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Dans l'année qui marque 800 ans depuis la Magna carta de l'Angleterre, qui affirmait que les rois ne pouvaient pas simplement imposer leur volonté comme bon leur semblait et les hommes libres ne pouvaient pas être punis à moins de violer la loi du pays, le nouveau gouvernement conservateur britannique prépare un assaut massif sur les libertés civiles.

Les conservateurs sont prêts à adopter une nouvelle législation visant les « extrémistes » qui pose une menace fondamentale pour les opposants politiques du gouvernement et pour la classe ouvrière. L'affirmation selon laquelle la nouvelle loi vise tout simplement ou principalement des terroristes islamiques est un mensonge.

En vertu des dispositions de la législation, les autorités pourront punir quiconque fait preuve d'un comportement «nocif», allant de désordres publics à des menaces au fonctionnement de la démocratie. Des individus et des groupes sujets à des «arrêtés de perturbation par des extrémistes» et à des «arrêtés d'interdiction" seront obligés de donner à la police tous les documents qu'ils ont l'intention de publier, y compris sur les médias sociaux. On pourrait aussi interdire à des particuliers de participer à des rassemblements publics et de parler lors de manifestations ou protestations.

La proposition du gouvernement britannique est la dernière d'une série de mesures antidémocratiques adoptées de par le monde ces derniers mois. La nouvelle poussée des pouvoirs de l'État policier a été initiée par les États-Unis.

Dans un discours en septembre dernier aux Nations Unies, le président Barack Obama a fait un appel aux alliés de Washington pour qu'ils intensifient les efforts pour lutter contre l'extrémisme islamique. L'appel est venu peu de temps après que les États-Unis ont entamé leur dernière guerre d'agression au Moyen-Orient avec le bombardement de positions de l'État islamique d'Irak et la Syrie (EI) en Irak et en Syrie.

En février, Obama a tenu un sommet sur le terrorisme à Washington auquel 65 États ont participé. Le président américain a fait remarquer dans un discours que tant les politiques intérieures et étrangères devaient cibler non seulement « des terroristes qui tuent des personnes innocentes », mais aussi les « idéologies, l'infrastructure des extrémistes - les propagandistes, les recruteurs, les bailleurs de fonds qui radicalisent et recrutent ou incitent les gens à la violence ».

Le World Socialist Web Site a averti à l'époque que de telles formulations globales pourraient « éventuellement cibler virtuellement tous ceux qui condamnent les politiques "modérées" de l'impérialisme américain ». Quelques semaines après ce sommet, des mesures draconiennes ont été imposées dans plusieurs pays.

Le mois dernier, le Parlement français a adopté une nouvelle loi antiterroriste permettant une grande expansion de la surveillance de l'État. Profitant de l'attaque de janvier sur les bureaux de la revue Charlie Hebdo, le gouvernement du Parti socialiste de François Hollande a légiféré une augmentation des postes militaires et des services de renseignement de manière à élargir la surveillance de l'Internet et des sites des réseaux sociaux. Des agents du renseignement seront autorisés à lire les documents de personnes sous surveillance et une nouvelle base de données pour le transport aérien doit être établie.

Au Canada, le gouvernement conservateur de Stephen Harper fait rapidement adopter une loi par le parlement donnant de nouveaux pouvoirs draconiens aux services de renseignement. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) sera désormais habilité à « perturber » activement des groupes considérés comme une menace à la sécurité économique ou nationale ou l'intégrité territoriale du pays. Le SCRS aura le feu vert pour violer la Charte des droits et libertés de la Constitution canadienne et enfreindre quasiment toute loi pour y arriver.

Comme dans le cas de la législation prévue de Cameron, la définition des menaces à la sécurité nationale contenue dans le projet de loi C-51 du Canada est si universelle et élastique qu'elle pourrait viser les opposants politiques à la politique étrangère militariste du gouvernement et les travailleurs en grève.

Le projet de loi C-51 prévoit aussi la poursuite d'individus accusés de « promouvoir le terrorisme », en parallèle avec des dispositions similaires adoptées en Australie l'année dernière visant la liberté d'expression.

