En ce début de printemps calendaire, l'extension des grands froids à l'échelle de l'hémisphère nord est remarquable. En certaines régions, l'on assiste même à des records d'enneigement (Pays Baltes, Québec, Allemagne...) et de froid (nord de la Scandinavie). Les explications d'une telle situation sont à chercher du coté de la position des anticyclones polaires mais aussi des oscillations océaniques dont la variabilité naturelle fait l'objet de nombreuses études.

Si l'hiver 2012 / 2013 s'avère au final un peu plus froid que la moyenne en France, toute l'Europe du nord ainsi que la partie Russe du continent ont connu une saison hivernale particulièrement rigoureuse, qui avait débuté sur les chapeaux de roue dès le mois de novembre. Depuis, la Scandinavie n' a pratiquement pas connu de redoux durable (hormis une période courant janvier).

Ainsi, la neige s'est accumulée au grè des blizzards sur ces régions tandis que le golfe de Botnie et certaines baies de la mer Baltique sont solidement prises par les glaces. Globalement, l'air arctique continental est resté contenu au niveau du Bénélux et de l'Allemagne, mais quelques incursions vers l'ouest ont provoqué quelques coups de froid sur la moitié nord de la France ainsi que sur les îles britanniques.

Jusqu'à -31°C au nord de la Finlande

Depuis le début du mois de mars, de l'air particulièrement froid stationne sur la partie nord de l'Europe. Les températures les plus basses concernent la Laponie, le nord de la Norvège et de la Suède avec des températures qui sont descendues mercredi matin jusqu'à -31°C à Kevo en Finlande et Nyrud en Norvège. D'une façon générale, il fait actuellement entre -15° et -30°C le matin sur la Scandinavie, et guère plus de -1° à -9°C l'après-midi.

Une couverture neigeuse encore très étendue, un record historique pour l'Allemagne

L'air froid d'origine polaire envahit encore une grande partie de l'hémisphère nord où la couverture neigeuse au sol reste très étendue pour une fin mars. Chez nos voisins allemands la neige recouvre encore les 3/4 du pays avec jusqu'à 10 à 15 cm dans le nord-est du pays, ce qui est un record d'hiver rigoureux tardif depuis 1883. En Pologne on observe 10 à 30 cm de neige au sol, 55 cm en Biélorussie dans la région de Minsk, et 70 cm à Helsinki en Finlande.

La France située en bordure de l'air froid.


L'air froid est à nos portes puisque les températures restent hivernales des Iles Britanniques au Bénélux. Ces prochains jours l'air froid va d'ailleurs à nouveau gagner le nord du pays avec un flux qui va s'orienter au nord-est dès dimanche, rabattant l'air très froid au nord de la Loire et augurant d'une semaine hivernale (il s'agirait plutôt d'un froid sec, mais un épisode neigeux est envisagé au moment de l'arrivée de l'air froid).

Les oscillations océaniques (Atlantiques et Arctiques) et la stratosphère mises en cause

Pour expliquer une telle situation de froid récurrent, il faut bien sur analyser la position des centres d'action : anticyclones et dépressions. On note alors l'étendue exceptionnelle des anticyclones polaires qui recouvrent tout le nord de notre hémisphère, et dont le chapeau est situé sur le Groënland (lequel a frôlé des records de froid absolus début mars avec - 66°C, ainsi que des valeurs de pression très élevées : 1074 hPa ce mercredi). Ces hautes pressions sont liées à de l'air plus chaud en haute altitude (au niveau de la stratosphère, vers les 8000 m d'altitude) tandis que l'air froid s'accumule dans les basses couches et s'écoule de part et d'autre vers des zones situées plus au sud.

Cela explique en partie pourquoi les dépressions tempérées sont obligées de circuler plus bas que d'habitude, notamment des Açores à la Méditerranée (zones soumises à de fortes intempéries depuis le début de l'hiver), alors que le froid maintient son emprise plus au nord.

Autre symptôme, sans doute lié : les oscillations océaniques, c'est à dire les variations de pression atmosphérique au-dessus de l'Atlantique et de l'Arctique. L'on calcule la différence de pression de part et d'autre de ces océans, et l'on obtient un indice positif ou négatif en fonction de la position des dépressions et des anticyclones. Par exemple, l'Oscillation Nord-Atlantique (NAO) est dite négative lorsque les pressions sont élevées dans sa partie nord (sur l'Islande) et basses dans sa partie sud (les Açores), alors qu'en temps normal, c'est l'inverse avec le célèbre anticyclone des Açores.

Nous sommes actuellement dans une phase très négative de cette oscillation : pour mémoire, voici quelques pics remarquables depuis 1959 :

18/11/1959 : -5.896
21/01//1963 : -5.010
20/06/1964 : -5.992
02/07/1964 : -5.976
28/01/1966 : -5.130
13/02/1969 : -5.282
04/03/1970 : -5.918

29/12/1976 : -5.287
12/01/1977 : -5.802
05/02/1978 : -5.291
19/01/1985 : -6.226

18/10/2002 : -5.098
21/12/2009 : -5.821
03/01/2010 : -5.533
06/02/2010 : -5.205
14/02/2010 : -5.132
18/12/2010 : -5.265

On remarque trois périodes clairement identifiées qui correspondent à des cycles d'hivers rigoureux, dont l'actuel. Le record d'oscillation Arctique négative depuis le début du calcul est de -6.226 atteint le 19 janvier 1985, marqué par l'un des hivers les plus froids du XXème siècle.

Actuellement, l'AO est à -4.8, et toujours en baisse selon les dernières projections. Des valeurs proches de -5.5 / -6 pourraient être atteintes ces jours-ci, ce qui est assez rare. Cela conduit donc à une nouvelle intensification du froid, mais compte-tenu de la période de l'année où la durée d'ensolellement est de plus en plus longue, on ne risque pas de connaître une vague de froid telle qu'on aurait pu avoir au coeur de l'hiver...

Pour aller plus loin : actualite.lachainemeteo.com/actualite-meteo/2011-12-02-00h00/tempetes-en-europe-ces-prochains-jours-14644.php