan, - et sept autres personnes - n'a pas été revendiqué mais il a déjà été attribué. Depuis son séjour étranger, Saad Hariri, leader du Courant du Futur, de l'Alliance du 14 mars et adversaire libanais n°1 de l'actuelle coalition gouvernementale, du Hezbollah et de Bachar al-Assad, a accusé ce dernier d'être derrière derrière les poseurs de bombe. Et le « caméléon druze », Walid Joumblatt a fait de même. Dans la foulée, les mêmes - et n'oublions pas dans le lot le leader chrétien (des « Forces libanaises« ) Samir Geagea - désignent aussi le Hezbollah comme exécutant.

Il y a d'autres pistes que la syrienne

Certes, Wissam el-Hassan, homme lige de Hariri, n'était pas un ami de Damas. Certes, il était entre autres le responsable de l'arrestation de l'homme politique pro-syrien Michel Samaha, accusé de préparer un attentat à la demande du gouvernement syrien (ce qui nous a toujours paru assez rocambolesque, soit dit en passant). Mais était-ce bien l'intérêt de Damas, dans les circonstances présentes, de plonger son voisin dans la plus grave crise qu'il ait connu depuis des mois voire des années, et de mettre en difficulté notamment son fidèle allié du Hezbollah ? Et n'y a-t-il pas, dans ce Liban de nouveau « radioactif » depuis le début de la crise syrienne, assez d'officines, libanaises ou étrangères, pour relancer une stratégie de la tension, déstabiliser une nouvelle fois ce pays afin de déclencher une guerre confessionnelle régionale qui mette le chaos à nouveau dans le monde arabe ?

Même un journal comme le quotidien L'Orient Le Jour, porte-voix de l'opposition pro-occidentale et anti-syrienne, hésite aujourd'hui à désigner un coupable sûr, écrivant qu' »il n'est pas facile de trancher » et expliquant : « L'officier avait à son actif le démantèlement aussi bien pro-israéliens, salafistes que pro-syriens« . Ce fait en effet beaucoup d'ennemis potentiels.

L'émotion au Liban est à la hauteur du coup porté à sa stabilité. L'opposition haririste demande la démission du gouvernement Mikati, accusé d'être pro-Damas (il est plutôt à cet égard, et bien que soutenu par le Hezbollah, le général Aoun et le mouvement Amal, d'une grande « prudence »). Le premier ministre a décrété une journée de deuil national.

Et sur le terrain, des groupes armés de l'opposition ont établi des barrages dans plusieurs régions du pays, et à Tripoli, capitale du Nord Liban, où les groupes sunnites radicaux tentent sporadiquement de mettre le pays du Cèdre à l'heure de la Syrie, des échanges de tirs ont repris entre quartiers pro-Bachar et pro-ASL. C'est tout pour l'heure. Peut-il y avoir plus ? L'Orient Le Jour suggère qu'avec cet attentat, l'opinion libanaise dans son ensemble a craint de revivre une guerre civile. Et justement, l'opinion libanaise, toutes tendances confondues, ne veut pas revivre les années 70 et 80 qui ont ruiné et ensanglanté le pays. Ce terrible souvenir demeure le meilleur garde-fou, le meilleur moyen de déjouer les provocations, si graves soient-elles.

Dans l'immédiat, et si l'on s'en tient à l'adage « Hic fecit cui prodest » (A qui profite le crime ?), c'est le gouvernement actuel qui voit son existence menacée, ce qui pouvait être le but des poseurs de la bombe.

Une dernière chose. Dans son article, L'Orient Le Jour loue la réaction « adroite » de Walid Joumblatt. Parce que le vieux leader druze qui a retourné plusieurs fois sa veste, a choisi d'accabler Bachar al-Assad pour détourner vers l'étranger la colère d'une partie des Libanais, et donc ainsi « prévenir une discorde entre chiites et sunnites » libanais. Habile, en effet, mais pas très convaincant quant aux responsabilités effectives dans l'attentat de Beyrouth-Sassine.