Commentaire : Le manque de moyens de la justice, cité comme problème N°1 pour la sécurité des Français, par le juge Trévidic, donne vraiment l'impression d'être criant. Comment est-ce possible ?


La conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) a appelé jeudi les parquets, saturés et au bord du « burn-out » après les attentats de Paris, à suspendre certaines missions annexes pour se concentrer sur l'essentiel, notamment la direction des affaires judiciaires.

Palais justice Paris
© InconnuLe Palais de Justice de Paris
Cinq procureurs, membres de l'association qui revendique 90 adhérents et 130 sympathisants sur les 167 procureurs de France, ont lancé un cri d'alarme sur la dégradation des conditions de travail des parquets, sortant ainsi de leur traditionnelle réserve.

« C'est un crève-cœur de s'exprimer ainsi mais la tension est extrême. Nos collègues sont épuisés, certains au bord du burn-out », a expliqué Thomas Pison, président du CNPR et procureur de Nancy, en expliquant que la mobilisation après les attentats du 13 novembre et la mise en place de l'état d'urgence ont à nouveau mis en lumière le manque de moyens humains et matériels du ministère public face à des missions toujours plus nombreuses.

Ne se concentrer que sur les priorités

« Il y a une vraie urgence. Nous avions déjà lancé des cris d'alarme en 2011 et 2013, mais nous constatons que les choses n'ont pas beaucoup avancé », a-t-il regretté, ajoutant que les procureurs, malgré leur dévouement, ne peuvent plus tout faire et des priorités doivent être définies.

Réunis samedi en assemblée générale, la CNPR a donc demandé aux parquets de France «de suspendre leurs activités périphériques et chronophages éloignées de leurs missions judiciaires essentielles» et de «cibler leur participation aux multiples instances partenariales pour ne retenir que celles présentant un intérêt opérationnel».

En clair, les procureurs appellent à mettre entre parenthèses les rapports administratifs, les réunions sur la politique de la ville ou la prévention de la délinquance pour se concentrer sur les métiers de base: l'action publique, la direction des enquêtes judiciaires, leur présence dans les états-majors de sécurité ou les cellules de radicalisation.

Dans l'attente d'une réponse de la garde des Sceaux

«On a écrit lundi à la garde des Sceaux pour lui expliquer ce que l'on comptait faire. Nous attendons sa réponse», a indiqué Thomas Pison. Sur la crise de moyens, les procureurs constatent que 6,58% des postes de magistrats du parquet restent non pourvus et qu'on assiste à une véritable crise des vocations : «Ceux qui sortent de l'école sont motivés. Mais au bout de deux ans, ils choisissent d'autres fonctions moins prenantes et avec un niveau de responsabilité moins fort».

« La garde des Sceaux a souhaité que tous les parquets aient des référents terrorisme. Mais ce ne sont pas des collègues en plus qui sont arrivés, ce sont des missions en plus qui sont venues se rajouter», a déploré Thomas Pison, pour qui la «pression» supplémentaire peut engendrer des «erreurs de procédure ».

Les parquetiers français sont aujourd'hui 2,9 pour 100.000 habitants contre 12 au niveau européen. Ils traitent en moyenne chacun 2.532 affaires par an contre 615 pour leurs voisins. A l'inverse, le coût de la justice représente en moyenne 61 euros par habitant en France contre 121 en Europe.