Ils sont 67 parmi les 500 grandes fortunes de l'Hexagone. Après une hausse de 25% en 2012, leur patrimoine a encore progressé de 15%. Grâce à la bonne santé de leur entreprise, mais pas seulement...

Et si Thomas Piketty avait raison? Si les inégalités se creusaient à nouveau en France? Comment, en effet, ne pas être frappé, dans un pays où le pouvoir d'achat de l'immense majorité stagne ou régresse, par la progression du patrimoine des plus riches? Selon l'économiste français, le 1% de la population ayant le plus de patrimoine détient aujourd'hui 25% de la richesse nationale, contre 23% en 1970. Une concentration que confirme notre 19e classement, établi après une enquête contradictoire: le montant total des 500 premiers patrimoines professionnels français a augmenté de plus de 15% en un an, pour atteindre 390 milliards d'euros. Cet enrichissement global se traduit également par une progression du nombre de milliardaires. Ils sont désormais 67, soit 12 de plus que l'an passé.

La France n'est pas une exception : le magazine Bilan, qui suit les 100 plus riches résidents suisses - dont 15 Français - , estime que leur fortune a augmenté de 12% en un an. Le constat est sans appel: les entreprises familiales vont bien, et parfois même, très bien. A la manière d'Altrad, leader européen de l'échafaudage et de la location de bétonnières, qui boucle son centième rachat. "Nous avons une croissance à deux chiffres depuis trente ans", confirme son PDG et fondateur, Mohed Altrad (61e fortune, avec 1 milliard d'euros).

Le rôle indirect des banques centrales

Ces confortables valorisations ne sont pas seulement dues à la bonne santé des entreprises. Pour relancer une machine économique qui tourne au ralenti, les banques centrales ont, depuis quelques années, fait tourner leur planche à billets et prêté à taux nul, ou même négatif. Conséquence : nos économies sont submergées de milliards qui vont s'investir de préférence sur les beaux actifs réels, comme les participations dans les sociétés, cotées ou pas, l'immobilier et... les biens de luxe.

Cela explique en partie la belle progression des ventes du groupe LVMH dont l'actionnaire, Bernard Arnault, conforte cette année sa place de première fortune française, à 27 milliards, soit 2,7 milliards de plus que l'an dernier. Cela explique aussi celle du patrimoine des actionnaires de Chanel, Alain et Gérard Wertheimer (5e, avec 14,5 milliards). Mais dans leur cas, il faut aussi tenir compte de la réévaluation que nous avons faite suite à la révélation par Challenges de leurs comptes consolidés.

Fortune faite, ils achètent des palaces

Les taux d'emprunt très attractifs ont aussi permis aux opérations de fusions-acquisitions et d'investissement de reprendre de plus belle, menées aussi bien par des dirigeants tels que Xavier Niel (9e, avec 8,5 milliards) avec Kima, ou Marc Simoncini (431e, avec 100 millions) avec Jaïna, que par des fonds financiers. Leurs cibles ? Des start-up prometteuses ou des groupes à l'actionnariat familial fragmenté, désuni ou désireux de passer la main. C'est ainsi qu'Arkopharma a été cédé au fonds Montagu pour 300 millions, ou que Jean-Claude Marian a accepté de céder une partie de ses titres Orpea.

Mais une fois l'entreprise vendue, que faire de son argent ? Car céder sa société, c'est aussi passer du statut fiscalement confortable de dirigeant actif, et donc exonéré d'ISF, à celui d'actionnaire oisif, lourdement taxé sur la fortune. La solution ? Vite retrouver une activité. Et si possible agréable... comme l'hôtellerie. Les riches en sont fous, qu'ils soient promoteurs (Christian Terrassoux, Patrice Pichet), restaurateurs, (Robert Zolade), ex-producteurs à la télévision (Stéphane Courbit, Arthur), transporteurs (Norbert Dentressangle, Deret), ex-assureurs (Hubert Guillard, famille Bessé), bijoutier (Robert Mouawad), ou encore ex-vendeur de ceintures herniaires (Jean-Claude Lavorel). Il y a encore quelques années, les riches étaient fascinés par les terroirs des grands vignobles. Aujourd'hui, ce sont les étoiles des hôtels.