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© Arnaud Malon
Les visites très médiatisées d'usines en souffrance et les discours volontaristes d'Arnaud Montebourg n'auront pas empêché les faillites, fermetures de site et rachats de se succéder depuis le début du quinquennat de François Hollande. Inventaire.

Ce n'est pas le tout d'avoir un ministre du "Redressement productif" qui pose en marinière Armor Lux pour chanter les louanges du "made in France", un robot Moulinex en main. Encore faut-il se donner les moyens de s'attaquer aux lois et aux structures économiques qui enfoncent depuis vingt ans la France dans la désindustrialisation, dont l'imminent rachat d'Alstom, convoité par l'Américain General Electric et l'Allemand Siemens, n'est que le dernier épisode en date.

Des fleurons français qui changent de nationalité

Depuis 2012, de nombreuses icônes de l'économie française ont en partie ou intégralement changé de nationalité. La liste donne le tournis. En juillet 2013, une fusion est annoncée entre Publicis, troisième agence mondiale, et son homologue américain, Omnicom. Si le siège social du futur géant mondial de la pub doit être transféré aux Pays-Bas, sa "résidence fiscale" devrait revenir au Royaume-Uni, optimisation fiscale oblige. Dans le cas de PSA Peugeot Citroën, il était initialement prévu que le Chinois Dongfeng prenne 30 % du capital, à parité avec l'État français, avant que l'amélioration des conditions de marché, fin 2013, ne permette de réduire ces parts respectives à 14 %.

Début avril, le cimentier Lafarge fusionne avec son rival suisse Holcim et transfère son siege à Zurich. Quant à FagorBrandt, lâché par son ex-actionnaire basque Mondragon, le groupe d'électroménager sera algérien, le tribunal de commerce de Nanterre ayant validé en avril sa reprise par le congomérat Cevital. Enfin, SFR est en train de se faire racheter par Numericable, détenu à 60% par Altice, immatriculée au Luxembourg, et elle-même détenue à 62% par Next LP, la holding personnelle de Patrick Drahi, résident fiscal suisse et citoyen israélien ayant abandonné la nationalité française.

La France voit ainsi disparaître un à un ses champions nationaux, parfois avec la complicité active du gouvernement français, comme dans le cas de PSA. Une tendance qui s'est accélérée ces derniers mois : selon le cabinet Dealogic, le pays a concentré un tiers des fusions-acquisitions en Europe au premier trimestre 2014.

Des sites qui ferment

Plus graves encore que les changements de pavillon, les fermetures d'usines s'accélèrent également. Là encore, la liste paraît interminable. À peine deux mois après l'élection de Hollande, la direction de PSA annonce la fermeture de son usine d'Aulnay en Seine-Saint-Denis ainsi que la suppression de 8.000 postes en France. Après que Montebourg a menacé la direction d'ArcelorMittal de nationaliser le site de Florange, fleuron de la sidérurgie française, l'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault accepte, fin novembre 2012, le plan de fermeture des deux derniers hauts fourneaux lorrains. Le candidat Hollande s'était pourtant engagé à faire adopter une loi qui obligerait les groupes souhaitant céder des sites rentables à les proposer à un éventuel repreneur... Ce sera, de l'aveu de Montebourg, son « échec le plus cuisant ».

En janvier 2013, la direction de l'équipementier automobile Goodyear annonce à son tour la fin du site d'Amiens-Nord et la mise à la porte de ses 1.200 salariés. En avril 2013, le tribunal de commerce de Rouen rejette les offres de reprise du panaméen Netoil et du libyen Murzuk Oil, en lesquelles les 448 employés de la raffinerie de Pétroplus à Petit-Couronne fondaient leurs derniers espoirs. L'État peut beaucoup, « mais il ne fait pas des miracles », commente Arnaud Montebourg.

Des emplois qui partent en fumée

Le géant Alcatel-Lucent annonce début octobre son intention de supprimer 900 emplois en France et de fermer deux sites dans l'Hexagone, à Rennes et à Colomiers. À Docelles dans les Vosges, la plus vieille usine de France, une papeterie ouverte au XVe siècle a cessé sa production le 24 janvier. Et ce sera bientôt le tour des légumes Lunor à Chaulnes en Picardie ou encore des équipements automobiles Wimetal à Iwuy dans le Nord.

En 2013, 263 fermetures de sites industriels ont ainsi été annoncées, presque autant que l'année précédente, contre 124 créations. Au total, la France compte environ 520 sites industriels de moins qu'au début de 2009.

Ces fermetures de site se traduisent inévitablement par des destructions d'emplois importantes : d'après le dernier rapport du Conseil national de l'industrie (CNI), l'industrie tricolore a perdu 70.000 emplois en 2012 et 61.900 en 2013, les secteurs les plus touchés étant l'automobile, la métallurgie, le bois-papier-imprimerie et la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique. Le ministre du Travail François Rebsamen peut déclarer solennellement vouloir « que tous les emplois soient sauvegardés » chez Alstom, mais il est peu probable que ses paroles suffisent à rassurer les salariés.