Mario Draghi a annoncé comme convenu jeudi 05 juin une baisse du taux directeur de la Banque Centrale Européenne de 0.25 à 0.15%, soit un nouveau plus bas historique. Dans le même temps, il a annoncé la baisse de la rémunération des dépôts des liquidités auprès de la BCE à -0.10%, une première là aussi.
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Ces mesures étaient attendues et avaient déjà été largement commentées par la presse économique. Qu'est-ce donc qui a poussé « super Mario » a prendre de si « énergiques » mesures alors que la commission se félicitait il y a peu du fait que la Grèce et le Portugal étaient retournés sur les marchés et que la vie repartait de plus belle en euroland ? La réalité tout simplement montre que la zone euro est au bord de la déflation, avec un taux d'inflation au plus bas depuis 2008 à 0.5% au moi de mai. Rappelons que le mandat de la BCE lui enjoint d'assurer un taux d'inflation d'environ 2%, jugé optimum pour l'activité économique. Alors que la déflation, ce n'est pas bon pour l'économie. La déflation vous pousse à attendre que les prix baissent au lieu de dépenser votre argent (pour ceux qui en ont encore), la déflation signifie aussi que le poids de la dette augmente, ce qui est précisément la pire nouvelle pour une économie surendettée.

Ces mesures sont-elles de nature à relancer l'inflation et l'activité économique ? La réponse est non. On voit mal comment une baisse de 0.10% du taux directeur pourrait d'un coup donner aux banques l'envie de prêter. Si elles ne le font pas à 0.25, elles ne le feront pas mieux à 0.15 parce qu'il n'y a tout simplement pas d'emprunteurs solvables, pas de demande, et pas d'investissement des entreprises.

A quoi pourrait servir un taux de dépôt négatif ? A éviter que les banques de la zone euro continuent à planquer leur argent à la BCE. Ces dernières préfèrent en effet placer leurs liquidités en dépôt auprès de la Banque centrale plutôt que de se prêter de l'argent entre elle par peur de ne pas pouvoir le récupérer. Voyez à quel point la confiance règne entre les banksters. Le volume de ces dépôts était de plus de 520 milliards d'euros en 2012...

Mario Draghi espère ainsi relancer le crédit, mais sans emprunteurs solvables, sans demande, et sans investissements, il n'y aura pas plus de demandes de crédit...

L'autre grande nouvelle annoncée par « Super Mario » c'est un prochain programme de prêts massifs aux banques, LTRO. Ce type de programme d'injection massif de liquidités quasi gratuites dans le secteur bancaire est sensé en théorie relancer le crédit, par afflux de monnaie, un peu comme lorsque vous collez un masque à oxygène à un patient victime d'une syncope... Ce type de programme a déjà été mis en oeuvre par la BCE à l'hiver 2011/2012 pour un montant de 1000 milliards d'euros. Ce qui a vachement relancé l'économie de la zone euro, notamment en Espagne ou en Italie, qui en ont été les premières bénéficiaires... Cette manne avait massivement été placée en dépôt auprès de la BCE, justement, et avait également permis aux banques de racheter des obligations souveraines de leur pays en empochant la différentiel d'intérêt au passage (ce qui n'était pas du tout dégueux sur des obligations espagnoles ou Italiennes à 5 ou 6% par exemple...). Ce qui les laisse également avec tout un tas d'obligations souveraines pourries (parce qu'elles ne seront probablement jamais remboursées) dans leur bilan, il y a une contre partie à tout...

Mais attention, cette fois-ci ce sera différent puisque ce LTRO sera « ciblé », c'est à dire que les crédits seront destinés à l'économie et seront soi disant « réservé aux banques qui prêtent à leur tour aux entreprises ». D'ailleurs il s'agira de T LTRO pour « Targeted », un peu comme si le mec tirait des missiles balistiques... Bah tiens, mais comme les entreprises ne souhaiterons pas plus emprunter faute de clients solvables et de demande, que vont-elles faire de tout ce pognon « ciblé » ? En tout cas Mario a prévenu que « cette fois, nous sommes déterminés à ce que ces sommes ne soient pas utilisées pour acheter des titres souverains. » Comme on dit, les promesses n'engagent que ceux qui les croient.

La réaction la plus tangible, et la plus symptomatique de la direction que devrait prendre le pognon, a été celle des bourses européennes qui ont toutes clôturées en hausse. Le CAC grimpait jeudi de 1.6%, et la bourse de Milan de 2.2... ce qui faisait titrer le site challenges.fr : « Les bourses européennes boostées par les mesures de la BCE ». Il est à noter que ces liquidités devraient également permettre aux banques à la situation financière très précaire, de se renflouer de manière inespérée alors qu'elles vont passer sous l'autorité d'un régulateur unique dans le cadre du mécanisme de supervision bancaire européen (merci Michel Barnier). Ce superviseur devra précisément évaluer leur état financier et le risque systémique qu'elles représentent ainsi que leurs besoins de recapitalisation. Et comme par hasard, ce régulateur n'est autre que la BCE ! Et quand on sait que la BNP devra peut-être devoir lâcher 16 milliards de dollars à la justice américaine, le programme de refinancement tombe à pic...

L'exemple de la FED aux états-unis est pourtant là depuis des années pour montrer que les injections massives de liquidités dans le secteur bancaire ne profitaient qu'au secteur financier et absolument pas à l'économie réelle et aux classes moyennes. Le journal le Point titre ainsi aujourd'hui : » La BCE, amie des riches » et rappelle fort à propos que « les taux faibles font la joie des spéculateurs ». Alors que la bourse américaine surfe à des niveaux stratosphériques, la classe moyenne continue en effet de s'enfoncer dans la pauvreté et le ménage américain médian est 4 000 $ plus pauvre qu'il l'était en 2008...

Mais puisque Mario l'a promis : cette fois ce sera différent, et il faut le croire sur parole...