La France déploie ses troupes stationnées au Niger pour les mettre en position d'intervention en territoire libyen.

Les islamistes armés libyens inquiètent beaucoup de monde. La diplomatie algérienne fait des pieds et des mains pour ouvrir un canal de dialogue entre les différentes parties en guerre depuis l'été dernier. Quant à la France, elle donne les signes d'un prochain mouvement de ses troupes mobilisées dans le cadre de l'opération Serval au Mali et celles stationnées au Niger pour faire face aux menées des brigades djihadistes qui écument le Fezzan.

Gendarme de l'Afrique, la France ? Oui. L'ancien colonisateur revient avec armes et bagages avec la montée des mouvements djihadistes. En effet, l'armée française est en train d'établir une base dans le nord du Niger dans le cadre d'une opération visant les activistes liés à Al Qaïda qui évoluent dans la zone sahélo-saharienne, du sud de la Libye à la Mauritanie, a-t-on appris de source autorisée. Trouvant prétexte du chaos qui règne en Libye, la France entend mettre en place un rideau sanitaire pour protéger le Sahel d'un retour en force des djihadistes. Pour le Niger, la France a de gros intérêts à défendre avec les mines qu'exploite la société française Areva depuis un paquet d'années.

La France a pris l'initiative militaire pour repousser les islamistes dans la région. Car la chute de Mouammar Kadhafi a permis à de nombreux groupes djihadistes de se réarmer dans les armureries de l'ancien dictateur libyen, ce qui fait de ces groupes constituent un réel danger pour des régimes aussi fragiles que le Niger aujourd'hui et le Mali il y a deux ans.

Quelque 3.000 soldats français opèrent ainsi au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, pays à cheval sur la bande sahélienne, avec l'objectif d'éradiquer la menace islamiste dans la région. Un millier d'autres hommes, au Gabon et au Sénégal, fournissent un soutien logistique. "Une base est en train d'être installée dans le nord du Niger (...) avec la question lancinante de la Libye", a confié un diplomate. La localisation précise de cette base n'a pas été précisée mais selon des sources militaires au Niger, elle se trouverait près de Madama, dans le nord-est du pays.

Depuis des mois, des responsables français se disent inquiets de l'instabilité de la Libye, où le vide politique dans les villes du Nord offre toute latitude aux groupes islamistes pour prendre position dans le Sud désertique.

On estime à 300 le nombre de combattants liés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou au groupe dissident dirigé par Mokhtar Belmokhtar dans le sud de la Libye, point de départ des routes de la contrebande dans la région.

Des drones français et américains opèrent déjà dans la région à partir de Niamey, la capitale nigérienne. Selon des responsables américains, les drones américains pourraient être redéployés à Agadez, à 750 km plus au nord-est. Les puissances occidentales excluent toute intervention militaire dans le pays pour ne pas risquer de déstabiliser une région tout entière, car chacun des pays voisins soutient des groupes et a des intérêts divergents en Libye.

La Minusma à renforcer

Mais la France, d'autant plus exposée dans la région sahélo-saharienne maintenant qu'elle est engagée en Irak contre l'Etat islamique, veut frapper plus fort. L'assassinat du Français Hervé Gourdel par un groupe algérien ayant fait allégeance à l'EI semble aussi avoir renforcé sa détermination. "L'approche est globale", a dit jeudi le porte-parole de l'état-major des armées, Gilles Jaron. "Nous sommes en premier rideau dans la bande Sahel-Sahara et en appui en Irak."

Si le centre de commandement de l'opération Barkhane est à N'Djamena, capitale du Tchad, un poste avancé a été installé dans ce même pays, à 200 km de la frontière libyenne. Au Niger, la base est en cours d'achèvement et pourra accueillir 200 soldats ainsi qu'un soutien aérien. "Nous aurons à rejoindre les points qui nous intéressent et donc les grands points de transit susceptibles d'être empruntés par les terroristes", a dit le colonel Jaron.

Les troupes françaises traquent Aqmi

La France dit avoir enregistré plusieurs succès militaires ces dernières semaines. Deux sources diplomatiques affirment qu'Abou Aassim El Mouhadjir, porte-parole du groupe de Mokhtar Belmokhtar, a été capturé en août. Quatre activistes présumés ont en outre été pris fin septembre à Gao, dans le nord du Mali.

La France a cédé le contrôle de cette zone à la Minusma, la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali. Cela ne va pas sans difficultés et les attaques contre les soldats étrangers sont plus fréquentes. Le chef des opérations de maintien de la paix de l'Onu, Hervé Ladsous, a fait état la semaine dernière d'un risque accru, disant que le manque d'hélicoptères et de forces spéciales rend la riposte compliquée.

"Le problème est en train d'être résolu. Nous voulons que la Minusma soit à la hauteur pour pouvoir nous concentrer sur notre mission numéro un: nous débarrasser d'Aqmi", a dit une source au ministère de la Défense français.