Une caractéristique importante des nouvelles lois « antiterroristes » et « anti-extrémistes » est la rapidité avec laquelle elles sont mises en œuvre. Au cours de quelques mois, une législation qui érode des normes démocratiques de longue date a été adoptée en France et a été passée en force à la Chambre des communes du Canada. La loi britannique sera incluse dans le discours de la Reine le 27 mai (c'est ce dernier qui définit les priorités législatives du gouvernement), et sera mise en œuvre en quelques mois.

Il n'y a pas d'opposition sérieuse au sein des élites dirigeantes internationales à l'abandon des procédures démocratiques et à la mise en œuvre de mesures d'État policier. La nouvelle loi du gouvernement Cameron a été présentée à la fin de la campagne électorale dans laquelle tous les grands partis ont tenu à faire respecter le droit des services de renseignement de poursuivre leur surveillance de masse de la population, ont soutenu la politique étrangère militariste agressive de la Grande-Bretagne et ont préconisé de nouvelles attaques sur les droits sociaux des travailleurs du pays.

Le Parti travailliste britannique a supervisé, au cours de ses treize années au pouvoir, le renforcement des pouvoirs de la police pour détenir des suspects, codifiés dans la Loi sur le terrorisme de 2001, la criminalisation de l'« encouragement » et de l'« incitation » au terrorisme en 2006 et le rôle de premier plan de la Grande-Bretagne dans l'exploitation d'un réseau d'espionnage mondial en alliance avec l'Agence nationale de sécurité des États-Unis (NSA).

Les États-Unis avaient ouvert la voie à l'assaut initial sur les droits démocratiques à la suite des attaques du 11-Septembre, avec le passage du Patriot Act, l'ouverture du goulag à Guantanamo, les politiques d'enlèvement et de torture et la vaste expansion du programme d'espionnage de la NSA. Les révélations d'Edward Snowden ont mis en lumière le fait que toutes les grandes puissances impérialistes sont complices dans la surveillance de masse de leurs propres populations

L'affirmation selon laquelle ces gouvernements mènent une croisade pour la démocratie dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme » a été exposée comme une fraude. Cela a été plus récemment illustré par la révélation que l'assassinat en 2011 du chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, s'est produit un an après que les services renseignement américains eurent appris qu'il était sous la protection des services de renseignement pakistanais.

Dans la poursuite de leurs intérêts impérialistes dans le monde entier, les États-Unis et leurs alliés ont été plus que disposés à collaborer avec les mêmes groupes extrémistes islamiques qu'ils utilisent pour justifier les attaques contre les droits démocratiques au pays. En Libye et en Syrie, les puissances occidentales ont soutenu des forces fidèles à Al-Qaïda, dont certaines allaient former l'État islamique. Ce soutien aux forces djihadistes en Libye était si éhonté que, comme il a été révélé récemment par l'Ottawa Citizen, des responsables militaires canadiens plaisantaient en 2011 que les avions de l'OTAN servaient « d'Armée de l'air pour Al-Qaïda ».
Il y a deux raisons interconnectées pour la mise en place de l'infrastructure d'une dictature. Premièrement, à mesure que le danger augmente d'une conflagration mondiale entre les puissances impérialistes, la bourgeoisie craint de plus en plus la possibilité d'un mouvement de masse d'opposition au militarisme. Deuxièmement, la même poursuite sans limites d'auto-enrichissement par l'oligarchie financière qui anime le recours au militarisme et les guerres de conquête néocoloniales est à la base de l'assaut sur les emplois, les salaires et les services sociaux essentiels que Cameron a qualifié de nouvelle « ère d'austérité ».
Le niveau actuel des inégalités sociales - la toujours plus grande concentration de la richesse au sommet de la société à côté de l'appauvrissement de la grande majorité - est incompatible avec des formes démocratiques de gouvernement. La préservation d'un tel ordre social requiert la coercition et la violence d'État.